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En novembre 1928, un incendie ravage la roulotte qui lui sert de logis. Nourri par les fleurs artificielles en Celluloïd que sa compagne fabrique, le feu brûle très grièvement Django, dont la main gauche n’est plus qu’une plaie. À force de volonté et de courage, Django réussit à crisper ses doigts sur le manche de sa guitare. Pendant une convalescence de deux ans, il récupère toute sa virtuosité et arrive même à se dépasser en inventant de nouveaux doigtés pour pallier son infirmité. En 1931, il flâne du côté de Toulon, où Émile Savitry, peintre qui revient de Tahiti, lui fait entendre des disques d’Armstrong, d’Ellington, de Joe Venuti et d’Eddie Lang, musiques qui bouleversent Django. Savitry, émerveillé par les dons de son protégé, se démène pour le faire connaître. Après le Coq Hardi de Toulon, le Lido, puis le Palm Beach de Cannes, c’est Paris, où Jean Cocteau, Jean Sablon et Mistinguett s’intéressent à ce garçon au teint basané et aux yeux noirs qui sait si bien

« faire parler sa guitare ». À la Croix-du-Sud, Django fréquente Stephen

Mougin et André Ekyan, pionniers du jazz français, et, en 1934, au Claridge, il crée avec le violoniste Stéphane Grappelli un quintette uniquement constitué d’instruments à corde (trois guitares, une contrebasse et un violon) et qui sera patronné par le Hot Club de France (H. C. F.). Cet orchestre, dont la formule originale rappelle le « cua-dro flamenco », s’impose rapidement comme le meilleur groupe français de jazz, musique que l’Europe commence à découvrir. De nombreuses séances d’enregistrements en quintette ou en compagnie de solistes américains de

passage (Benny Carter, Bill Coleman, Rex Stewart, Barney Bigard, Dickie Wells, Eddie South, Coleman Hawkins...), des concerts et des tournées en Europe démontrent au public et à la critique que Django Reinhardt est un très grand guitariste de jazz, le meilleur même pour certains. La guerre sépare Django de Stéphane Grappelli, qui restera à Londres. En France, malgré l’occupation nazie, le jazz passionne la jeunesse, et l’absence de musiciens américains apporte aux solistes fran-

çais une popularité sans précédent.

Django en bénéficie largement : il est une vedette, joue dans les music-halls et les clubs de Pigalle. L’une de ses compositions, Nuages, enregistrée en octobre 1940, sera un best-seller.

Le clarinettiste Hubert Rostaing a remplacé Grappelli, et un batteur est substitué au second guitariste : c’est la nouvelle formule du quintette du Hot Club de France. En 1946, Django joue aux États-Unis et se produit en concert avec Duke Ellington, mais, déçu par l’accueil d’un public plus blasé que les foules françaises sous l’Occupation, revenu en France, il délaisse la guitare au profit de la peinture, tout en ayant la coquetterie de retours fulgurants

— notamment au Club Saint-Germain à Paris en 1950 — où il prouve qu’il est toujours capable d’étonner, même lorsqu’il s’exprime à la guitare électrique entouré de jeunes boppers. En downloadModeText.vue.download 624 sur 651

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 16

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1953, le promoteur Norman Granz

l’engage pour participer au Jazz at the Philharmonic. La mort, suite d’une congestion cérébrale survenue le

16 mai de la même année, empêchera la réalisation du projet.

Personnage hors du commun,

Django était célèbre pour ses foucades.

