Les résultats obtenus en ce siècle par les polices urbaines suggèrent au secrétaire d’État à la Guerre Claude Leblanc (1669-1728) de muer les chevauchées sporadiques de la maréchaussée en établissements fixes toutes les 4 lieues (1720). C’est l’origine, en France, en Espagne, en Italie, des actuelles brigades de gendarmerie, quadrillant le territoire national à partir de points fixes. La Révolution amène un personnel policier d’occasion, ce qui explique en partie le nombre élevé des victimes de la Terreur : 32 000 personnes. Le Directoire y met bon ordre en créant un ministère de la Police générale. Fouché dirige celui-ci onze ans environ. On formule les premières règles d’action : « Connaître par avance ceux qui ont dessein de troubler l’ordre public, utiliser la presse, avoir partout des regards et des bras, centraliser le renseignement. »
La Restauration rend plus d’autonomie aux communes en matière de police et conçoit l’idée de les doter d’un personnel en uniforme : les sergents de ville, devenus en 1870 les « gardiens de la paix publique ». Napoléon III sera le chef d’État le plus attentif aux problèmes de police ; non seulement il développe le nombre et l’influence des commissariats, mais il crée des fonctionnaires chargés de « connaître l’opinion publique relative aux actes du gouvernement, de surveiller tout sans rien administrer ». Ainsi naît la police politique, qui aura tendance à se renseigner tant sur le sentiment des adversaires du régime que sur les défaillances de leur vie privée.
On négligera jusqu’en 1907 la protection des biens et des personnes. À cette date, pour réduire l’importance de la criminalité, on crée des services régionaux de police judiciaire. Mais la dualité de deux grandes administrations policières, Préfecture de police de Paris et Sûreté nationale, jointe aux faiblesses de certains magistrats, faillit emporter le régime républicain (émeutes des 6 et 12 février 1934). Aussi remanie-t-on les structures, augmente-t-on les effectifs et renforce-t-on le service de contre-espionnage, qui prend le nom de surveillance du territoire.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 16
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En 1941, on rationalise enfin la police française en distinguant : la police d’ordre, confiée à des agents en uniforme auxquels on adjoint des groupes mobiles de réserve (devenus en 1944 compagnies républicaines de sécurité [C. R. S.]), la police ré-
pressive, dite « judiciaire » ; la police de pré-
vision ou politique, dite « renseignements généraux ». La Ve République ira plus loin en décidant en 1966 la fusion de toutes les polices civiles sous le vocable de police nationale et sous l’autorité d’un directeur général ayant (en 1974) à sa disposition 1 800 commissaires, 11 000 inspecteurs, 4 800 enquêteurs, 1 630 commandants et officiers de paix et 79 600 brigadiers et gardiens de la paix.
M. L. C.
Les problèmes de la police
y En réalité, la police, comme l’ar-mée, doit être « une ». Le policier de la rue doit avoir des notions de police judiciaire et savoir transmettre une information politique recueillie fortuitement. Cela explique le caractère généralement polyvalent des fonctionnaires de police, agissant ici sur ordre du préfet ou du maire, là sur instruction du procureur, et s’oppose à l’idée de rattacher par exemple la police d’ordre aux municipalités, la police politique aux autorités régionales, la police judiciaire aux tribunaux, ce qui serait couper « le renseignement » à la base. C’est le même reproche qu’on peut adresser aux
systèmes d’organisation confiant les trois missions principales de police à de nombreux organismes ayant compétence concurrente parfois sur une même aire territoriale.
y La police pose également un pro-blème de séparation des pouvoirs.
Chargée de faire exécuter la loi et de rechercher le crime, elle ne doit ni rédiger elle-même les textes qu’elle sera chargée d’appliquer, ni juger ou détenir elle-même les délinquants ap-préhendés (attitude redoutable exercée par certaines polices politiques).
y D’autres problèmes concernent le maintien de l’ordre face aux libertés*
publiques, la nécessité d’une forme de pouvoir discrétionnaire en cas d’urgence, l’exigence normale d’un certain loyalisme envers le gouvernement. La solution apportée à ces problèmes apparaît difficile, comme en témoignent les types d’organisation nationale de police, variés à l’infini.
Les types d’organisation
y France. Il existe deux forces de police : la police nationale proprement dite et la gendarmerie nationale. La police nationale est sous les ordres directs du ministre de l’Inté-
rieur, responsable général de l’ordre et de la sûreté. Tous ses services s’articulent autour de cinq directions centrales : réglementation, sécurité publique, renseignements généraux, surveillance du territoire et police judiciaire.
La direction de la réglementation prépare les textes d’application de police administrative et administre les étrangers ; la sécurité publique dispose de 400 commissariats de police urbains (un commissaire dans toute ville d’au moins 10 000 habitants, assisté d’inspecteurs et de gardiens de la paix, et un commissaire central lorsque la population dépasse 40 000 habitants) ; à cet échelon, les fonctionnaires assurent tout à la fois la police administrative, la police d’ordre et la police judiciaire ; les renseignements généraux sont re-présentés auprès de chaque préfet par un service départemental, dont certains éléments contrôlent les entrées aux frontières et sur les aéroports ; la surveillance du territoire couvre des secteurs territoriaux (secret de défense nationale). On doit ajouter que 18 services régionaux de police judiciaire, en étroite liaison avec les parquets, enquêtent sur les grandes affaires criminelles et utilisent 5 laboratoires de police scientifique : Lille, Paris, Lyon, Toulouse et Marseille. D’autre part, la police tient à jour et exploite un relevé de toutes les condamnations prononcées pour crime ou délit : le sommier de police technique ainsi que des archives qui groupent environ 30 millions de dossiers. La police d’ordre reçoit un appoint des forces mobiles, les 15 000 hommes des compagnies
républicaines de sécurité, tandis que les communes rurales peuvent désigner des gardes champêtres, au nombre de 35 000.
y Allemagne fédérale. Chacun des
Länder de l’Allemagne fédérale est autonome en matière d’organisation et d’emploi des forces de police, qui se subdivisent toutes en police d’ordre (Schutzpolizei) en uniforme et en police judiciaire (Kriminalpolizei).
De plus ont été créées des « polices disponibles », inspirées des C. R. S.
françaises, agissant en unités constituées contre les désordres violents de la rue. Toutefois, le ministre fédéral de l’Intérieur coordonne les polices allemandes sur le plan de la policologie (école unique de police), de la coopération internationale, de la ré-
pression des fraudes commerciales et de la garde des frontières. Par ailleurs, il nomme des préfets de police (Po-
lizeipräsident) dans les villes de plus de 100 000 habitants ; celles-ci sont divisées en commissariats de police.
On trouve également un corps de
gendarmerie aux fonctions similaires à celles des autres corps de ce nom dans les autres pays et un service fédéral de renseignements, le Bundesnachrich-tendienst (BND), qui est chargé de la sécurité de l’État. La police allemande compte un effectif de 119 000 hommes, auquel s’ajoutent les 60 000 hommes de la gendarmerie.