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La fin de la décennie nous vaut un grand film noir où le suspense s’augmente d’une réflexion sur le racisme, le Coup de l’escalier (Odds against tomorrow de R. Wise, 1959), et le plus fameux film de poursuite de A. Hitchcock, la Mort aux trousses (North by Northwest, 1959).

En Europe, les années de guerre et l’immédiat après-guerre voient l’apparition d’un grand nombre de metteurs en scène qui, comme leurs collègues américains, vont utiliser le schéma du film policier pour dresser des constats sociaux souvent virulents. En Italie, le néo-réalisme doit pratiquement sa naissance à un argument de thriller, puisque Ossessione (1942) de L. Visconti

adapte un roman noir de J. Cain que T. Garnett filmera plus tard sous son titre d’origine, Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman always rings twice, 1946), mais que P. Chenal a déjà adapté en 1939 sous le titre du Dernier Tournant. En France, les an-nées 40 révèlent H. G. Clouzot. Après avoir adapté pour le cinéma G. Simenon (les Inconnus dans la maison de H. Decoin, 1942) et S. A. Steeman (le Dernier des six de G. Lacombe, 1941), Clouzot utilise de nouveau Steeman pour sa première réalisation, L’assassin habite au 21 (1942), où P. Fresnay incarne le détective Mr. Wens. C’est encore Steeman qui inspire à Clouzot son film le plus important, le Corbeau (1943), chronique extrêmement noire et à peine transposée de la vie en France sous l’Occupation. C’est aussi Steeman qui permet à Clouzot de signer Quai des Orfèvres (1947), dont l’atmosphère étouffante et les personnages troubles viennent directement des premiers films noirs américains. Si Clouzot se confirme avec les Diaboliques (1954, d’après Boileau-Narcejac) comme le maître du film policier d’atmosphère, à la limite de l’épouvante, le genre n’est, dans l’ensemble, illustré que par de médiocres réalisateurs, exception faite de H. Decoin, dont la Vérité sur Bébé Donge (1952) est une excellente adaptation d’un roman de G. Simenon. Ce dernier fournit d’ailleurs d’honnêtes arguments à de nombreux metteurs en scène : Louis Daquin tourne le Voyageur de la Toussaint (1942), J. Duvivier Panique (1946), M. Carné la Marie du port (1949), C. Autant-Lara En cas de malheur (1958) et J. Delannoy Maigret tend un piège (1957) et Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (1959), qui appartiennent à la tradition du film policier de qualité sans pour cela créer d’univers typique.

Les années 60 font naître aux États-Unis un foisonnement de thèmes et de personnages qui s’explique en partie par l’éclatement des grandes compagnies de production, l’éclosion d’une pépinière de nouveaux scénaristes et de nouveaux producteurs infiniment plus libéraux que les magnats des « Major Companies. » En dehors de tentatives isolées, comme les Bas-Fonds new-yorkais (Underworld USA de S. Fuller, 1960), la Revanche du Sicilien (Johnny Cool de W. Asher, 1963), il faut, cependant, reconnaître que le genre policier proprement dit n’existe plus guère, comme si, soudain, le gangstérisme moderne n’avait plus ni attrait ni pittoresque. Les rares films du genre paraissent se réfugier dans la parodie (Un truand [Dead Heat on a Merry-Go-Round de B. Girard, 1966]), l’hommage respectueux, mais chargé d’ironie, à la grande période (Détective privé [Harper de J. Smight, 1966]), la surenchère de violence (À

bout portant [The Killers de D. Siegel, 1964], remake du film de R. Siodmak) ou l’histoire (l’Affaire Al Capone [The Saint Valentine’s Day Massacre, 1967]

et Bloody Mama de R. Corman, 1969).

Les valeurs se renversent de plus en plus, et l’argument se déplace, qu’il soit prétexte à exercice de style, comme le Point de non-retour (Point Blank de J. Boorman, 1967), à une mise en cause du racisme (Dans la chaleur de la nuit

[In the Heat of the Night de N. Jewison, 1967]) ou de la politique internationale (Un crime dans la tête [The Mandchu-rian Candidate de J. Frankenheimer, 1962]).

