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En d’autres termes, nous sentions qu’il était possible de renouveler le roman-problème à condition d’en chasser les policiers, les suspects et les indices. »

Boileau et Narcejac ont tenu leur pari dans leurs livres, mais le roman policier sans policiers-médiateurs n’est plus le roman policier, et la technique du suspens a très vite débordé les limites du genre pour s’appliquer à toutes sortes de narrations qui n’ont plus rien à voir avec la détection du crime.

Entre-temps, certains auteurs amé-

ricains, comme Dashiell Hammett

(1894-1961), cherchent un renouvellement dans une sorte de réalisme noir qui, plaqué sur une intrigue policière, par exemple dans le Faucon maltais, mêle des péripéties de tous ordres, mais toujours violentes, à des thèmes parfois sociaux. Originaires de l’East-End de Londres et ancien policier, Peter Cheyney (1896-1951) donne un héros à ce nouveau genre, où il n’y a plus de détective, mais une sorte d’aventurier à la fois brutal et séduisant dans un décor de « cigarettes et whisky et petites pé-

pées » : c’est Lemmy Caution qui est révélé à la France après la Libération et qui donne naissance à la « série noire ».

De Lemmy Caution à James Bond de

Ian Fleming (1908-1964), c’est une lignée vigoureuse, puisqu’un de ses plus célèbres rejetons, OSS 117, a survécu à son créateur Jean Bruce (1921-1963) et a été repris avec succès par sa veuve. Le cinéma s’empare du genre, le développe, l’ennoblit, le prolonge et même le parodie. Devenu international et grand viveur, le héros ne peut plus se contenter du petit train-train de l’admi-

nistration policière. Il se fait agent secret, agent double, chasseur d’espions, espion lui-même parfois. La guerre froide pare le roman d’espionnage d’un prestige d’actualité. Pierre Nord, en France, cherche à calmer le genre, à lui donner un tour plus technique, plus crédible. Mais le roman policier s’évade vers une sorte de baroque extravagant où se mêlent en proportions soigneusement étudiées le sexe, la violence, la vie de château et la mort. Les séries d’édition s’organisent chacune avec ses personnages vedettes, sa pré-

sentation, sa typographie, sa clientèle.

De cette foule bigarrée jaillit dans les années 60 un authentique talent litté-

raire, celui de Frédéric Dard, avec son fameux commissaire San Antonio, qui passe à pas de géants du baroque au burlesque et du burlesque à la poésie par la vertu de sa magie verbale.

Mais le roman policier traditionnel conserve ses adeptes. On n’en a jamais fini de publier des traductions de la formidable production anglo-saxonne.

On écrit des romans policiers dans tous les pays : pays Scandinaves, Espagne, Italie, Allemagne et même pays socialistes. On peut, en particulier, citer en U. R. S. S. Ioulian Semenov et en Bul-garie Andrej Stojanov Guljaški, dont les qualités littéraires sont incontestables. La Chine populaire elle-même a eu ses romans policiers avant la révolution culturelle. Le criminel y devient naturellement l’ennemi du peuple, et le policier le garde rouge diligent. Mais, quelles que soient les idéologies et les downloadModeText.vue.download 47 sur 651

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 16

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formes du jeu, l’humanité n’a pas fini de s’amuser au gendarme et au voleur.

R. E.

F Populaire (littérature) et populiste (littérature)

/ Roman.

R. Messac, le « Detective Novel » et l’influence de la pensée scientifique (Champion, 1929). / F. Fosca, Histoire et technique du roman policier (Nouvelle Revue critique, 1937).

/ A. Peske et P. Marty, les Terribles (F. Cham-

briand, 1951). / F. Hoveyda, Petite Histoire du roman policier (Éd. du Pavillon, 1956 ; nouv. éd.

Histoire du roman policier, 1966). / S. Radine, Quelques aspects du roman policier psychologique (Éd. du Mont-Blanc, Genève, 1960).

/ P. Boileau et T. Narcejac, le Roman policier (Payot, 1964). / J. J. Tourteau, D’Arsène Lupin à San Antonio. Le roman policier français de 1900

à 1970 (Mame, 1971). / M. Zéraffa, Roman et société (P. U. F., 1971). / J. Dupuy, le Roman policier (Larousse, 1974). / F. Lacassin, Mythologie du roman policier (U. G. E., coll. 10/18, 1974).

policologie

Ensemble des règles pragmatiques, technologiques et déontologiques ré-

gissant l’organisation et les interventions de la police.

La policologie ne constitue pas une science proprement dite, puisqu’elle fait appel aux concepts, aux méthodes et aux techniques de la science administrative, du droit pénal, de la criminalistique*, de la sociologie*, des transports*, des moyens de communication, de la science militaire, etc., pour résoudre les problèmes que posent en société l’équilibre des droits de l’État et du citoyen, la protection des biens et des personnes ainsi que le maintien de l’ordre.

Schématiquement, la policologie

concerne les quatre missions de tout système policier cohérent :

1. la police d’ordre, qui a six objectifs, à savoir : factions, manifestations*, circulation*, protection des personnalités, défense intérieure, lutte contre les catastrophes ;

2. l’information politique (ou police civique), qui recueille les renseignements sur l’opinion publique et dépiste aussi les complots intérieurs ainsi que les antennes d’espionnage militaire ou économique ;

3. la police judiciaire, qui est tournée vers la répression des activités délictuelles de droit commun et qui s’aide des leçons de la police technique (v. police) et des procédés de la police scientifique ;

4. la police administrative, mais seulement en ce qui regarde le contrôle

de l’exécution des lois et le choix des moyens jugés efficaces pour l’assurer, encore que la policologie enseigne qu’il faille, avant la promulgation d’un texte, prendre mesure de son opportu-nité et s’assurer des moyens pour obtenir son exécution.

La policologie s’efforce également d’atténuer la position inconfortable occupée par la police dans toute société évoluée ; la police trouve, en effet, face à elle l’opposition latente du citoyen, gêné dans plusieurs comportements et subissant parfois des fonctionnaires d’ordre une initiative dépassant le texte écrit de la loi. Aussi convient-il de donner le pas plus à la prévention qu’à la répression, qui, elle-même, doit éviter de faire un ennemi du citoyen (même délinquant) arrêté, spécialement s’il s’agit d’un mineur, qui gardera de son « premier » policier et de sa première prison une image définitive de la société.

Comme on le voit, la policologie

déborde le cadre de la connaissance et de l’application stricte des règles juridiques posées par l’État ; son enseignement doit inclure les règles déontologiques d’une profession qui pénètre chaque instant dans la vie collective et que les nécessités facilement invoquées de l’ordre, jointes à la possibilité d’une coercition immédiate, peuvent amener à commettre des abus.

Pour éviter ceux-ci, différents systèmes ont été prônés avec le souci de conserver une nécessaire efficacité.

Certains États prennent des assurances en confiant les missions de sécurité à plusieurs organismes polyvalents : police et gendarmerie* françaises ou italiennes par exemple ; polices britanniques régionalisées. D’autres confient à des tribunaux spéciaux ou à un mé-

diateur (ombudsman*) le soin d’arbitrer les différends et litiges entre autorités de police et administrés. Mais le rôle essentiel de la policologie apparaît dans l’uniformisation souhaitable des méthodes préconisées pour le maintien de l’ordre sous toutes ses formes.