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En fait, ce temps est venu avec l’avènement, en 1199, de Jean sans Terre, roi cyclothymique, irresponsable et cruel, qui est déshérité le 28 avril 1202 par les barons composant la cour de France,

moins parce qu’il a épousé la jeune Isabelle d’Angoulême le 30 août 1200

au détriment d’Hugues IX de Lusignan que parce que « lui et ses ancêtres avaient négligé de faire tous les services dus pour ces terres [...] ».

La réduction finale de l’immense domaine continental des Plantagenêts à la seule fraction de l’Aquitaine située au sud du Poitou marque l’effondrement de la politique impériale de la dynastie ; mais cet effondrement n’est pas ressenti pour autant comme une catastrophe par les sujets anglais des Plantagenêts, qui reprochent à la politique impériale de coûter trop cher et de détourner vers la France l’attention de leurs souverains, alors que la commise de 1202 présente par contre l’avantage de rompre tout lien féodal entre ces derniers et les Capétiens.

Pourtant, la décision de 1202 provoque indirectement une série de crises politiques aggravées par la médiocrité de Jean sans Terre et par celle de son fils Henri III. Le premier de ces princes multiplie en effet les crimes et les erreurs : assassinat, le 3 avril 1203, de son neveu Arthur Ier de Bretagne, coupable d’avoir prêté hommage à Philippe Auguste pour la Bretagne, l’Anjou, le Maine, la Touraine et le Poitou ; exactions fiscales du chancelier et grand justicier William (ou Guillaume) Longchamp, aggravées de 1191 à 1205

par le grand justicier Hubert Gautier, archevêque de Canterbury ; conflit avec l’Église pour avoir voulu imposer à ce siège son protégé John de Gray contre la volonté du chapitre de la ca-thédrale, qui élit Stephen (ou Étienne) Langton le 20 décembre 1206 à Rome en présence du pape Innocent III (celui-ci met l’interdit sur le royaume de Jean en mars 1208 et ne lève cette mesure qu’en contraignant ce dernier à lui céder en fief son royaume d’Angleterre, qu’il ne lui restitue que contre la prestation humiliante de l’hommage lige) ; conflit avec la France marqué par la défaite personnelle de Jean sans Terre à La Roche-aux-Moines le 2 juillet 1214 et par celle de ses alliés à Bouvines le 27 juillet suivant ; levée d’un écuage impopulaire de 3 marcs par chevalier au retour de cette campagne

désastreuse.

Se révoltant alors contre leur roi, déconsidéré par ces échecs répétés, barons et chevaliers lui imposent le 15 juin 1215 l’acceptation de la pétition des barons et de la Grande Charte.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15

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Ainsi est ruinée l’oeuvre de restauration monarchique des premiers Plantagenêts et est ouverte une période de tension de cinq siècles entre la Couronne et les défenseurs des principes contenus en germe dans ces textes, qui contraignent en particulier la première à soumettre ses actes au contrôle d’une commission de barons.

Vaincue à l’extérieur, humiliée à l’intérieur du royaume d’Angleterre, la dynastie des Plantagenêts semble devoir même s’effacer au profit de celle des Capétiens lorsque Louis de France (futur Louis VIII) traverse la Manche en 1216 à l’appel des barons anglais, qui constatent que leur roi, en accord avec la papauté, se refuse à appliquer les réformes de 1215. Époux de Blanche de Castille, petite-fille d’Henri II, en vertu du traité du Goulet du 22 mai 1200, le prince royal semble avoir alors toutes les chances de réussir dans son entreprise, quand un hasard sauve la dynastie angevine : la mort par indigestion de Jean sans Terre le 19 octobre 1216.

Les barons, ralliés aussitôt à la cause de l’enfant-roi, Henri III (1216-1272), qui n’a que neuf ans à son avènement, renoncent à l’appel aux Capétiens.

Pourtant, leur revirement eût été vain sans l’intervention des officiers mis en place par les Plantagenêts. Guillaume le Maréchal, comte de Pembroke, puis le justicier Hubert Du Bourg assurent l’exercice du pouvoir jusqu’en 1232, date à partir de laquelle les institutions gouvernementales et administratives se développent sous l’impulsion des fonctionnaires royaux, qui gèrent le pays au nom du roi, mais sans sa participation.

