Le statut matrimonial de base ou
régime matrimonial primaire
Au régime matrimonial, qui a été choisi par les époux ou qui leur est imposé en cas de carence de leur part, viennent se superposer un certain nombre de règles impératives que la loi impose aux époux quel que soit leur régime matrimonial et auxquelles on donne le nom de régime matrimonial primaire.
y La loi a reconnu à tous les époux des pouvoirs individuels de gestion : chacun des époux à pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidaire-ment ; chacun d’eux peut ouvrir un compte de dépôt ou de titres.
y Elle exige pour certains actes l’intervention des deux époux : achats à tempérament, actes de disposition concernant le logement de la famille et les meubles meublants.
y Le juge peut interdire certains actes contraires à l’intérêt de la famille ou ordonner toutes mesures conformes à cet intérêt.
y Chacun des époux peut percevoir ses gains et salaires (chez la femme, on les appelle biens réservés) et les gérer librement après s’être acquitté de sa contribution aux charges du ménage.
A. V. et M. C.
F Enfant / Famille / Femme / Filiation / Nuptialité et divorcialité.
R. Savatier, la Communauté conjugale nouvelle en droit français (Dalloz, 1970). / M. Delmas-Marty, le Mariage et le divorce (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1972). / G. Cornu, les Régimes matrimoniaux (P. U. F., 1974).
LA SOCIOLOGIE
DU MARIAGE
Peu d’institutions paraissent aussi naturelles que le mariage. Sa signification semble relever de l’évidence, et l’on imagine volontiers que ses principales caractéristiques se retrouvent, à des nuances près, identiques dans toutes les sociétés.
Généralités
Un des mérites de l’ethnologie est d’avoir dénoncé cette illusion. Contrairement à ce que suggère le sens commun, la forme de nuptialité que nous pratiquons n’est pas une variante d’un archétype unique. Nous avons désor-downloadModeText.vue.download 13 sur 575
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 13
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mais reconnu des modèles matrimo-
niaux qui s’écartent considérablement du nôtre et sur des points que nous considérons comme essentiels. Force nous est d’admettre que notre type de mariage est un système particulier parmi des centaines d’autres.
Un autre apport de l’ethnologie a été de souligner le fondement avant tout social du mariage. « La multiplicité des systèmes matrimoniaux, la rigueur et l’irrationalité apparente des interdits, tout devient clair, dit Claude Lévi-Strauss*, à partir du moment où l’on pense qu’il faut que la société soit. »
Les règles du mariage sont des règles d’échanges qui font partie de la grande
« fonction de communication » qu’est la société.
Les caractéristiques d’un système matrimonial dans une société donnée sont donc étroitement liées à la structure globale de cette société et, d’une certaine manière, l’expriment. D’où la singularité de chaque modèle de nuptialité. Il faut pourtant bien tenter de définir le mariage ou, du moins, de le distinguer des autres formes d’union.
Les ethnologues reconnaissent géné-
ralement quatre fonctions qu’ils consi-
dèrent comme nécessaires et suffisantes, lorsqu’elles se trouvent réunies, pour qu’il y ait véritablement mariage : l’existence de relations sexuelles régu-lières ; la procréation ; la coopération économique et enfin l’« élevage » et l’éducation des enfants.
Définir, par rapport à ce dénomi-
nateur commun, notre propre modèle matrimonial comporte une part d’arbitraire. C’est que, en réalité, notre système est la résultante d’apports successifs et, en principe, peu conciliables.
La tradition germanique en est probablement le substrat. Le mariage y était avant tout l’alliance de deux familles, alliance décidée en fonction d’une stratégie familiale dont les parents étaient les seuls juges. Le droit romain, dont l’influence ne s’est fait sentir que progressivement, a introduit l’idée de libre consentement des conjoints. Dans l’une et l’autre de ces deux sociétés, le mari avait autorité sur sa femme.
