« égyptienne », qui se multiplient à partir du Ier s. (Numenius d’Apamée, Ammonios).
LE NÉO-PLATONISME
Plotin* a été, à Alexandrie, l’élève d’Ammonios. Il sera l’animateur du néo-platonisme, courant qu’on a défini : « reprise downloadModeText.vue.download 615 sur 619
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15
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des grandes doctrines helléniques dans la lumière du platonisme, curiosité intense pour les sagesses et religions orientales,
recherche du salut autant que de la vérité, tendance à poser une procession intégrale, une transcendance intransigeante alliée à une immanence mystique » (J. Trouillard).
Par le contexte dans lequel il se développe, le néo-platonisme apparaît lié à une religiosité profondément mystique. À
Rome comme à Alexandrie, il sera d’ailleurs accompagné de pratiques magiques plus ou moins ésotériques, de toutes sortes de mystères, etc. Il regroupera dans une semi-clandestinité les religions orientales, de plus en plus étouffées par les progrès du christianisme.
Aussi Plotin est-il avant tout un mystique qui demande simplement au langage philosophique de se greffer, pour la formaliser, sur une expérience antérieure. Entreprise qui, d’ailleurs, ne saurait atteindre, en tant que telle, à l’essentiel de cette expérience : l’absolu, en effet, échappe totalement à l’ordre du discours. Par rapport à l’« extase » mystique, la philosophie occupe chez Plotin une place analogue à celle que les mathématiques occupaient chez Platon en face de la philosophie. La dette à l’égard de Platon tient d’abord dans la doctrine de l’Un, qui est pour Plotin la première hypostase (à côté de l’Être et de l’Esprit, qui composent la deuxième, et de l’Âme, qui est la troisième). L’Un est au-dessus de l’Être (comme chez Platon le Bien) : « Pour que l’Être soit, il faut que l’Un ne soit pas l’Être. » Ces développements doivent presque tout au Parménide. Ils annoncent la théologie négative, qui peut paraître, du pseudo-Denys l’Aréopagite à Nicolas de Cusa, comme le fil conducteur du platonisme chrétien.
Porphyre (qui a aidé Plotin à gérer l’école qu’il avait fondée à Rome), Amélios, Jamblique, Proclus surtout et Damaskios, enfin, prolongeront la pensée de Plotin jusqu’au VIe s.
LA RENAISSANCE
Il y a eu des platoniciens au Moyen Âge : certains l’étaient sans le savoir, d’autres revendiquaient ce titre sans que nous puissions aujourd’hui en comprendre les raisons. C’est que l’accès aux textes se limitait à presque rien, comme Abélard le reconnaissait : « Latinitas nostra Platonis opera non cognovit. » En effet, les seuls textes accessibles sont la traduction du Timée faite au IVe s. par Chalcidius, celle du Ménon
et du Phédon par Henri Aristippe (1154 et 1156). À la fin du XIVe s., ces trois dialogues sont encore les seuls lisibles.
C’est à Pétrarque* que revient dans la résurrection de Platon le rôle essentiel.
Non qu’il ait jamais eu du platonisme une connaissance profonde ni étendue, mais
— pour des raisons qui associent la lecture de saint Augustin et son amour pour Laure
—, par ses écrits et ses recherches, il est le principal initiateur du réveil du platonisme. Après sa mort paraîtront en effet les traductions de Leonardo Bruni (Phé-
don, 1405 ; Gorgias, 1409 ; Criton, Lettres, 1423 ; Apologie, 1424). Puis on opposera ce Platon redécouvert à un Aristote qui avait trop longtemps usurpé sa place ; c’est ce que font en 1439 Gémiste Pléthon dans un parallèle entre les doctrines de Platon et d’Aristote et en 1469 le cardinal Bessarion avec In calumniatorem Platonis. Alors viendra Marsile Ficin, fondateur de l’Académie florentine, à travers laquelle ce platonisme gagnera toute l’Europe.
À ce retour, on sait que la naissance de la physique mathématique est liée ; dans son Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde, Galilée* rejette l’aristotélisme et lie au platonisme l’avenir de la science.
