La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15
8091
monastères prohibés, elles sont toutes de dimensions modestes. La luxuriance polychrome des nefs, où les retables de bois doré, les voûtes peintes à fresque, les cascades d’amours et de guirlandes composent des décors pleins de grâce et de gaieté, contraste avec la simplicité extérieure de ces églises, dont les silhouettes, pour autant, ne manquent souvent pas d’originalité. Les plus anciennes (Antônio Dias, São Miguel) présentent comme au Portugal des façades sobres à fenêtres régulières et fronton, encadrées de clochers carrés. Mais celles de la seconde moitié du XVIIIe s. — São Francisco de Assis, Nossa Senhora do Monte do Carmo
(les Carmes), Nossa Senhora do Pilar, Santa Ifigenia (le Rosaire-des-Noirs)
— transposent ingénieusement, à travers le Portugal, les recherches de mouvement et de courbes contrastées
du baroque germanique. Plans ovales, tours rondes, tours plantées obliquement et en retrait de la façade, façades convexes, etc. : le pittoresque des architectures s’associe heureusement au pittoresque du site. En outre, les portails à « frontispices » délicatement sculptés manifestent le talent du grand architecte et sculpteur mulâtre Antonio Francisco Lisboa, dit l’Aleijadinho*
(1730-1814), qui, à la suite de son père, Manuel, fut le grand créateur des églises d’Ouro Prêto.
L’architecture civile, si elle n’offre pas de monuments comparables, pré-
sente une homogénéité rare. Les principales rues sont bordées de palais sobres, à grandes vérandas et à balcons, souvent peints de tons clairs, qui attestent — comme plusieurs charmantes et capricieuses fontaines — le raffinement d’un passé aussi brillant que bref.
Dès les dernières années du XVIIIe s., l’épuisement rapide des filons aurifères provoque le malaise économique et des mesures fiscales impopulaires.
Assoupie durant le XIXe s., dépouillée de son rang de capitale par la ville nouvelle de Belo* Horizonte, Ouro Prêto revit aujourd’hui par son école des mines justement renommée, mais aussi comme centre de tourisme, d’expositions, de festivals, reliquaire d’un art qui compte d’autres témoins notables, mais dont nulle autre ville n’offre un miroir aussi complet.
P. G.
M. Bandeira, Guida de Ouro Prêto (Rio de Janeiro, 1938 ; trad. fr. Guide d’Ouro Prêto, Rio de Janeiro, 1948).
Ourouk
Ville ancienne de basse Mésopotamie, dont le site est occupé du VIe millé-
naire au IIIe siècle apr. J.-C.
On la désigne généralement sous
cette forme akkadienne de son nom, qui, dans les textes sumériens, est écrit Ounou, Ouri ou Iri. Connue dans les textes bibliques sous le nom d’Érech, elle apparaît comme un maillon essentiel de l’évolution qui conduisit en pays sumérien la société villageoise du Néolithique à la civilisation urbaine des
temps historiques (fin du IVe et début du IIIe millénaire) ; il se pourrait donc que ce site recouvrit la plus ancienne cité de l’histoire.
Les énigmes d’Ourouk
Cette ville, à laquelle les textes historiques de la Mésopotamie attribuent une grande importance, a été située par les archéologues à Warka, nom arabe d’un ensemble de tells situé à 20 km au nord de l’Euphrate, qui devait passer autrefois à proximité de ce gros habitat de 500 ha. Signalé dès 1835 par les Britanniques J. B. Fraser et L. Ross, le site de Warka est fouillé pour la première fois par William Kennet Loftus (1849, 1852 et 1853). Mais le dégagement mé-
thodique des couches anciennes sera le fait des archéologues allemands, dont le premier est Julius Jordan (1912) et dont l’activité n’a été interrompue que lors des guerres mondiales.
En dépit de la découverte de très nombreuses tablettes cunéiformes provenant des archives des temples de différentes époques, les spécialistes ne sont pas parvenus à identifier de façon certaine les sanctuaires, qui ont pourtant accaparé l’essentiel de leur activité. L’Eana (« Maison du Ciel ») était-il consacré à Anou (dieu du Ciel) ou à Innin (déesse de la Fécondité, dont le nom s’écrit aussi Inana ou Inanna et qui reçoit au IIIe millénaire av. J.-C. le titre sémitique d’Ishtar). Le temple du
« bâtiment sud » des Allemands est-il réellement l’Irigal (ou Eshgal) dont parlent les textes et qui était dédié à Ishtar et à Nanâ (une déesse mère) ?
La « ziggourat d’Anou » (Ve-IVe millénaire) a-t-elle été autre chose qu’une terrasse portant un temple, et peut-on la rattacher au culte d’Anou, qui n’est attesté en ce lieu qu’à partir du IIIe s.
av. J.-C. ?
