relaie le parti radical pour la repré-
sentation des classes moyennes. » Le succès M. R. P. est particulièrement marqué dans la Seine, où il devient, avec 28 p. 100 des voix, le deuxième parti, en Alsace et en Lorraine, en Savoie, dans le Nord, en Normandie, régions de traditions conservatrices et religieuses.
Mais ce triomphe électoral est en fait fondé sur une équivoque. Une faible minorité d’électeurs des républicains populaires se sentent attirés vers la gauche. Pour la majorité d’entre eux, le M. R. P. n’est qu’un barrage provisoirement dressé contre le communisme.
« C’est avec des voix de droite que nous ferons une politique de gauche », avoue G. Bidault. Cette grave distorsion va peser lourdement sur l’évolution du parti : pour ne pas perdre sa clientèle, celui-ci devra tenir compte de ses aspirations, admettre la discussion et les concessions, et cependant ses prises de position seront plus à droite que ne le souhaitent les militants, mais trop à gauche pour satisfaire leurs électeurs. Le mouvement en subira très vite les conséquences.
Le départ du général de Gaulle
(20 janv. 1946) jette la consternation chez les démocrates-chrétiens. Les socialistes refusent un tête-à-tête avec les communistes. Le M. R. P. devient l’arbitre de la situation politique fran-
çaise. Le débat, pour lui, est cornélien.
Parti de la fidélité au général, doit-il rester après le départ de celui-ci ou laisser socialistes et communistes, majoritaires à l’Assemblée, se partager les responsabilités ?
Sans doute sous la pression de
l’état-major de l’armée, il accepte de participer au gouvernement, persuadé que, « tant qu’il est là, il ne sera pas
touché aux libertés fondamentales des Français ».
Le tripartisme ainsi créé se maintient en cahotant jusqu’à l’exclusion des communistes du gouvernement en mai 1947. La voie laissée au M. R. P. est étroite, et, à l’Assemblée, les combats pour le droit à la propriété privée et pour la liberté de l’enseignement sont autant de batailles perdues pour lui.
Sur le plan des institutions, les républicains populaires dirigent l’opposition au projet de constitution soutenu par les communistes. Le succès du « non »
(53 p. 100 le 5 mai 1946) est le sien.
Le pays, qui tient le M. R. P. pour le rempart de l’ordre depuis le départ du général, confirme le 2 juin 1946 les ré-
sultats du référendum. Avec 163 dépu-tés, le tout jeune M. R. P. devient le premier parti de France.
À propos du second projet de
constitution établi en accord avec les communistes, les républicains populaires entrent en conflit ouvert avec de Gaulle. Le scrutin référendaire (oct.
1946) donne tort à de Gaulle, mais le M. R. P. sort aussi affaibli de la consultation. Une partie de son électorat a suivi de Gaulle : pour lui, le M. R. P.
cesse d’être le parti de l’opposition au marxisme pour devenir celui de la compromission avec lui. La constitution du Rassemblement du peuple français (R. P. F.) en avril 1947 crée de nouvelles difficultés au M. R. P. Aux élections municipales d’octobre 1947, celui-ci n’obtient que 10 p. 100 des suffrages, contre 25 p. 100 en 1946. De Gaulle a rallié tous les « conservateurs perdus ». Au sein du mouvement, une minorité souhaite rétablir le dialogue avec le général. D’août à novembre 1947, le parti connaît une grave crise, qui se dénoue par l’exclusion des minoritaires. Ceux-ci (Edmond Michelet, Jean-Paul Palewski, Louis Terrenoire, Henri Lespès) constituent à l’Assemblée le groupe des républicains populaires indépendants. Est-ce le crépuscule du mouvement ? Mais le M. R. P.