En même temps, toutes les littératures et bientôt tous les salons accueillent l’amour platonique. Il y a au musée de Philadelphie un tableau de Cranach l’Ancien où l’on voit l’Amour retirer le bandeau qui l’aveuglait : sous ses pieds, un volume sur la tranche duquel on peut lire Platonis opera.
Platonov (Andreï
Platonovitch
Klimentov, dit)
Écrivain russe (Voronej 1899 - Moscou 1951).
Fils d’un ajusteur, Andreï Platonov est né et a été élevé dans les faubourgs de Voronej. Il commence à travailler à quatorze ans. Au moment de la révolution, il est mécanicien dans un dépôt de locomotives. Tout en continuant à travailler, il commence alors des études d’ingénieur, interrompues par la guerre civile (à laquelle il prend part dans les rangs de l’armée rouge), puis reprises et achevées entre 1921 et 1924. Membre actif du Proletkoult de Voronej, il joue un rôle important dans
la vie culturelle de sa ville natale pendant les années de la révolution : il participe à de nombreux débats publics, publie dans la presse locale des vers (qui forment en 1922 le recueil Golou-baïa gloubina, [Profondeur bleue]) et des études inspirées par la révolution (l’une d’elles, Elektrofikatsia [Électrification], est publiée en 1921 sous forme de brochure). De 1924 à 1927, son métier d’ingénieur agronome et d’électricien chargé de l’irrigation et de l’électrification des campagnes le met en contact étroit avec les masses rurales, ébranlées par la révolution. En 1927, le succès de son premier recueil de nouvelles, Epifanskie chliouzy (les Écluses d’Épiphane), lui ouvre pour quelques années les portes des maisons d’éditions et des rédactions : il publie successivement deux recueils, Lougo-vyïe mastera (les Maîtres artisans des prés, 1928) et Proiskhojdenie mastera (les Origines d’un maître, 1929) et, séparément, plusieurs récits, dont les plus importants sont Ousomnivchissia Makar (Macaire pris de doute, 1929) et Vprok (En réserve, 1931).
Ses récits prolongent ses réflexions de philosophe autodidacte éveillé par la révolution, dans laquelle il voit une réalisation des fins dernières de l’humanité. La fiction est la forme que prend naturellement chez lui une pensée non livresque, cherchant à rester en contact étroit avec l’expérience et les besoins vitaux du travailleur manuel, de l’homme qui pense son existence à travers le travail de ses mains ou des machines qui les prolongent. Les principaux récits de Platonov mettent en scène un homme du peuple, artisan, ouvrier, paysan, technicien, poursuivant à travers une campagne russe bouleversée et dévastée par la guerre civile (et plus tard par la collectivisation), une quête dans laquelle la contemplation et l’action, la réflexion et le rêve vont constamment de pair (d’où parfois, malgré le réalisme souvent cru des détails, une impression d’irréalité).
Cet entrelacement constant des diffé-
rents plans de l’existence se traduit par un langage où le concret et l’abstrait échangent métaphoriquement leurs fonctions, les noms de choses concrètes donnant aux idées le relief de la ma-tière, tandis que les clichés abstraits
reprennent vie au contact des situations et des objets matériels auxquels ils sont appliqués. Les effets que Platonov tire de ce langage sont tantôt poétiques, tantôt humoristiques, avec souvent une note pathétique par le sentiment qu’ils nous donnent d’une parole en gestation, cherchant à vaincre l’obstacle de l’ignorance et de l’inculture.
La source du comique de Platonov (et en particulier de son comique verbal) est dans les deux écueils entre lesquels cheminent ses héros : celui de l’ignorance, qui transforme l’idéal communiste en sa caricature (ainsi dans le roman Tchevengour [les
Herbes folles de Tchevengour], écrit entre 1926 et 1929, ou dans le récit Vprok), et, beaucoup plus dangereux, celui du savoir abstrait, qui transforme le travailleur manuel en organisateur et en dirigeant, parlant et pensant au nom et à la place du prolétariat. Ce thème satirique de la bureaucratie, peinte comme une déviation fatale de l’énergie révolutionnaire, apparaît dès 1926