dans le récit « Gorod Gradov » (« la Ville de Villegrad » dans Episfanskie chliouzy), puis en 1929 dans Gosou-darstvenny jitel (l’Habitant d’État) et dans Oussomnivchissia Makar.
L’humour et la satire recouvrent cependant chez Platonov une vision tragique de la vie, déjà sensible dans le récit auquel le recueil Epifanskie chliouzy doit son titre : le héros en est un ingénieur anglais chargé par Pierre le Grand de relier l’Oka au Don par un canal et dont le projet s’enlise dans un milieu naturel et humain hostile, qui lui réserve une fin atroce. Dans le roman Tchevengour, qui montre un Don Quichotte communiste tentant d’instaurer le paradis sur terre, et dans le long récit Kotlovan (la Fosse), écrit vers 1930, qui nous présente une image saisissante de la campagne russe dépeuplée et affamée par la collectivisation, le thème de la révolution comme quête de l’absolu débouche sur une vision tragique de l’échec, liée à l’image d’une nature fondamentalement hostile à l’homme.
Ce thème est incarné par l’image du désert dans le récit Djann (1934-1936), qui met en scène un jeune chef communiste d’Asie centrale tentant d’arracher son peuple à un destin hostile. L’art de
Platonov évolue ici vers une sorte de symbolisme épique qui transfigure la réalité historico-sociale en mythe ou en légende.
L’originalité irréductible du langage, l’ambiguïté d’une vision du monde qui oscille entre le grotesque et le pathé-
tique, l’humour et le tragique, la mé-
ditation profonde qui, à travers une réflexion sur la révolution, porte sur le sens de la vie, tout cela rend l’oeuvre de Platonov profondément étrangère aux canons du réalisme socialiste. Dès 1929, le roman Tchevengour, dont le début a paru en 1928 sous le titre de Proïskhojdenie mastera, est interdit.
Mais ce sont les récits satiriques qui déclenchent la persécution : la même année, la publication du récit Ousomnivchissia Makar dans la revue Ok-tiarbr vaut à son rédacteur intérimaire, Fadeïev*, une semonce de Staline. En 1931, la revue Krasnaïa Nov ayant publié par inadvertance le récit Vprok (En réserve), son comité de rédaction doit faire son autocritique, et Fadeïev, son rédacteur en chef, dénonce en Platonov un « agent koulak ». Jusqu’en 1941, Platonov ne peut publier sous son nom qu’un mince recueil de récits Reka Potoudagne (la Rivière Potoudagne, 1937) : les récits Kotlovan et Djann, ses chefs-d’oeuvre, ainsi que plusieurs pièces de théâtre (notamment Tchetyr-nadtsat krasnykh izbouchek [les Quatorze Izbas rouges]) ne paraîtront qu’après sa mort ; les comptes rendus et les études critiques qu’il publie dans la revue Literatourny kritik doivent être signés d’un pseudonyme. Sa situation s’améliore en 1941, lorsque, mobilisé comme correspondant de guerre, downloadModeText.vue.download 616 sur 619
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il peut faire paraître plusieurs recueils de récits de guerre (Rasskazy o rodine
[Récits sur la patrie, 1943] ; Tcherez rekou [De l’autre côté de la rivière, 1944] ; V storonou zakata solntsa [Du côté du couchant, 1945] ; Soldatskoïe serdtse [Coeur de soldat, 1946]). Pourtant, en 1946, la publication du récit Semia Ivanova (la Famille d’Ivanov), où il décrit sans complaisance le diffi-
cile retour d’un soldat dans sa famille, attire de nouveau sur lui les foudres de la critique orthodoxe et fait de lui jusqu’à sa mort, en 1951, un écrivain proscrit. La réhabilitai ion posthume de son oeuvre, après 1958, se traduit par la parution de plusieurs recueils, dont restent cependant exclues les oeuvres les plus fortes et les plus caractéristiques, dont quelques-unes ont récemment vu le jour en Occident.
M. A.
R. Sliwowski, « La jeunesse d’un maître, Andrej Platonov » dans l’Ancien et le nouveau (en polonais, Varsovie, 1967).
plâtre
Matériau de construction résultant de la cuisson, suivie de mouture, du gypse.
