Si la solution contient un mélange de sels, le polarogramme est formé de vagues successives et étagées.
Dans la pratique polarographique, plutôt que de construire la courbe par points à l’aide d’un polarographe manuel, il est plus commode et plus précis d’utiliser un appareil enregistreur.
La méthode polarographique per-
met des opérations d’analyse dans le domaine minéral, mais aussi dans le domaine organique, où de nombreuses fonctions sont actives du point de vue de la polarographie, c’est-à-dire susceptibles de subir une réduction électrolytique. La polarographie sert
également à l’étude de mécanismes réactionnels ; elle permet enfin de préciser la nature de certaines liaisons chimiques.
Jaroslav Heyrovský
Chimiste tchèque (Prague 1890). En 1922, il a découvert la polarographie à la suite d’études sur les dépôts cathodiques dans l’électrolyse. (Prix Nobel de chimie, 1959.) R. D.
I. M. Kolthoff et J. J. Lingane, Polarography (New York, 1941 ; 2e éd., 1952). / L. Meites, Polarographie Techniques (New York, 1955).
/ D. R. Crow et J. V. Westwood, Polarography (New York, 1968 ; trad. fr. la Polarographie, A. Colin, 1971). / R. Pointeau et J. Bonastre, Élé-
ments de polarographie (Masson, 1970).
polémologie
Étude scientifique de la guerre en géné-
ral, de ses formes, de ses causes, de ses effets et de ses fonctions en tant que phénomène social.
C’est Gaston Bouthoul qui proposa en 1946 de dénommer ainsi cette nouvelle discipline dans son livre Cent Millions de morts. Pour lui, deux obstacles s’opposent à l’étude de la guerre : le fait que le phénomène paraît trop connu pour relever d’une science, et la croyance, erronée, dans le caractère exclusivement volontaire et conscient des guerres, ce qui entraîne l’illusion d’une prévention par tout un arsenal juridique. Or, comment légifé-
rer à propos d’un phénomène que l’on ne connaît pas ? L’idée de la guerre est très ancienne : elle remonte aux mythologies ; dans ces dernières, la guerre tient une place énorme et est considérée comme une activité hautement honorable, que les dieux pratiquent, encouragent et protègent. Dans l’Ancien Testament, Dieu apparaît souvent comme le « Dieu des armées ». Pour le Coran, la propagation de l’islām par les armes est un devoir religieux. Si les premiers chrétiens condamnèrent la violence, saint Thomas* et à sa suite l’Église développèrent une théorie de la
« guerre juste », assez proche de l’idée de « guerre sainte » chez les musulmans. La seule philosophie qui, à tra-
vers les siècles, se soit appliquée avec constance à ne pas exalter la guerre est la philosophie chinoise. Les Grecs, par contre, la considérèrent souvent comme faisant partie de l’ordre providentiel. Machiavel* disait : « Toute guerre est juste dès qu’elle est nécessaire » ; en fait il est surtout un partisan de la guerre préventive. Kant* chercha quelles pourraient être les conditions d’une paix perpétuelle ; par contre, Hegel* semble croire que la guerre est un mal nécessaire qui prendra fin avec la réalisation de l’« esprit absolu ». Si les thèses de Joseph de Maistre* sur la guerre sont considérées comme classiques, celles de Nietzsche* sont souvent ambiguës.
Clausewitz* est un des plus grands théoriciens de la guerre : il en analyse les aspects, les fins et les moyens, et montre que la « guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Pour lui, l’armée n’est qu’un instrument de la politique, et la guerre est un acte de violence poussé à ses limites extrêmes. Les théories sociologiques considèrent la guerre comme un phénomène « normal » de
la vie des peuples et se séparent en optimistes ou en pessimistes suivant le but qu’elles attribuent au développement des sociétés : Saint-Simon* pense que l’industrie mettra fin à la guerre, comme Comte*, d’ailleurs ; Marx* et les marxistes dénoncent comme guerre constante la lutte permanente des classes riches et des classes pauvres, et le fait que les classes dirigeantes détournent le peuple de la lutte des classes en lui suggérant des passions nationales ou religieuses s’explique par des antagonismes économiques.
D’autres, enfin, justifient leurs thèses pessimistes par la cruauté instinctive de l’homme, la lutte pour la vie, tous préjugés non fondés scientifiquement.
Le phénomène de la guerre pré-
sente les caractéristiques suivantes : c’est d’abord essentiellement un phé-
nomène collectif ; il comporte un élément subjectif, l’intention, et un élément politique, l’organisation ; la guerre est au service des intérêts d’un groupe politique ; enfin, elle a un caractère juridique. Bouthoul la considère comme une forme de violence
qui a pour caractéristique essentielle d’être méthodique et organisée quant aux groupes qui la font et aux manières dont ceux-ci la mènent ; la guerre est limitée dans le temps et dans l’espace, et soumise à des règles juridiques particulières, variables suivant les lieux et les époques ; elle est toujours sanglante et comporte toujours la destruction de vies humaines.
Elle présente aussi des caractéristiques économiques : elle présuppose une accumulation préalable, et, en un sens, c’est une sorte d’activité de luxe.
Toute guerre est une entreprise économique qui suppose accumulation de matériels, de capitaux et de réserves ; ainsi, Fort Knox, aux États-Unis, est un formidable trésor de guerre, et souvent le stock d’or d’un pays passe d’un vainqueur à l’autre. La préparation de la guerre contribue à réaliser le plein-emploi. La guerre entraîne une consommation accélérée et provoque des déplacements de richesses ; elle produit des mutations dans les structures économiques en modifiant la répartition des investissements, des capitaux, des débouchés, etc.
Dire que la cause essentielle des guerres est de nature économique est sans doute vrai, mais trop général, car la guerre, phénomène social total, résulte de nombreux aspects. On peut distinguer des guerres de pénurie, des guerres d’abondance et de débouchés, des guerres coloniales ; le libéralisme économique et la concurrence favorisent également un certain nombre d’affrontements qui débouchent fré-
quemment sur la guerre.
Les guerres ont aussi un aspect dé-
mographique, et l’on peut dire qu’elles sont un homicide collectif organisé et finalisé ; elles accroissent la mortalité, sont des institutions destructrices conscientes, entraînant la plupart du temps la mort d’hommes jeunes ; en ce sens, on a parlé de la fonction démographique des guerres.
Cependant est-il possible de parler sans exagération d’impulsions belli-queuses collectives à propos de la turbulence traditionnelle de la jeunesse ?
Il existe vraiment d’autres dérivatifs
que la guerre, qui est, elle, purement et uniquement destructrice. Si, souvent, il existe, dans les sociétés, une mortalité institutionnelle ou différée, la plus efficace est évidemment la guerre.
Les guerres ont un aspect ethnologique, et l’on a pu rapprocher la guerre de la fête pour en comparer certains aspects communs, tels que la destruction ostentatoire, le rite collectif, le côté esthétique, ludique ou sacré.
Enfin, les guerres présentent des traits psychologiques ; l’étude de l’agressivité individuelle et collective ainsi que la psychanalyse des impulsions belli-queuses apporteraient une contribution importante à l’étude scientifique de la guerre. Les types de pacifismes et le comportement des dirigeants et des dirigés font d’ailleurs partie des recherches de la sociologie. Les plans de paix ont généralement pour limite une attitude préventive à l’égard du phéno-mène qui est considéré comme ayant provoqué la guerre et ressemblent donc à un recensement des causes de guerre.