Un grand foyer
de la civilisation
mésopotamienne
(VIe-IVe millénaire)
L’habitat d’Ourouk, attesté dès la phase de la céramique de Hadjdji Muham-mad (fin du VIe millénaire), remonte sans doute au grand mouvement qui a colonisé pour la première fois la basse Mésopotamie (v. 5500). Très tôt, sa
population se donne un temple périodiquement reconstruit sur une terrasse à chaque fois rehaussée (la prétendue
« ziggourat d’Anou »). Elle forme déjà une communauté urbaine lorsqu’on atteint le niveau VII de l’Eana (v. 3700), qui a livré les plus anciens bâtiments décorés de mosaïques ; celles-ci sont constituées par les têtes coloriées de cônes de terre cuite enfoncés dans l’argile fraîche des murs. Déjà, la céramique du site est passée du style d’Obeïd (VIe-IVe millénaire) à ceux d’Ourouk et de Djemdet-Nasr (IVe millénaire). Tandis que les temples continuent à se succéder sur l’emplacement de la « ziggourat d’Anou » jusqu’au
« Temple blanc » du niveau le plus tardif, le lieu saint de l’Eana se couvre, à partir du niveau V (v. 3600), de bâtiments sacrés de grande taille associés en ensembles culturels complexes. Il s’agit de temples de forme allongée, au plan tripartite, aux façades ornées de redans, construits en briques crues et plus rarement en pierre calcaire qu’il fallait chercher à des centaines de kilomètres (fait qui suggère une grande puissance économique). Ces édifices, rapidement remplacés pour des raisons inconnues, ont livré, outre des mosaïques de cônes, les premières réalisations de la sculpture mésopotamienne sur pierre (tête de la « Dame d’Ourouk » ou « de Warka », vase de l’offrande à Innin).
Le niveau IV (v. 3500-3300) contient les plus anciens exemplaires connus d’écriture pictographique et de sceaux de forme cylindrique (supérieurs aux cachets plats, car ils permettent de couvrir d’une empreinte continue le bouchon d’argile qui garantit l’intégrité d’un récipient ou d’un local fermé).
L’écriture, qui a déjà dépassé le stade originel, se présente sous forme de dessins figuratifs conventionnels dé-
signant les êtres et objets dénombrés dans la comptabilité des temples.
Faut-il attribuer cette invention capitale de la première de toutes les écritures à Warka ? On en est moins sûr depuis que l’on a découvert que Suse, à 275 km de là, l’avait devancée dans la construction d’un temple monumental (dès 4000) [v. Élam].
La ville de royauté
(IIIe millénaire)
Les habitants du site de Warka continuent certainement leurs grands travaux après la fin du IVe millénaire, mais les monuments suivants échappent à l’archéologie du fait des nivellements opérés au XXIIe s. Heureusement, à ce moment, les textes commencent à nous renseigner sur l’histoire d’Ourouk.
Les listes de la fin du IIIe millénaire et du début du IIe qui énumèrent les lignées locales ayant exercé la royauté sur le Pays (à peu près la basse Mésopotamie) placent après le Déluge une dynastie de Kish, puis la Ire dynastie d’Ourouk, qui débute par des dieux ou des héros avec des règnes d’une longueur invraisemblable ; ils deviennent plus courts après celui du cinquième roi, le fameux Gilgamesh, à qui la tradition attribuera la grande enceinte de la ville, qui, avec 900 tours, mesure 10 km ; et bientôt, des noms sémitiques se mêlent aux noms sumériens. À ces rois succèdent la IIe dynastie d’Ourouk des listes, puis une lignée qui gouverne également la ville d’Our. Lougal-zaggesi, vicaire d’Oumma, qui s’installe ensuite à Ourouk, d’où il domine toute la Mésopotamie (v. 2375-2350), constitue à lui seul la IIIe dynastie de la grande cité. Cette dernière est ensuite incorporée par Sargon, vainqueur de Lougal-zaggesi, à l’empire de la dynastie d’Akkad* (v. 2230-2160). Puis, lorsque cette domination s’est effondrée, une IVe dynastie d’Ourouk, dont le pouvoir est limité à sa ville, se manifeste vers la fin du XXIIIe s., avant que le peuple barbare des Gouti n’impose sa loi aux cités de la Mésopotamie. Et c’est Outou-hegal (2140-2033), seul représentant de la Ve dynastie d’Ourouk, qui chasse les intrus du pays des Deux Fleuves. À sa mort, sa ville est réunie à l’empire constitué par la IIIe dynastie d’Our* (2133-2025), dont les deux premiers rois font de grands travaux à Ourouk, en particulier la construction pour Innin d’une ziggourat dans l’Eana. Après la chute de l’empire d’Our, Ourouk passe sous la domination des rois d’Isin, puis sous celle d’une dynastie locale (1863-1801), fondée par Sin-Kâshid, chef de la tribu amorrite Amnânoum. Sa dynastie, qui s’est très vite assimilée au milieu ur-downloadModeText.vue.download 25 sur 619