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d’Amasya. Le grand vizir favorise son frère Cem Sultan (1459-1495), mais les janissaires se prononcent pour Bayezid (Bajazet), qui leur accorde, comme l’avait déjà fait son père, « le don d’avè-

nement » : la redoutable milice com-

mence à jouer un rôle politique et à le faire payer. Cem, plusieurs fois vaincu, se réfugie en Europe : il y mourra en 1495, à Naples, sans doute assassiné par ordre du pape Alexandre VI, non sans avoir auparavant défrayé les chroniques.

Le nouveau sultan est un prince pacifique qui, aux raids de ses officiers en Allemagne et dans la plaine du Pô, préfère ses traités avec les Mamelouks d’Égypte, les Séfévides d’Iran, avec les Hongrois, avec Venise. Il sera contraint à l’abdication par son troisième fils, Selim, soutenu par les janissaires. Prudemment, dès son intronisation, Selim Ier le Terrible (Yavuz Sultan Selim) [1512-1520] fait massacrer les siens. Tranquille en Europe, il se tourne contre l’Iran. Il écrase Chāh Ismā‘īl à Tchaldiran, entre à Tabriz (1514) et annexe toute l’Anatolie sud-orientale (Kurdistān). En 1516, il se met en route pour l’Égypte : Alep, Homs, Damas, Jérusalem tombent en son pouvoir. Le 22 janvier 1517, la bataille du mont Muqaṭṭam (aux portes du Caire) lui livre la vallée du Nil.

Le chérif de La Mecque reconnaît sa suprématie et lui donne la protection des lieux saints musulmans. Selim ramène à Istanbul le dernier calife

‘abbāsside. Il n’est pas établi si celui-ci a renoncé à ses droits au profit de l’Ottoman, mais Selim l’affirme et, dès lors, sa famille peut revendiquer l’autorité suprême sur tous les musulmans.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 15

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L’apogée Soliman*

le Magnifique

Süleyman, que nous nommons Soli-

man le Magnifique et à qui les Turcs donnent le nom de « Législateur »

(Kanunî), est sans aucun doute le plus grand souverain des Ottomans. Sous son règne, l’Empire atteint au plus haut niveau de puissance, à la plus brillante civilisation (illustrée en particulier

par une immense activité architecturale conduite par le génial architecte Mimar Sinan* [1489-1578 ou 1588], constructeur des mosquées de Chāh Zade [Şehzade camii] et Süleymaṇiye à Istanbul*, Selimiye, à Edirne). Il re-

çoit ses institutions définitives et toute sa structure administrative. Son chef, servi sur terre et sur mer par de grands capitaines, parmi lesquels les frères Barberousse (Barbaros Hayreddin Paşa

[v. 1467-1546] et Oruç Reis [† 1518]) et le grand vizir Sokullu Mehmed Paşa (1505-1579), se pose en arbitre de l’Europe. Au cours de son long règne (1520-1566), il ne mène pas moins de treize campagnes, dix en Europe, trois en Asie.

En Asie, Soliman vainc l’Iran,

s’empare de Bagdad et de la majeure partie de l’Iraq. Sur mer, ses corsaires s’installent à Tunis et à Alger (1516), à Aden et lancent des expéditions jusqu’en Inde. Ainsi, tout le monde arabe, à l’exception du Maroc, passe sous la coupe ottomane. En Europe, les guerres d’Italie et la rivalité des maisons de France et d’Autriche favorisent le Sultan. Bientôt, un étrange système d’alliance s’organise qui rend partenaires d’une part François Ier* et Soliman, d’autre part Charles Quint, Louis II de Hongrie (1516-1526) et Ṭahmāsp (1524-1574) d’Iran. Les relations amicales de la France et du Turc provoquent un immense scandale, surtout quand les hasards de la guerre les amènent à opérer ensemble (en Corse, ou devant Nice, bombardée par la flotte franco-turque et prise en 1543). Pourtant, l’une et l’autre en tirent des avantages. Par le régime des capitulations, privilèges commerciaux et religieux gracieusement accordés par le Sultan, les Français reçoivent la protection des Lieux saints et une position enviable au Levant. Jalousées par toutes les autres puissances, les capitulations seront demandées au temps de la décadence par Russes ou Autrichiens, et seront l’occasion de continuelles interventions des Européens dans les affaires intérieures ottomanes. Nous n’en sommes pas là. Süleyman va de succès en succès : en 1521, il prend Belgrade ; en 1522, il débarque à Rhodes ; en 1526, il remporte sur Louis de Hongrie l’éclatante victoire de Mohács et

annexe Buda. Pour un siècle et demi la Hongrie est placée sous domination ottomane. En 1529, il est sous les murs de Vienne, mais il ne peut pas prendre la ville ; en 1532, il pénètre en Styrie...