Les héros n’en sont plus de véri-

tables, soit que l’humour, comme dans Tony Rome est dangereux (Tony Rome de G. Douglas, 1967), le désenchantement, comme dans le Détective (de G. Douglas, 1968), ou l’impuissance, comme dans Bonnie et Clyde (de

A. Penn, 1967), les poussent à bas de leur piédestal pour leur donner enfin de plus humaines dimensions. Enfin, les petits budgets autrefois alloués aux metteurs en scène de films noirs, tant à la Paramount qu’à la Warner, ont fait place à des moyens plus confortables, qui rendent inopérant le charme dont bénéficiaient naguère les petits thril-

lers de la grande époque. Avec l’apparition de la Mafia, le film noir célèbre son agonie dernière : le Parrain (The Godfather de F. F. Coppola, 1971) et ses nombreuses séquelles marquent l’entrée officielle du gigantisme dans le domaine du film policier. La fresque balaye l’intimisme, comme le thème de la drogue a chassé les éternels règlements de compte à la lueur glauque des réverbères : French Connection (de W. Friedkin, 1971) ne fait que mettre au goût du jour la thématique, du film de poursuite, dépoussiérée par le Bullitt de P. Yates (1968). En 1974, Roman Polanski, à la faveur de la mode

« rétro », fait renaître dans Chinatown la grande époque des films noirs à la fois caustiques et touffus.

Dans l’Europe des années 60, si les studios allemands ont trouvé en l’adaptation fébrile de tous les romans de E. Wallace une raison de survivre et si la Grande-Bretagne a longuement découpé en tranches tièdes les romans de A. Christie, la France fait depuis Touchez pas au grisbi (de J. Broker, 1954) et Du rififi chez les hommes (de J. Dassin, 1954) une place privilégiée à l’univers du truand et à la préparation de savants hold-up. J. Gabin a retrouvé avec Le cave se rebiffe (de G. Grangier, 1961), Mélodie en sous-sol (1962) ou le Clan des Siciliens (tous deux d’Henri Verneuil, 1969) une popularité considérable. Seules tentatives de prolongement d’un mythe, celui du héros solitaire des films noirs américains, les films de J.-P. Melville constituent depuis le Doulos (1962) jusqu’au Flic (1972) en passant par le Deuxième Souffle (1966) et le Samouraï (1967) les composantes d’un univers particulier, que nombre de cinéastes tentent d’imiter.

Aujourd’hui, tant aux États-Unis, où le film « noir » ne tente plus guère que les cinéastes noirs, lesquels font d’un héros jadis incarné par un Blanc leur porte-parole (Shaft de Gordon Parks Sr., 1972), qu’en France, où l’acclimatation du « thriller » mythologique à l’américaine ne peut se faire sans artifice, le policier comme genre a cessé de vivre. Le mélange des genres et la profusion des thèmes en ont eu raison. Pour traiter de sujets plus actuels,

les cinéastes d’aujourd’hui n’ont plus à biaiser. Les thrillers des années 70

ne sont plus seulement des thrillers.

Ils gagnent en richesse et en profondeur ce qu’ils perdent en folie et en mouvement.

J.-L. P. et M. G.

S. Cavalcanti de Paiva, O gangster no cinema (Rio de Janeiro, 1952). / R. Borde et E. Chaumeton, Panorama du film noir américain (Éd. de Minuit, 1955). / A.-J. Cauliez, le Film criminel et le film policier (Éd. du Cerf, 1956). /

J. et E. Cameron, The Heavies (Londres, 1967). /

J. Baxter, The Gangster Film (Londres, 1970). /

R. Lee et B. C. Van Hecke, Gangsters and Hoo-dlums. The Underworld of Cinema (Cranbury, N. J., 1970) / C. Mac Arthur, Underworld USA (Londres, 1972). / S. L. Karpf, The Gangster Film : Emergence, Variation and Deezy (New York, 1972).

policière

(littérature)

Quand on parle de littérature policière, un problème de délimitation du sujet se présente aussitôt à l’esprit.

Introduction

S’agit-il de toutes les formes du récit qui ont pour thème, pour cadre, pour référence ce phénomène social qu’est la délinquance (et sa répression) ou bien s’agit-il de ce genre littéraire très défini qu’on appelle en France le roman policier ? La difficulté est d’autant plus grande que les frontières du downloadModeText.vue.download 42 sur 651