En 1137, le mariage de l’héritière du duché d’Aquitaine, Aliénor, avec le roi de France Louis VII prépare le rattachement du Poitou à la Couronne ; mais cette union est retardée par le divorce du roi en 1152 et le remariage d’Aliénor avec Henri Plantagenêt, duc de Normandie et comte d’Anjou, héritier du royaume d’Angleterre (1154).
Le roi Henri II* tient fermement le Poitou, mais, après sa mort en 1189, les querelles entre ses fils permettent au roi de France Philippe II* Auguste d’y imposer son autorité ; celui-ci fait son entrée à Poitiers en 1204.
Le Poitou féodal, toutefois, défend son autonomie et joue les Capétiens*
contre les Plantagenêts*. Au cours de ces conflits, les principales villes du pays (Poitiers, Niort, etc.) obtiennent des chartes communales. En 1258-59, au traité de Paris entre Henri III et Louis IX, le Poitou revient à la France.
Donné en apanage aux frères ou aux fils des rois, il ne relève, en fait, que du gouvernement royal.
La guerre de Cent* Ans ravage le
Poitou (bataille de Poitiers, 19 sept.
1356). Au traité de Brétigny-Calais en 1360, le Poitou passe de nouveau sous la domination anglaise dans le cadre du duché d’Aquitaine, mais il est conquis downloadModeText.vue.download 30 sur 651
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par du Guesclin de 1369 à 1373. Plus tard Charles VII fait de Poitiers l’une de ses capitales et y fonde une université en 1431/32.
Sous Louis XI, le Poitou devient une province française administrée par un sénéchal. Au XVIe s., la Réforme y fait de nombreux prosélytes. Calvin réside à Poitiers en 1534 ; un procureur se fait le recruteur des fidèles : « Il ne laissa, disait-on, coin du Poitou, Saintonge et Angoumois où il n’allait sonder pour ramasser des âmes à sa foi. » En Poitou, dès 1560, vingt-deux églises protestantes sont constituées et un tiers de la population a embrassé la Réforme.
Les guerres de Religion y sont particulièrement sanglantes (en 1569, siège de Poitiers par l’amiral de Coligny et bataille de Moncontour). L’édit de Nantes donne aux protestants du Poitou dix places de sûreté et cinquante et une églises.
Après les révoltes paysannes en
1636 et 1644 (révolte des Croquants) et les troubles de la Fronde, l’autorité monarchique règne sans partage dans la province. Parmi les intendants du Poitou, Paul de La Bourdonnaye de Blossac, au XVIIIe s., est l’un des plus célèbres, tant par son action que par les belles constructions qu’il entreprend. La Contre-Réforme est efficace en Poitou : implantation d’ordres nouveaux (Jésuites, Oratoriens, Ursulines), évêques réformateurs, apostolat de Louis-Marie Grignion de Montfort, qui fonde à Saint-Laurent-sur-Sèvre les filles de la Sagesse.
La Constituante partage le Poi-
tou en trois départements : Vendée, Deux-Sèvres et Vienne. En 1793 la Vendée devient un fief contre-révolutionnaire et fournit les soldats de la guerre de Vendée, tandis que la Vienne et Poitiers soutiennent plutôt les idées nouvelles.
P. R.
R. Crozet, Histoire du Poitou (P. U. F., coll.
« Que sais-je ? », 1949 ; 2e éd., 1970).
L’art en Poitou
Les siècles ont légué au Poitou un riche patrimoine artistique, dont Poitiers* n’offre qu’une partie. Le théâtre, le temple et les thermes dégagés par les fouilles de San-xay sont les principaux témoins de la civilisation gallo-romaine. Peu de provinces montrent encore autant de monuments ou de vestiges des périodes paléochrétienne, mérovingienne et carolingienne : à Civaux, une église remontant sans doute au Ve s. ; à Saint-Maixent, la crypte de Saint-Léger (VIIe s.) ; à Saint-Généroux, une église carolingienne, comme à Saint-Pierre-les-Églises (Chauvigny).