À une température de 150 °C, le
gypse, qui est du sulfate de calcium bihydraté, est partiellement déshydraté et donne du sulfate de calcium hémihydraté, qui est le plâtre.
Historique
Cette basse température de cuisson explique que l’on ait connu le plâtre dès la plus haute antiquité. Les Assyriens et les Égyptiens utilisaient ce matériau depuis douze siècles avant J.-C. On a aussi des traces de son emploi chez les Phéniciens, les Hébreux, plus rarement chez les Romains. On en retrouve l’utilisation en France au VIIIe s., puis aux Xe, XIIIe s. et surtout à partir du XVIIe s.
Durant cette longue période et jusqu’au XXe s., les procédés de fabrication du plâtre ne se sont guère modifiés ; la lenteur de ces progrès tient au fait que le principe de la fabrication est des plus simples et permet d’obtenir un résultat satisfaisant, mais inconstant, avec des procédés rudimentaires, ne nécessitant ni four perfectionné, ni matériel compliqué. Mais les usines modernes peuvent fournir une gamme de produits répondant aux diverses utilisations.
Le gypse
Le gypse utilisé pour la fabrication du plâtre (ou pierre à plâtre) est le sulfate de calcium à deux molécules d’eau,
CaSO4, 2H2O, ce qui correspond à 79,1 p. 100 de sulfate et 20,9 p. 100
d’eau. Il peut se présenter sous diffé-
rentes formes : lamellaire, fibreuse, compacte, terreuse, saccharoïde, qui est la plus employée. L’assise du gypse de la région parisienne peut atteindre en certains points 40 m d’épaisseur ; elle est constituée par des couches alternées de gypse et de marne. La première masse de gypse est la plus étendue et la plus épaisse ; elle atteint parfois 24 m de hauteur.
Extraction
L’exploitation des carrières se fait soit en galerie, soit à ciel ouvert ; elle met en oeuvre tout le matériel spécial de mines et de travaux publics. Les bancs de marne sont éventuellement utilisés pour des fabrications annexes : céramiques, chaux, ciments.
Transformations
La cuisson du gypse, pour le transformer en plâtre, est, en principe, des plus simples. Chauffé entre 140 et 160 °C, le gypse CaSO4, 2H2O perd une molé-
cule et demie d’eau et se transforme en hémihydrate CaSO4 0,5H2O (renfermant 7 p. 100 d’eau environ). Entre 150 et 200 °C, ou plus, on obtient l’anhydrite « soluble » CaSO4, extrê-
mement avide d’eau et se transformant très rapidement à l’air humide en hémihydrate, propriété qu’il perd quand il est chauffé au-dessus de 365 °C ; on obtient alors le sulfate de calcium dit
« cuit à mort », difficile à réhydrater ; vers 900 °C, on obtient le plâtre à plancher à prise lente. Il y a seulement un quart de siècle, on s’est rendu compte que les choses étaient plus compliquées. Selon les conditions de déshydratation du gypse, on a deux variétés α et β d’hémihydrate ainsi que deux variétés α et β d’anhydrite soluble. En faisant varier la température, la durée et les conditions hygrométriques de la cuisson, on peut obtenir, le plus souvent en mélange, les variétés de sulfate de calcium, dont les caractéristiques de durée de prise et de durcissement peuvent être différentes, mais des mélanges appropriés et dosés peuvent satisfaire les besoins les plus divers des utilisateurs de plâtre.
Les formes α et β diffèrent par l’activité superficielle des particules ; on les reconnaît par la différence d’aspect, donc de texture. L’hémihydrate α est compact ; on y découvre des aspects cristallins nets à l’oeil nu et surtout au microscope. Les particules paraissent luisantes, soyeuses en raison de la pré-
sence de nombreuses aiguilles cristallines, fines et feutrées. L’hémihydrate β est floconneux, plus fragmenté ; les aspects cristallins sont à peine reconnaissables, et les particules ont un aspect terreux. La transformation du gypse en hémihydrate β paraît avoir été plus brutale que sa transformation en hémihydrate α. Les conditions de formation des deux variétés sont les suivantes :