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Deux autres cours, Urbino à l’est, Milan au nord, ont une importance majeure, lieux de naissance ou d’épanouissement de plusieurs protagonistes de la Haute Renaissance.

Urbino* devient un centre d’art raffiné sous Federico da Montefeltro, mo-dèle du prince humain et humaniste tel

que le célèbre, le fameux Cortegiano de Baldassare Castiglione. Son château, transformé par l’architecte dalmate Luciano Laurana, devient un des plus nobles palais de la Renaissance ; il fait appel à Piero della Francesca comme portraitiste ; et son studiolo, avec un admirable ensemble de tarsia (décor de marqueterie à effets de perspective géométrique) évoquant les instruments du savoir, avec les portraits peints de sages et de poètes de tous les temps, est un des hauts lieux du quattrocento : c’est dans ce milieu que naîtront et se formeront Bramante et Raphaël.

Cependant, Milan* devient sous

les Sforza*, un lieu d’accueil privilégié pour des artistes humanistes et savants : les Florentins Filarete, architecte et théoricien hardi avec son grandiose Ospedale Maggiore cruciforme, et Léonard* de Vinci, qui y peint sa fameuse Cène ; l’Urbinate Bramante*, qui prélude avec la coupole de Santa Maria delle Grazie à ses grandes créations romaines. Mais le goût lombard révèle une note distincte : Milan poursuit l’oeuvre gothique de sa cathé-

drale, et l’architecte Giovanni Antonio Amadeo apporte dans ses créations (chartreuse de Pavie, chapelle Colleoni à Bergame) un jaillissement d’invention ornementale, une surcharge tumultueuse bien éloignés de la pureté florentine et qui, par cela même, feront la conquête des néophytes étrangers.

Le cas de la grande république maritime et marchande, Venise*, est à certains égards comparable. Longtemps à part, marquée par ses contacts avec le monde byzantin, elle devient au XVe s.

une puissance italienne par la conquête de la « terre ferme », avec Padoue, l’antique cité universitaire, et le Frioul : d’où des contacts multipliés, tant avec l’Allemagne gothique qu’avec le reste de l’Italie ; d’où l’appel à des peintres

« avancés » comme Andrea del Castagno ou Mantegna, à Verrochio pour la statue de Colleoni. Mais Venise garde sa personnalité propre, gothique et orientale, pacifique, somptueuse et raffinée, avec le déploiement le long des canaux de ces palais dont les loggias et les multiples fenêtres à colonnettes s’opposent aux façades rébarbatives des palais florentins. De même dans la

peinture, qui se dégage tardivement du byzantinisme, mettant les recherches florentines de perspective au service d’un goût narratif et paysagiste : des maîtres comme Gentile Bellini* et Car-paccio* sont essentiellement des chroniqueurs de la vie vénitienne, de processions et de cortèges dans un féerique décor d’architecture et d’eau. C’est seulement à l’extrême fin du siècle que Giovanni Bellini*, dans ses grands retables (Vierges trônant entourées de saints), dans le puissant raccourci de son Christ mort, dans quelques allégories profanes, atteste une science de la composition et de la perspective jointe à la couleur chaude et à l’opulente séré-

nité qui vont devenir la marque propre de Venise.

La Haute Renaissance

Ce terme, cher aux historiens allemands pour désigner l’art italien dans le premier quart du XVIe s., est pris dans un sens « hiérarchique » et non chronologique. Il est parfaitement admissible pour désigner un « âge d’or », un bref moment d’équilibre, de plénitude heureuse, mais à condition de le concevoir downloadModeText.vue.download 646 sur 651

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 16

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comme la suite logique et le couronnement du quattrocento florentin.

La polyvalence de ses plus grands maîtres, Léonard* de Vinci, Raphaël*, avides d’explorer toutes les voies de la connaissance, persuadés de la haute dignité et de la liberté de l’artiste créateur ; leur familiarité avec le monde antique grâce aux progrès de l’archéologie et à la multiplicité des traductions ; leur universalisme, avec le souci de réconcilier paganisme et christianisme dans leurs expressions les plus hautes

— ce sont là les aspirations florentines qui se réalisent, même si Florence a perdu sa primauté.