C’est dans la période romane que l’art en Poitou a connu son apogée. Le roman poitevin est la maîtresse branche de ce roman de l’Ouest dont le domaine embrasse aussi la Saintonge, l’Angoumois, le pays bordelais, l’Anjou.
Parmi ses caractéristiques, on relève : la nef haute et aveugle, voûtée en berceau ; les bas-côtés presque aussi élevés qu’elle, afin d’en assurer l’équilibre et l’éclairage ; des piles très élancées, de section souvent quadrilobée, faisant place parfois à de simples colonnes ; une coupole à la croisée du transept ; la présence fréquente d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes. Tout cela apparaît fixé dès le XIe s.
sous une forme majestueuse et sévère. La façade est alors très souvent masquée par un robuste clocher-porche carré. Rien n’illustre mieux cette phase que l’abbatiale de Saint-Savin*, où subsiste le plus important ensemble peint de la France romane ; l’abbatiale de Charroux, aujourd’hui ruinée, était exceptionnelle par sa croisée formant une rotonde, dont il ne reste plus que la partie centrale.
Dès le début du XIIe s., sous l’influence des provinces charentaises, le roman poitevin change de ton et fait prévaloir une décoration fastueuse. La façade, conçue comme un écran triomphal, est désormais downloadModeText.vue.download 31 sur 651
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l’élément le plus caractéristique, avec ses contreforts habillés en faisceaux de colonnes, son jeu d’arcades et d’arcatures, son portail sans tympan, mais entouré d’importantes voussures, enfin son abondante sculpture, vouée à l’ornement et aux figures de fantaisie plutôt qu’aux thèmes iconographiques. Les plus beaux exemples de ce style sont les églises, pour la plupart monastiques, d’Airvault, de Saint-Jouin-de-Marnes, de Parthenay-le-Vieux, Saint-Hilaire de Melle, de Civray, Saint-Pierre de Chauvigny, ainsi que les portails de Vouvant, de Foussais et de Maillezais en Vendée.
L’art gothique n’a pas donné une aussi riche floraison. Aux XIIe et XIIIe s., il relève du style dit « angevin » ou « Plantagenêt », que caractérisent des voûtes fortement bombées, d’abord simples croisées d’ogives, puis fractionnées par des nervures multiples. Angles-sur-l’Anglin en offre l’exemple le plus homogène. Plus souvent, il s’agit de voûtes ajoutées à des églises romanes. Dès la fin du XIIIe s., le gothique importé du Nord triomphera des particularités locales ; le siècle suivant le confirme avec la cathédrale de Luçon, élé-
gante et lumineuse, ou l’abbatiale en ruine de Maillezais. Le style flamboyant apparaît ensuite, sobre d’abord à Notre-Dame de Niort et à la collégiale de Fontenay-le-Comte, plus riche au XVIe s. avec la chapelle de Saint-Marc-la-Lande, celle de Ternay et celle des La Trémoille de Thouars. Dans leur décor s’insinuent des motifs italianisants de la Renaissance, plus visibles à la collégiale d’Oiron. Dans la période classique, l’architecture religieuse ne sera plus illustrée que par François Leduc, dit Toscane, qui, vers 1670, revient à la légèreté gothique en restaurant les abbatiales de Saint-Maixent et de Celles-sur-Belle.
Depuis la période gothique, la prépondérance de l’art profane s’est affirmée : de nombreux châteaux en témoignent. Leur évolution remonte aux XIe et XIIe s., époque dés donjons carrés à contreforts plats, comme à Loudun, à Montcontour, à Chauvigny, parfois dédoublés comme à Touffou ou à Niort, où les contreforts deviennent cylindriques. On note ensuite le rôle grandissant de l’enceinte et la multiplication des tours, désormais rondes, comme au Coudray-Salbart, à Bressuire, à Tiffauges.
Après la guerre de Cent Ans, on assiste à
la transformation du château féodal en demeure plus agréable, sous le signe du gothique flamboyant ; ainsi à Cherveux ou à Dissay, résidence des évêques de Poitiers, dont la chapelle conserve de cette époque un bel ensemble de peintures murales.