Quand il meurt à soixante-douze ans, son État est le premier en Europe et en Asie occidentale.

Le harem

En 1541, sous l’influence de Roxelane (v. 1504-1558), concubine puis femme de Soliman le Magnifique, le harem est transporté au nouveau palais de Topkapı : signe annonciateur de la décadence. Dès lors, dans le cadre justement célèbre de cette immense et somptueuse résidence, les sultans vont demeurer de plus en plus enfermés, renonçant à diriger les armées et souvent les affaires, s’adonnant à l’oisiveté, au plaisir, quand ce n’est pas à la débauche.

Le pouvoir que Roxelane exerce déjà sur son royal époux va être convoité par toutes les sultanes mères, par toutes les premières épouses, et, hélas, très souvent obtenu. Il importe, pour chacune des centaines de concubines (il y en eut parfois plus de 1 500), de capter la faveur du prince, de lui donner un fils. Il importe pour toutes les mères que leur fils règne, non seulement parce que par lui elles régneront, mais seulement parfois pour assurer qu’il vive. Ainsi les intrigues, les meurtres se multiplient : on élimine les rivales, on élimine leurs enfants. La dure mais efficace loi qui veut que le Sultan intronisé exécute ses frères pour éviter les crises de succession ajoute encore à l’horreur des hécatombes : Mehmed III, par exemple, fera étrangler ses dix-neuf frères, coudre dans des sacs et jeter à la mer leurs concubines enceintes. Quand Ahmed Ier abolit le fratricide, c’est peut-être pire encore. Les princes sont alors enfermés à vie dans un bâtiment du harem, le kafes (la cage), bâtiment assez confortable et servi par des eunuques et des femmes stériles, mais dont on ne peut sortir que si quelque révolution vous porte au pouvoir. On en vit qu’il fallut traîner presque inconscients à la cérémonie de la remise du sabre, qui équivaut à notre couronnement.

Le harem fut d’abord gardé par des eunuques blancs, importés de l’étranger, souvent de pays chrétiens (début XVe s.).

Mais Caucasiens ou Balkaniques supportaient mal la mutilation, et leur beauté

éveillait encore la suspicion. Vers 1485, ils commencèrent à être remplacés par des Noirs, Éthiopiens et Tchadiens, bientôt de plus en plus nombreux : on en compte jusqu’à six cents. Leur chef, le kızlarağası, reçut rang de pacha, le commandement des hallebardiers du palais et souvent l’autorité sur de très hauts fonctionnaires, y compris le surintendant des Finances. Sa puissance était naturellement accrue du fait qu’il était seul à avoir droit d’approcher nuit et jour le souverain. Le rôle politique que les kızlarağası jouèrent fut toujours désastreux.

Dans cet univers clos, concentrationnaire, composé en grande partie de femmes, d’enfants et de châtrés, où la mort frappait quotidiennement, où tout le monde était esclave du maître, où chacun de ceux qui détenaient une parcelle d’autorité incitait les autres à la débauche, vivaient les princes les plus autocrates que le monde eût connus : on comprend que la vigoureuse race des Ottomans y perdit peu à peu ses vertus originelles.

Au début du XIXe s., Mahmud le Réformateur, qui avait dû défendre sa vie épée au poing dans un escalier du harem, arracha sa famille à l’emprise maléfique de Topkapı et fit mettre en chantier le palais de Dol-mabahçe : échappant aux intrigues et aux caresses des femmes, l’Empire ne pouvait plus être le même, mais il était trop tard.

L’Empire au XVIe siècle

Aux conquêtes de Süleyman viennent s’adjoindre celles de son fils Selim II Mest (l’Ivrogne) [1566-1574], prince incapable heureusement servi par le grand vizir Sokullu (Chypre et Astrakhan sur la Caspienne), et celles de son petit-fils Murad III (1574-1595)