Il n’est que juste de saluer Alberti comme une « première version » de Léonard. Celui-ci, quel que soit son apport incontestable comme peintre

— avec la magistrale aisance de com-

position et la subtilité psychologique que traduit la Cène, avec le charme de ses figures énigmatiques, volontiers androgynes, dans des paysages que la technique du « sfumato » baigne de mystère —, est beaucoup plus grand à nos yeux comme scrutateur de l’univers, dont les prodigieux dessins des Carnets illustrent la curiosité divi-natrice. Mais ce Florentin nomade et inquiet n’a jamais trouvé un espace à sa mesure, sauf pendant quelques années milanaises. Les grands réalisateurs sont ceux qui travaillent pour Jules II et Léon X, les rénovateurs de Saint-Pierre et du Vatican, tandis que Florence se relève lentement de la crise qui suit la mort de Laurent de Médicis et que se déchaîne en 1494 la prédication de Savonarole : le trouble des âmes s’y reflète avec une note parfois tragique chez Botticelli dans sa dernière Adoration des Mages et son illustration de Dante, chez Signorelli*, âpre précurseur de Michel-Ange, dans ses fresques d’Orvieto.

À Rome*, deux papes mécènes —

l’un tyrannique, l’autre charmeur —

donnent sa chance à la trilogie majeure dont les créations frappent d’emblée l’Europe et lui montrent à la fois les trois visages de la Renaissance, l’intellectuel, le dionysiaque, l’apollinien.

Parmi l’équipe de grands architectes

— Antonio da Sangallo* le Jeune, Pe-ruzzi* et même Raphaël — qui vont renouveler le visage de Rome, Bramante*

incarne la rigueur, la volonté de pureté à la fois antiquisante et mathématique qui s’exprime notamment par l’obsession des plans circulaires ou en croix grecque, du « tempietto » de San Pietro in Montorio à la coupole du nouveau Saint-Pierre. Son irascible adversaire, Michel-Ange*, fait éclater dès 1505 sa

« terribilità », son génie de sculpteur épris de formes colossales et tourmentées dans ses premières pensées pour le tombeau de Jules II — avant l’immense recréation de l’univers qu’est le plafond peint de la Sixtine (terminé en 1512) et la méditation plus stoïque que chrétienne sur la vie et la mort, l’action et la contemplation qu’est la chapelle funéraire des Médicis, commandée par Léon X à Florence. Mais c’est le génie heureux de Raphaël — le peintre des

madones, mais plus encore celui des stanze du Vatican (1508-1517) — qui aura la plus forte répercussion européenne (en partie à travers les gravures de Marcantonio Ramondi) par l’aisance souveraine de ses compositions, leur idéalisme serein, la synthèse rêvée entre le monde de l’École d’Athènes et celui de la Dispute du saint sacrement.

Et même si notre temps préfère les portraits, la volupté grave du Triomphe de Galatée ou les bucoliques des loggie, il ne conteste pas la suprématie d’un génie entre tous spontané et lumineux.

Un jaillissement, un bonheur de

création presque égal apparaît au même moment dans l’Italie du Nord, où la peinture s’épanouit, à Venise et à Parme, dans un climat différent, essentiellement « luministe » et coloriste.

L’apparition, fulgurante et brève, de Giorgione* marque Venise pour tout le siècle, avec l’opulence des formes nues baignant dans une lumière humide et dorée (le Concert champêtre), les paysages préalpestres ruisselant de verdure et d’eaux devant un horizon de montagnes bleues, avec un sentiment neuf du mystère de la nature et de la fugacité de l’instant (la Tempête).

Après sa mort prématurée, Titien*, son collaborateur, venu comme lui de la

« terre ferme », recueille l’héritage et, en peu d’années, conquiert la gloire.