tisme initial. Ce sont ces remaniements des derniers dialogues qui avaient fait rejeter ceux-ci comme apocryphes par certains critiques du XIXe s.
C’est dans le Parménide que cette révision va le plus loin, puisque le philosophe éléate de ce nom y met le jeune Socrate en difficulté en contestant la cohérence d’une philosophie qui établit une séparation tranchée entre les sensibles et les intelligibles. Le Sophiste, pour sa part, se contente de développer, à partir des cinq genres que sont l’Être, le Repos, le Mouvement, le Même et l’Autre, la participation des Idées les unes aux autres, leur mutuelle implication : sans doute Repos et Mouvement sont-ils trop exclusifs pour se mêler si peu que ce soit, mais tous deux, dans la mesure où ils sont, participent à l’Être et, chacun des trois pouvant également être dit autre que les autres et le même que lui-même, tous participent aussi au Même et à l’Autre. Il en résulte que l’on peut dire de l’Être autre chose que l’Être et qu’autour de chaque Être prolifère l’autre que l’Être qu’est le Non-
Être. Deux conclusions peuvent alors être avancées : 1o les Idées participent entre elles, mais selon un système de relations réglées que la dialectique permet de respecter ; 2o si l’on ne respecte pas ces relations, mais que l’on mêle n’importe quelle Idée à n’importe quelle autre, on risque de tomber dans l’erreur en disant ce qui n’est pas : ce
que fait le sophiste.
Mais cette dialectique descendante ne quitte pas le monde des Idées. Le rapport entre ce qui connaît et ce qui est connu laisse intacte l’exclusion du monde sensible hors du domaine de la science. Il reste réfractaire et impénétrable à l’intelligible. Pourtant le philosophe doit retourner dans la caverne. Aussi, lorsqu’il franchira son seuil en sens inverse, devra-t-il changer son discours dialectique pour un discours mythique. Il ne saurait y avoir de science du devenir, c’est-à-dire de physique scientifique. Le mythe cos-mologique (comme celui du Timée), par l’objet même qui est le sien, ne saurait être autre chose qu’une opinion dont on n’est pas en droit d’attendre plus que de la voir s’accorder harmonieusement avec la science de l’Être.
Le mythe, dont la fonction est, en ce sens, symétrique de celle de l’Amour ou des mathématiques, peut donc être défini comme l’intermédiaire du retour.
D. H.
F Contradiction et dialectique / Philosophie /
Socrate.
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Le platonisme
Peut-on parler du platonisme ? Au sens où, depuis Platon, la philosophie est métaphysique, opposant le sensible à l’intelligible et soumettant le premier au second, toute philosophie est par destin platonicienne.
Pourtant, ce que le nom de Platon a repré-
senté chez ceux qui, au cours de l’histoire de la philosophie, l’ont invoqué n’a pas cessé de varier. Le platonisme est soumis à l’histoire de la transmission du texte de Platon et varie selon la liberté des traductions et des commentaires au travers desquels elle s’effectue et selon celui ou ceux des dialogues sur lesquels ils portent.
L’ACADÉMIE
L’école que Platon avait fondée devait survivre près de dix siècles à son fondateur.
Il est vrai qu’il n’en fallut pas trois pour que l’enseignement qu’on y dispensait perdît tout rapport avec la doctrine du philosophe. On désigne par Ancienne et Nouvelle Académie les premiers temps de cette institution au cours desquels, pour diverses raisons, dont la moindre n’est pas la concurrence d’autres écoles comme le Lycée, fondé par Aristote, ou le Portique stoïcien, s’estompe progressivement le souvenir de la philosophie platonicienne.
Les scolarques de l’Ancienne Académie furent de 348 à 339 Speusippe (neveu de Platon), de 339 à 315 Xénocrate, de 315 à 269 Polémon, de 269 à 268 Cratès.
Tous orientent le platonisme vers une
« métamathématique » qui, prolongeant
les doctrines non écrites de Platon sur les nombres, le rapproche du pythagorisme.
Avec la Nouvelle Académie (elle regroupe les scolarchats d’Arcésilas de Pitane, de La-cydes, de Téléclès ; également d’Évandre, de Hégésinus, de Carnéade, de Clitoma-chos et de Philon de Larissa, qui meurt v. 85-77 à Rome), le dogmatisme platonicien est soit critiqué, soit infléchi vers le scepticisme.
ROME
C’est donc un platonisme à peu de choses près défiguré que Philon introduit à Rome, où Cicéron*, qui fut son auditeur, en prend connaissance. On peut douter, d’ailleurs, que, si l’Académie avait été plus fidèle à la doctrine de son fondateur, le platonisme ait eu quelque chance de pénétrer à Rome.
« Plato deus ille noster », écrit Cicéron à Atticus (IV, 6). Mais cette admiration que Cicéron ne ménage pas à Platon, c’est à la beauté des écrits, à la noblesse de la vie de Platon que Cicéron les porte ; ce n’est pas à sa philosophie.
Trait dominant de toute philosophie romaine, l’éclectisme caractérisera aussi ce platonisme, qui continuera d’exister à côté du stoïcisme, de l’épicurisme ou de l’aristotélisme. Dans cet éclectisme, divers élé-
ments mystiques prendront vite le dessus, accusant une convergence du platonisme et du pythagorisme, d’ailleurs souvent déjà amorcée. C’est elle qui ressort en particulier de la pensée de Philon d’Alexandrie, du légendaire Apollonios de Tyane, de plusieurs écrits de Plutarque*, des oeuvres philosophiques d’Apulée (auteur d’un De Platone) et surtout des doctrines gnostiques, d’inspiration judéo-chrétienne ou