L’Église catholique devait confirmer cette prééminence de l’homme, mais son apport principal fut la règle de l’indissolubilité, règle très tôt proclamée, mais qui ne passa que lentement dans les moeurs. Vers la fin du Moyen Âge, le mariage se présentait en France comme une institution destinée, sous l’autorité de l’époux, à la « reproduction » dans tous les sens du terme, c’est-à-dire à la procréation et à la transmission d’un patrimoine matériel et culturel. L’apparition de l’« amour courtois » au XIIe s. ne devait avoir, dans l’immédiat, que peu d’incidences sur l’institution matrimoniale. Relation affective intense, lien de fidélité absolue et vécu dans légalité, l’amour courtois restait, en principe au moins, spirituel et de toute façon excluait le mariage. On ne pouvait épouser Iseut.
Pour essayer de définir très ap-
proximativement ce qu’est devenu le mariage dans notre société, on pourrait dire qu’il est une tentative pour intégrer l’amour courtois à l’institution matrimoniale. Ainsi, le mariage garde sa fonction de reproduction et de coopération économique, mais dans une ferveur affective où chaque conjoint doit épanouir sa personnalité et réaliser son idéal de bonheur. Cette conception romantique du mariage, avec des
variantes, suivant les pays et les milieux sociaux, a très largement marqué le modèle actuel de la nuptialité, non seulement en France, mais dans l’ensemble des populations de culture occidentale.
Comme tous les modèles de nup-
tialité, le nôtre se réalise suivant des caractéristiques qui permettent de l’appréhender de l’extérieur et de le saisir par certains traits mesurables : l’intensité, l’âge des conjoints, la durée de l’union, la fréquence des ruptures.
L’intensité et le calendrier
de la nuptialité
L’intensité de la nuptialité dans une génération se mesure par la proportion d’hommes et de femmes demeurés célibataires à 50 ans. Dans les géné-
rations françaises nées au début du XIXe s., le pourcentage des célibataires définitifs était d’environ 13 p. 100 dans l’un et l’autre des deux sexes. L’évolution s’est faite dans le sens d’une nette augmentation de l’intensité. On estime que, dans les générations nées vers 1940, la fréquence du célibat définitif en France ne dépassera pas 8,5 p. 100
chez les hommes et 7,5 p. 100 chez les femmes. Dans d’autres pays industriels, aux États-Unis en particulier, on observe déjà des intensités plus élevées : le pourcentage définitif des célibataires serait de 5 p. 100 environ.
Enfin, dans les sociétés non industrialisées ou peu industrialisées, l’intensité de la nuptialité est généralement encore plus forte.
D’une manière générale (le Japon
constitue sur ce point une exception), une forte intensité de la nuptialité s’accompagne d’une grande précocité. Suivant les sociétés, l’âge au mariage est très différent d’un sexe à l’autre. Il est parfois très précoce pour les femmes et tardif pour les hommes, si bien que l’écart d’âge moyen peut dépasser 5 ou 6 ans, sinon davantage.
En France, un écart de 3 années environ était, il y a un siècle, non pas la règle, mais la moyenne. Depuis lors, l’âge moyen des conjoints au mariage a baissé, mais davantage chez les hommes que chez les femmes, de sorte
que l’écart entre les conjoints a lui-même diminué.
Ainsi, plus de 9 Français sur 10 se marient. Et ils le font, en moyenne, vers 24 ans pour les hommes et vers 22 ans pour les femmes.
Une autre caractéristique morphologique du mariage, et sans doute l’une des plus importantes, est sa durée moyenne. Elle résultait autrefois uniquement des âges moyens au mariage et des tables de nuptialité masculine et féminine. Elle atteignait, au XVIIIe s., un peu plus de 20 ans. Calculée sur la base des seules données d’âge au mariage et de mortalité, elle passait à 30 ans environ pour les mariages contractés dans les premières décennies du siècle ; elle atteindra plus de 40 ans pour les cohortes récentes. La durée moyenne du mariage aurait ainsi presque doublé en moins de deux siècles.