doit sa survie à l’appui des cadres ca-downloadModeText.vue.download 574 sur 575
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 13
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tholiques. « Le M. R. P., observe Vincent Auriol, rend un fier service à la République. Grâce à lui, la masse des fidèles ne rejoint pas les adversaires du régime, comme lors de la crise nationaliste du XIXe s. »
Le M. R. P., plus réduit, est aussi plus homogène, et le succès de la C. F. T. C. tend à prouver que l’électorat ouvrier est resté plus fidèle aux démocrates-chrétiens que la bourgeoisie. N’est-ce pas justice, puisque le M. R. P. a, pendant cette période, détenu les plus grandes responsabilités en matière de finances et d’économie nationale, et qu’il a défendu les revendications de ses partenaires communistes et socialistes au sujet des prix, des salaires, du ravitaillement, de la lutte contre le marché noir.
La troisième force
De 1947 à 1951, sans le M. R. P. il n’y aurait pas eu de troisième force possible face au communisme et au gaul-lisme. Mais la collaboration des partis est précaire.
Deux domaines tiennent particuliè-
rement à coeur au M. R. P. : la politique européenne et les questions économiques et sociales. Robert Schuman (1886-1963) travaille inlassablement à la construction de l’Europe*. Le projet d’une armée européenne soulève en 1948 une vive opposition des socialistes et des radicaux. L’action du leader M. R. P. aboutit néanmoins à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (avr.
1951) et ultérieurement, malgré le peu d’enthousiasme de l’Assemblée, à la mise en place de la Communauté européenne de défense (1952). Sur le second terrain — celui de l’action sociale (défense des droits de la famille, des libertés syndicales) et surtout de la politique économique —, la coexistence du M. R. P. et de la S. F. I. O. est de plus en plus difficile. En février 1950, les socialistes retirent leur soutien au cabinet Bidault à propos de sa politique des salaires. Mais c’est le problème de la laïcité, soulevé cette fois par les gaullistes, qui créera la rupture entre démocrates-chrétiens et socialistes.
Une première fissure se produit en mai
1948 lors du vote du décret Poinso-Chapuis, qui accorde une allocation à l’école libre. Elle s’élargit lorsqu’en juillet 1951 gaullistes et M. R. P. font une surenchère pour obtenir le rétablissement de subventions à l’école libre, abrogées en 1945. Les exigences opposées des républicains populaires et des socialistes provoquent une longue crise gouvernementale. Le vote de la loi Barangé (sept. 1951) marque la rupture définitive. La troisième force a vécu.
Le glissement
vers la droite
Ainsi, le M. R. P. est rejeté vers la droite. Mais ce glissement est plus sensible dans l’électorat que dans les choix du parti lui-même. Ainsi, en 1949, les dirigeants ont mis fin au flirt avec le R. P. F. esquissé par Bidault ; de même, en 1950, c’est A. Colin, re-présentant la gauche du parti, qui a été élu au secrétariat général.
Mais, pour ne pas faire le jeu des communistes, le M. R. P. accepte, lors de la réforme électorale de 1951, d’abandonner le scrutin proportionnel, qu’il a défendu jusque-là, et admet le scrutin départemental de liste à un tour majoritaire. Les élections législatives de juin accentuent l’orientation vers la droite : 25 p. 100 des députés M. R. P.
ne gardent leur siège qu’en formant une alliance contre les socialistes et en acceptant des apparentements avec la droite et même avec le R. P. F. Tandis que le M. R. P. recule — il perd la moitié des voix recueillies en 1946 et n’a plus que 85 députés —, l’importance relative des bastions traditionnels du catholicisme (la Bretagne et l’Est) s’accroît.
En 1952, les indépendants, en la
personne d’Antoine Pinay, ne peuvent tenter leur chance que dans la mesure où le M. R. P. se prête à l’expérience.
Le parti accorde d’abord son soutien en échange du maintien de R. Schuman aux Affaires étrangères, mais il s’acharne à maintenir les conquêtes sociales, à faire voter l’échelle mobile des salaires, et ses critiques à l’égard de la politique économique, du fonctionnement des Allocations familiales notamment, révèlent une mésentente