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L’Italie ostrogothique

En 493, Théodoric est proclamé « roi »

sans qualification ethnique par son armée de composition fort hétérogène, mais il agit auprès des Italo-Romains en vertu de la pragmatique de 488 en tant que patrice et magister utriusque militiae au nom de l’empereur, qui lui reconnaît en 497 seulement le droit de porter la pourpre et le diadème. Il instaure ainsi en Italie un régime dualiste.

Armée en campagne strictement

disciplinée, les Ostrogoths et leurs frères germains, qui seuls peuvent porter des armes, sont cantonnés en quelques points stratégiques : Salone en Dalmatie, Ticinum dans la plaine du Pô, Ravenne* à son débouché, plus quelques garnisons isolées en Italie centrale et en Campanie. Conservant leur originalité linguistique, fidèles à l’arianisme auquel ils se sont convertis en Pannonie, se regroupant enfin autour de la cathédrale arienne dans des quartiers urbains situés en marge de la cité romaine, les Ostrogoths sont soumis à l’autorité de comites Gotho-rum, chefs à la fois civils et militaires, à celle des saiones, émissaires royaux, et à celle des généraux germains : Ibbas ou Tuluin. Ils sont régis par un droit spécial qui leur interdit tout mariage avec des Romains et vivent de l’exploitation du tiers des terres (tertia) qui leur sont cédées par ces derniers, avec lesquels ils sont associés (consortes) en vertu du régime de l’hospitalité. Ils représentent l’unique force matérielle de la construction politique édifiée par Théodoric. Par contre, la primauté de

cette dernière au sein des États barbares est assurée par la civilisation romaine, dont Théodoric prétend, en 500, dans son discours au sénat, assurer la défense.

Face à l’administration militaire exclusivement gothique, l’administration civile est l’apanage de l’aristocratie italienne, qui détient au Sacré Palais de Ravenne les fonctions essentielles de maître des offices, de chef des bureaux (scrinia), de questeur du palais, responsable de la correspondance, fonction attribuée en 507 au Lucanien Cassiodore, de comte des largesses sacrées enfin. Au plan local, les deux préfets du prétoire d’Italie (Ravenne) et de Gaule (Arles) assurent la bonne administration avec l’aide des gouverneurs de province de rang sénatorial. L’originalité linguistique (latin), religieuse (catholicisme depuis 395) et culturelle (tradition romaine) des Italiens est ainsi respectée par Théodoric, qui, à juste titre ou non, s’attribue à leur égard le droit de faire des édits.

En fait, entre Ostrogoths et Romains, le lien unique est la personne du prince, seul souverain barbare à avoir doté son État d’une capitale, Ravenne, où il établit le siège de sa cour dont le céré-

monial purement impérial est assuré par un personnel presque uniquement ostrogothique.

Grandeur et déclin de la

puissance ostrogothique

Théodoric orne sa capitale de palais, d’églises et de baptistères édifiés dans la tradition inaugurée par Galla Placi-dia. Il restaure les monuments de Rome et permet en outre à la culture latine de jeter un dernier éclat grâce à la protection qu’il accorde au futur évêque de Pavie, Ennodius, au philosophe Boèce et au fondateur du monastère de Viva-rium : Cassiodore, à qui il commande une histoire en latin des Goths que nous connaissons à travers l’abrégé rédigé au temps de Justinien par un Goth, Jordanès, dont l’oeuvre peut être corroborée, pour le temps de la reconquête, par celle du Byzantin Procope de Césarée.

À l’extérieur, il tire profit des pou-

voirs qu’il détient en tant que roi germain et en tant que représentant de l’empereur en Occident. Il pratique également une habile politique matrimoniale qui lui permet de constituer autour de sa personne une sorte de fédération des rois barbares d’Occident à l’extrême fin du Ve s.

La conquête franque, l’élimination de ses alliés au sein des royaumes burgonde et vandale compromettent presque aussitôt l’oeuvre du souverain. En ordonnant la triple exécution du sénateur Albinus, du philosophe Boèce et du beau-père de ce dernier Symmaque en 524, en faisant arrêter le pape Jean Ier, qui meurt en prison downloadModeText.vue.download 4 sur 619

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15

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en 526, sous prétexte de complot avec Byzance, Théodoric la condamne définitivement avant même que de mourir, puisqu’il rompt ainsi à la fois avec les Romains traditionalistes et avec les catholiques à l’heure même où se précisent les visées de Justinien* sur l’Italie.

La jeunesse de son petit-fils Athala-ric (526-534), régnant sous la régence de sa mère Amalasonte, qui se rapproche des Romains, la réaction antiromaine des Ostrogoths qui en résulte, l’assassinat enfin en 535 d’Amalasonte par son cousin l’usurpateur Théodat (534-536) fournissent à Justinien un prétexte d’intervention. L’empereur se pose en défenseur de la victime et entreprend en fait la reconquête de l’Italie. Dès le printemps ou l’été 535, celle de la Dalmatie est terminée ; en juillet, Bélisaire commence celle de la péninsule à partir de la Sicile. L’État romano-gothique s’effondre aussitôt, mais non son armée. Celle-ci, déposant l’indigne Théodat et le laissant assassiner, proclame roi un ancien lieutenant de Théodoric, Vitigès (536-540), qui doit aussitôt épouser la soeur d’Athala-ric, Mathasonthe, afin de se rattacher à la famille des Amales. Contraint d’évacuer Rome le 9 décembre 536, capturé par Bélisaire à Ravenne en mai 540, il a pour successeur Ildibald (540-41),

neveu du Wisigoth Theudis, le Ruge Éraric (541) et surtout Totila (541-552), qui ne font que prolonger inutilement la lutte et ruiner l’Italie. Malgré de nombreux succès, ce dernier prince est finalement vaincu et mortellement blessé en 552 à Tadinae (Gualdo Ta-dino) par Narsès. Son successeur Teias ayant été vaincu et tué à son tour à Mons Lactarius (Monti Lattari), peut-

être le 1er octobre 552, les dernières garnisons ostrogothiques, d’ailleurs soutenues en 553-54 par les forces franco-alamaniques du roi de Reims Théodebald, prolongent leur résistance jusqu’en 555, date de la capitulation de Compsa (Conza) à 100 kilomètres à l’est de Naples.

Peu nombreux, les Ostrogoths survivants sont déportés en Orient ou se fondent dans la population romaine sans laisser aucune trace, autre que monumentale, dans la péninsule. Fin étonnante pour un peuple qui a connu un destin aussi exceptionnel.

P. T.

F Attila / Barbares / Byzantin (Empire) / Clovis Ier

/ Francs / Germains / Huns / Italie / Justinien Ier

/ Lombards / Mérovingiens / Milan / Ravenne /

Rome / Théodoric Ier l’Amale / Wisigoths.

Procope, La Guerra gotica (Éd. du texte grec et trad. it., Rome, 1895-1898 ; 3 vol.). /

N. F. Aberg, Die Goten und Langobarden in Italien (Uppsala, 1923). / G. Pepe, Il medio evo bar-barico d’Italia (Turin, 1941, 4e éd., Milan, 1949 ; trad. fr. le Moyen Âge barbare en Italie, Payot, 1956). / L. Schmidt, Die letzten Ostgoten (Berlin, 1943). / C. A. Brady, The Legends of Ermanaric (Berkeley, 1943). / W. Ensslin, Theoderich der grosse (Munich, 1947 ; 2e éd., 1959). / G. Zink, les Légendes héroïques de Dietrich et d’Ermrich dans les littératures germaniques (I. A. C., Lyon, 1951). / R. Vulpe, le Vallum de la Moldavie infé-

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