Выбрать главу

Mais il s’y joint entre 1420 et 1430

la conjonction imprévisible de trois génies, liés d’amitié, familiers avec les monuments antiques qu’ils ont étudiés à Rome et qui donnent le « coup d’envoi » à la Renaissance : un architecte, Brunelleschi* ; un sculpteur, Donatello* ; un peintre, Masaccio*. Le premier, vainqueur du concours de 1418

pour la coupole de la cathédrale, fait figure très vite de chef d’école. Jusqu’à sa mort, en artiste intuitif plus qu’en théoricien, il multiplie les innovations, remplaçant l’arc brisé par des arcades portées sur des colonnes à chapiteaux corinthiens, reprenant la formule des basiliques paléochrétiennes à trois nefs plafonnées séparées par des files de colonnes (San Lorenzo, Santo Spirito) ou adoptant le plan centré et la coupole (chapelle des Pazzi). Ses successeurs, Michelozzo, Rossellino, etc., développeront ses recherches en les adaptant particulièrement aux palais et aux villas.

Donatello, observateur passionné de la nature, que son tempérament fou-geux, sa manière « abrégée » opposent à ses brillants émules — à la technique serrée d’orfèvre de Ghiberti*, à la grâce souple de Luca Della Rob-bia* —, emprunte à l’Antiquité un répertoire neuf : éphèbes nus (David), bas-reliefs de putti bondissants, statues équestres de héros (Gattamelata de Padoue). Avec ses disciples, les tabernacles à frontons, les tombeaux

« triomphants » sous une arcade, de plus en plus dépourvus de références chrétiennes, envahiront les églises florentines.

downloadModeText.vue.download 645 sur 651

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 16

9330

Masaccio, qui, lui, meurt avant la

trentaine, apporte un choc encore plus décisif à des contemporains hésitant entre les conventions giottesques et les raffinements précieux du gothique de cour. Sa seule grande oeuvre, la chapelle Brancacci au Carminé, leur découvre un style épique, ample et puissant, où la noblesse simple des draperies du Christ et des disciples comme les nudités pathétiques d’Adam et Ève montrent l’assimilation parfaite de l’antique, où la lumière frisante accuse la construction robuste et le relief des groupes disposés en profondeur. Tous les contemporains et cadets de Masaccio, voire des aînés comme Masolino, reçoivent l’empreinte de son génie : elle apparaît même chez des peintres plus épris d’agréments narratifs, de couleurs fraîches et d’arabesques raffinées dans la tradition des enlumineurs, comme Fra Angelico*

ou Filippo Lippi*, auxquels Masaccio enseigne la large distribution des figures dans l’espace ; à plus forte raison chez ces constructeurs obsédés par la géométrie et la perspective, et plus soucieux de vigueur que de grâce, que sont Uccello*, Domenico* Veneziano et Andrea* del Castagno. Piero* della Francesca, héritier de ce courant hé-

roïque et monumental, apporte en plus, dans ses fresques de San Francesco d’Arezzo (Légende de la Croix) un raffinement sobre de couleur et d’éclairage, un charme grave, tantôt rustique, tantôt féminin et courtois, qui restent uniques et marquent sans doute l’apogée pictural du quattrocento.

Au milieu du siècle, Florence trouve un commentateur de ses acquisitions et de ses aspirations avec Leon Battista Alberti*, bien que celui-ci, né d’une famille patricienne en exil, ait moins vécu à Florence qu’à Venise ou à

Rome. Homme universel, philosophe et savant, curieux de toutes les techniques, il est à la fois un grand architecte qui va plus loin que Brunelleschi dans le recours à l’antique — avec la recherche des effets de masse, les motifs d’arcs triomphaux et de niches qui créent de puissants contrastes d’ombre et de lumière (Sant’Andrea de Mantoue) — et le premier théoricien des arts : de tous les arts, mais d’abord de celui qui désormais commande les autres, l’architecture (De re aedifica-toria, 1452), sous le signe de la raison

et de la proportion idéale, et d’un urbanisme à l’échelle humaine qui nous paraît singulièrement actuel.