Vivant isolé de ses sujets anglais

dans une cour dominée d’abord par des Poitevins, puis par des Savoyards et des Provençaux après son mariage en 1236

avec Aliénor de Provence, belle-soeur de Louis IX* et de Charles Ier d’Anjou, trop docile envers Rome, Henri III compromet à son tour l’avenir de sa dynastie en Angleterre par la pratique d’une politique continentale à la fois coûteuse (emprunts aux marchands italiens, aux bourgeois de Bordeaux) et humiliante. Incapable de reconquérir les terres perdues par son père (vaine expédition de 1230, défaites de Taille-bourg et de Saintes en 1242), il commet en effet l’erreur, par le traité de Paris conclu le 28 mai 1258 et signé le 4 dé-

cembre 1259, de redevenir l’homme lige du roi de France. Cette décision porte le germe de la seconde guerre de Cent Ans à l’heure même où l’on pré-

tend mettre fin à la première. Elle sera fatale à la dynastie.

Pourtant, dans l’immédiat, ce sont les ambitions et les obligations internationales de la dynastie qui remettent en cause son avenir en Angleterre : candidature, puis élection fort coû-

teuses à l’Empire du frère d’Henri III, Richard de Cornouailles le 13 janvier 1257 ; candidature au trône de Sicile*, à l’instigation du pape Alexandre IV, du prince Edmond d’Angleterre, fils d’Henri III, le souverain pontife exigeant même dans ce dessein, et sous peine d’excommunication, le versement de 40 000 marcs d’argent et l’organisation d’une expédition anglaise en Sicile contre Manfred. Une telle politique exigeant la levée d’une aide importante, barons et chevaliers, réunis en Parlement, subordonnent alors leur consentement à l’acceptation par le roi de réformes visant à placer la monarchie sous la tutelle d’une oligarchie baronnale formant le Conseil des vingt-quatre (finances) ou le Conseil de la Couronne (15 membres), au sein desquels le rôle essentiel revient à un seigneur d’origine française, le propre beau-frère du roi, Simon de Montfort, comte de Leicester. Condamnées par la

« mise d’Amiens », prononcée en janvier 1264 par le roi de France Louis IX, choisi comme arbitre par les deux parties, les provisions d’Oxford de 1258

déclenchent une guerre civile marquée par l’humiliante défaite d’Henri III

à Lewes, où il est fait prisonnier le 14 mai 1264, puis par celle de son adversaire Simon de Montfort, vaincu et tué à Evesham le 4 août 1265 après avoir momentanément imposé sa dictature au royaume.

Renouveau et chute

d’une dynastie

(1272-1399)

Comprenant que « la couronne en Parlement est plus forte que la couronne isolée » (André J. Bourde), les Plantagenêts de la fin du XIIIe s. et du début du XIVe acceptent d’abord cette mutation institutionnelle, qui accorde dans l’État une place de plus en plus importante au Parlement, dont la division en deux Chambres (lords et communes) s’esquisse au XIVe s.

La forte personnalité d’Édouard Ier (1272-1307), l’annexion définitive, en 1283, du pays de Galles* à l’Angleterre sous la souveraineté nominale du prince héritier à partir de 1301, l’annexion temporaire de l’Écosse*, dont ce monarque se fait proclamer roi après sa victoire sur Jean de Baliol en 1296, tous ces faits contribuent à rehausser le prestige de la dynastie et permettent à cette dernière de surmonter les crises dues à la faiblesse du roi Édouard II (1307-1327), trop dépendant de ses favoris (Pierre Gabaston [ou Gaveston], assassiné en 1312 ; Hugh le Despenser le Jeune, mis à mort en 1326). Déconsidéré et affaibli par la défaite de Ban-nockburn, qui consacre la restauration d’un royaume d’Écosse indépendant en 1314, le souverain meurt finalement assassiné en 1327, après avoir été contraint d’abdiquer par sa femme, la reine Isabelle de France, et par l’amant de cette dernière, Roger Mortimer de Wigmore, qui anime l’opposition baronnale.