La descendance d’Enjeuger, qui est assurée par le mariage d’Ermengeard, soeur de Geoffroi II Martel Ier, avec le comte de Gâtinais Geoffroi IV Ferreul, ne jugule qu’avec difficulté l’anarchie féodale sous les règnes successifs des deux fils de ce couple : Geoffroi III le Barbu (1060-1068) et surtout le volup-tueux Foulques IV le Réchin (1068-1109), qui doit se résigner à partager son épouse, la jeune et belle Bertrade de Montfort, avec le roi de France Philippe Ier. Mais, après la disparition de Foulques IV en 1109, la dynastie angevine retrouve autorité et puissance sous le règne de son fils Foulques V le Jeune (1109-1131), qui laisse son comté à son fils Geoffroi V le Bel avant de partir pour la Terre sainte, où il devient roi de Jérusalem (1131-1143).
Du comté au royaume
Poursuivant avec énergie la pacification de l’Anjou aux dépens d’un baron-nage anarchique dont il détruit les plus puissantes forteresses, Geoffroi V le Bel (1131-1151) apparaît comme le véritable fondateur de la dynastie des Plantagenêts, que l’on devrait appeler en fait Plantegenêts selon Charles Petit-Dutaillis. Il est, en effet, le premier prince angevin à porter ce sobriquet, car, grand chasseur, il aime parcourir les landes fleuries de genêts et porte peut-être même sur son casque une branche de genêts fleuris. En outre, il est aussi le premier Angevin auquel un mariage avantageux ait permis d’aspirer à la couronne d’Angleterre. Ayant
épousé l’empress, l’impératrice Ma-thilde, veuve de l’empereur Henri V
et unique héritière du roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc, dont le fils a péri dans le naufrage de la Blanche-Nef (1120), il tente de faire valoir les droits de son épouse à la couronne d’Édouard le Confesseur. Il échoue en raison de la préférence accordée par le baron-nage anglo-saxon au faible Étienne de Blois (1135-1154). Mais, tandis que son épouse essaie de faire reconnaître sa souveraineté outre-Manche (1139-1147), il conquiert en 1144 le duché de Normandie*, dont il investit son fils Henri dès 1150. Comte d’Anjou en 1151, reconnu en outre duc d’Aquitaine* par son mariage avec l’épouse divorcée de Louis VII, Aliénor d’Aquitaine, en 1152, Henri réussit enfin à devenir, en décembre 1154, roi d’Angleterre* (sous le nom d’Henri II*) à la mort d’Étienne de Blois.
Ayant tenté de faire couronner roi de son vivant son fils Eustache selon une pratique courante en France mais non en Angleterre, Étienne de Blois a, en effet, suscité un violent mécontentement dans son pays, mécontentement dont a profité Henri Plantagenêt pour mener outre-Manche, en 1153, une campagne victorieuse. Et, à son issue, Eustache étant mort, le roi d’Angleterre a dû reconnaître le prince angevin comme son héritier légitime par le traité de Westminster (fin 1153).
Une famille divisée
Henri II, second fondateur de la dynastie des Plantagenêts, est non seulement le bénéficiaire d’un heureux concours de circonstances qui le rend maître d’un immense empire, mais aussi un homme d’État remarquable, qui sait gérer avec autorité et talent ses possessions. En un an, il pacifie l’Angleterre ; en Normandie, il accomplit une oeuvre analogue ; avec plus de difficulté, mais avec autant d’énergie, il tente d’imposer son autorité dans les pays de la Loire, en faisant appel notamment à son fidèle Maurice de Craon pour dé-
fendre l’Anjou et le Maine contre les barons révoltés en 1173-74 ; enfin, il s’efforce de maintenir dans l’obéissance ses turbulents vassaux aquitains en confiant à des lieutenants sûrs la
garde des châteaux forts dont il qua-drille le pays.