Il préférait les roulottes aux palaces, dilapidait des fortunes au jeu, disparaissait alors que le public l’attendait. Être fantasque et grand seigneur, il refusait les contingences d’une société qui n’était pas la sienne. Sa musique, cas unique dans le contexte du jazz, est le fruit du mariage de la

sensibilité tsigane et de l’influence du jazz des maîtres des années 30 : Eddie Lang, Armstrong, Tatum, Carter, Hawkins, Ellington. Django ne chercha pas à copier les sonorités des guitaristes américains. La sienne reste l’héritage de la tradition tsigane. Au jazz, Django emprunta le principe de l’improvisation en paraphrase et le secret du swing. Sa technique était inimitable, au point que des virtuoses ayant l’usage de leurs dix doigts ont vainement essayé de rejouer les traits étincelants de Django. Là où certains ont cru à un truc, il n’y avait que l’instinct, l’instinct fabuleux de ceux pour qui l’instrument prolonge le corps et qui s’expriment par son intermédiaire mieux qu’ils ne le feraient avec des mots. Django ignorait tout des règles de l’écriture, ce qui ne l’empêchait pas de composer et aussi de concevoir des orchestrations pour grande formation.

Il saisissait sa guitare et dictait les diverses parties de l’arrangement : celles des cuivres, celles des anches, des violons. C’est pourquoi il fut toujours associé avec un musicien connaissant l’harmonie : Stéphane Grappelli, Hubert Rostaing, Gérard Levêque ou André Hodeir. Étincelant virtuose, im-provisateur intarissable, compositeur original, accompagnateur au swing élé-

gant et inimitable, Django Reinhardt a produit le meilleur de son oeuvre au sein du quintette du Hot Club de France, en particulier durant la période 1935-1940, années où il brilla aussi en compagnie de quelques grands solistes noirs. Il reste avec Charlie Christian le plus grand des guitaristes de jazz, mais il ne fut pas un chef d’école, si l’on excepte quelques imitateurs trop fidèles, qui étaient d’ailleurs ses frères et cousins. Exceptionnel résultat de la réception d’un art neuf par un être également neuf à des cultures autres que la sienne, son oeuvre, accident génial et sans lendemain, fut méditée par tous les guitaristes.

Le jazz en France sous

l’occupation allemande

(1940-1944)

Le succès de Django Reinhardt s’inscrit dans le contexte de la soudaine popularité du jazz en France à partir de 1940.

En dépit de l’hostilité Idéologique des régimes nazi et vichyste, malgré l’interdiction (souvent transgressée par le changement des titres anglais) d’utiliser des thèmes de compositeurs israélites, la jeunesse est passionnée de jazz, et une mode vestimentaire, celle des « zazous », accompagnera cette vogue. L’organisation de nombreux concerts, la publication des disques du catalogue swing procurent aux musiciens français de multiples possibilités d’expression, accrues par l’absence de solistes américains. L’école française de jazz s’épanouit avec, comme chefs de file, en dehors de Django Reinhardt, les trom-pettistes Aimé Barelli et Christian Bellest, le clarinettiste Hubert Rostaing, les saxopho-nistes Alix Combelle et André Ekyan, les pianistes Léo Chauliac et Jacques Diéval, l’accordéoniste Gus Viseur, les bassistes Lucien Simoens et Emmanuel Soudieux, les batteurs Pierre Fouad, Armand Moli-netti et Jerry Mengo, les violonistes Michel Warlop et Claude Laurence (pseudonyme du compositeur et musicologue André Hodeir). Ces musiciens pratiquent une musique influencée par le style « swing »

(ou middle jazz) de la fin des années 30 aux États-Unis. Coupés des sources, ils n’évoluent guère et se trouvent, à la Libération, confrontés à la révolution be-bop et à la réaction du New Orleans Revival, ce qui entraînera leur élimination de la scène, qui sera occupée de nouveau par des artistes d’outre-Atlantique.

F. T.

F Guitare [les guitaristes de jazz].

C. Delaunay, Django mon frère (Losfeld, 1968).

Sous-ensemble du produit carté-

sien, E × F, d’un ensemble E par un ensemble F, constitué par les couples ordonnés (x, y) d’éléments de E et de F

vérifiant une propriété relative donnée.

relation binaire

Le sous-ensemble définissant la relation est le graphe de cette relation. Si le couple (x, y) appartient au graphe, x est dit en relation avec y, ce que l’on note habituellement x R y. Si GR désigne le graphe de R, on a l’équivalence