Désormais, l’essentiel est dit. Le dernier tiers du siècle bénéficie d’une auréole quelque peu fallacieuse : avec Laurent de Médicis*, prince sans couronne qui règne un quart de siècle sur Florence, humaniste, poète, collectionneur, le platonisme de l’Académie qu’il a fondée — et que dominent Marsile Ficin pour la pensée, Ange Politien pour la forme poétique — achève de

« décloisonner » les artistes. Allégorie, mythologie, nudités aux lignes sinueuses envahissent leur répertoire, même à l’église ; le Printemps ou la Naissance de Vénus de Botticelli*, peintre préféré de Laurent, représentent à merveille cette grâce de cour un peu sophistiquée. Mais, si d’autres nouveautés sont significatives — les villas de la campagne florentine décorées de fresques à l’antique, comme celle que Giuliano da Sangallo* construit pour Laurent (Poggio a Caiano) —, si le style d’orfèvre, tranchant et précis, que pratiquent des peintres-sculpteurs comme Verrocchio* ou les Pollaiolo*

atteste leur virtuosité, si le paysage et le portrait prennent une place nouvelle dans la peinture florentine, un certain essoufflement se fait sentir et parfois une certaine industrialisation : des narrateurs féconds et populaires comme Gozzoli*, Ghirlandaio*, Filippino Lippi*, malgré leur habileté et leur charme, ne peuvent compter parmi les grands créateurs.

En revanche, les conquêtes florentines, répandues dans toute l’Italie, provoquent la naissance de foyers ré-

gionaux multiples, qui acquièrent dans la seconde moitié du siècle une personnalité propre et souvent un vif éclat.

L’Italie du Sud et la Sicile ne jouent qu’un rôle secondaire dans la marche de la Renaissance — quelles que soient la valeur précoce de l’arc triomphal élevé à Naples en l’honneur du conqué-

rant aragonais (1454) et la qualité d’un peintre nomade comme Antonello* da Messina, qui diffuse en Italie la technique à l’huile des Flamands : l’heure de ce royaume ne sonnera qu’avec le baroque. Au contraire, Rome*, après le lamentable déclin qui suivit l’exode

papal à Avignon et le Grand Schisme, connaît un réveil brillant, grâce à des papes humanistes comme Nicolas V et Pie II. Un double effort se poursuit :

« reconquête » urbaine par le dégagement des ruines antiques, la création de voies nouvelles reliant le centre (où s’élèvent des constructions majestueuses comme le Palais de Venise) aux palais du Latran et du Vatican ; décoration des appartements pontifi-caux et des chapelles vaticanes avec le concours des meilleurs peintres de Toscane ou d’Ombrie — de Fra Angelico pour la chapelle de Nicolas V (v. 1447) à Botticelli, Ghirlandaio, Signorelli*, Pérugin* pour celle de Sixte IV (1481-1483) et au Pinturicchio pour les appartements d’Alexandre VI Borgia (1491-1494).

Dans l’Est et le Nord, le fait significatif est la multiplicité des foyers d’art suscités par des « tyrans » mécènes, émules des Médicis : ainsi, à Rimini, Sigismondo Malatesta, qui fait appel à Alberti pour transformer le couvent de San Francesco en sanctuaire funéraire de sa maîtresse Isotta, avec un ample programme d’allégories plus profanes que sacrées ; à Ferrare*, alors très prospère sous la famille d’Esté, le marquis humaniste Leonello appelle le grand médailleur et peintre toscan Pisanello*

ainsi que le prince des maîtres flamands, Van der Weyden*, dont l’art influence les décorateurs du palais Schifanoia, au réalisme savoureux, parfois âpre et tendu, Cosme Tura et Francesco del Cossa. À Mantoue, c’est la dynastie des Gonzague qui s’attache à partir de 1460 un des plus grands noms du quattrocento, Andrea Mantegna*, peintre également dominateur par la vigueur de ses reliefs, sa frénésie archéologique, l’éclat froid de sa couleur, qui fait revivre la cour des Gonzague dans le décor de leur Caméra degli Sposi (1474).