Mais, en fait, une telle remise en ordre se heurte à une double opposition : celle de l’Église d’Angleterre, qui refuse de renoncer à l’indépendance acquise notamment sur le plan judiciaire sous le règne des prédé-
cesseurs d’Henri II et qui trouve un éminent porte-parole en la personne de l’archevêque de Canterbury, Tho-downloadModeText.vue.download 601 sur 619
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15
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mas* Becket ; celle, encore plus grave, des membres de la famille royale, dont l’instigatrice est l’épouse même du souverain, la reine Aliénor d’Aquitaine, qui lui a donné quatre fils : Henri le Jeune dit Court-Mantel, à qui le roi confie la Normandie ; le futur Richard Ier Coeur de Lion, qu’il investit des prérogatives ducales en Aquitaine en 1168 ; Geoffroi, à qui il fait épouser Constance, fille du duc de Bretagne Conan IV, afin de gouverner par son intermédiaire la Bretagne* ; Jean* sans Terre, enfin, né trop tardivement pour être investi de charges importantes avant la mort de son père.
Les jeunes princes, qui n’acceptent pas de n’être que les instruments de la politique paternelle, ne cessent de se révolter contre Henri II. Avec l’aide de leur mère, Aliénor d’Aquitaine, restée en droit la souveraine de l’Aquitaine, Henri le Jeune et Richard animent la puissante coalition féodale qui ébranle l’Empire angevin en 1173-74 de part et d’autre de la Manche. En fait, à cette exception près, les soulèvements auxquels le roi doit faire face n’affectent pratiquement que ses terres françaises : Henri le Jeune, en 1183, Geoffroi de Bretagne, en 1186, et Richard, en 1188, sont, en effet, pratiquement assurés d’obtenir dans ces contrées l’appui des souverains capétiens, qui ont déjà accueilli sur leurs terres Thomas Becket en rébellion contre son roi. Appui naturel d’ailleurs, car, vassal du roi de France en tant que comte d’Anjou, duc de Normandie, duc d’Aquitaine, etc., le Plantagenêt dispose au sud de la
Manche de possessions territoriales et de moyens financiers et militaires bien supérieurs à ceux de son suzerain. Les Capétiens (Louis VII* et Philippe II*
Auguste), qui ne possèdent qu’un étroit domaine aux faibles ressources, et qui redoutent que les forces de leur puissant vassal ne mettent un terme définitif à l’indépendance de leur royaume, ne peuvent qu’accorder leur appui inté-
ressé à tous ceux dont l’action affaiblit les forces d’Henri II. Ce dernier meurt en 1189 en apprenant la trahison de son fils préféré et dernier-né, Jean sans Terre. Ouvert en fait entre les deux dynasties dès l’avènement d’Henri II au trône d’Angleterre en 1154, le conflit se prolonge jusqu’en 1258-59, terme de la première guerre franco-anglaise de Cent Ans.
Crises familiales
et politiques
Respectueux des règles régissant le système féodal, désireux, en outre, d’ôter aux Capétiens tout prétexte juridique d’agression, les Plantagenêts renouvellent périodiquement l’hommage qu’ils doivent à leur suzerain pour la Normandie et pour l’Aquitaine.
Henri II, Henri le Jeune, Richard Coeur de Lion ne s’y dérobent pas, et Philippe Auguste n’hésite pas, par ailleurs, pour affaiblir le souverain régnant en Angleterre, à accepter contre ce dernier l’hommage de Richard en 1188, les hommages de Jean en 1189 et en 1193, celui d’Aliénor en 1199 et celui d’Arthur Ier de Bretagne en juillet 1202.
Mais, pour éviter d’aliéner, au moins partiellement, l’exercice de leur souveraineté en Angleterre en remplissant les obligations du contrat féodal qui les lie pour leurs terres d’outre-mer aux rois de France, les Plantagenêts refusent, en fait, d’en respecter les clauses. Ainsi fournissent-ils involontairement mais nécessairement aux Capétiens le prétexte juridique qui permettra à l’un d’eux de procéder à la commise de leurs fiefs lorsque les circonstances s’avéreront favorables.