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à cette époque, à la pointe du combat pour l’art nouveau. Tant s’en faut.

Son désir de sortir des chemins battus est plus apparent dans ses propos que dans ses peintures. Certes, son talent et son intuition lui ont permis d’éviter les poncifs académiques, mais il n’en reste pas moins attaché à certaines valeurs traditionnelles ; aussi se rend-il souvent au Louvre pour faire des copies des peintres français du XVIIIe s., qui ont sa préférence.

Gleyre ayant fermé son atelier en janvier 1864, Renoir passe un dernier examen à l’École des beaux-arts et n’y remet plus les pieds. Il se rend alors, sur l’initiative de Monet et en compagnie de Sisley et de Bazille, à Chailly-en-Bière, près de Fontainebleau, pour peindre d’après nature. Il y rencontre d’abord Narcisse Diaz de la Peña, puis Théodore Rousseau, Corot* et enfin Charles François Daubigny et Millet* (v. Barbizon [école de]). Au Salon de 1864, Renoir est accepté et figure au catalogue comme élève de Gleyre.

Par la suite, il n’aura pas toujours cette chance, alors même qu’il évitera d’envoyer ses toiles les plus audacieuses.

Si son art ne tourne pas encore le dos à la tradition, il laisse déjà apparaître cette grâce teintée de sensualité qui im-prégnera toute son oeuvre. Des accents modernes, surtout visibles dans ses portraits, se font sentir dès 1866, mais ils sont plus empruntés au réalisme de Courbet qu’à l’exaltation de la lumière des peintres du plein air (Diane chas-seresse, 1867, National Gallery of Art, Washington). Pour lui voir franchir le pas décisif, il faut attendre l’année 1869, lorsque, ayant rejoint Monet à Bougival, il exécute avec ce dernier plusieurs versions d’une guinguette, la Grenouillère (par exemple : collection Reinhart, Winterthur). Comme lui, il analyse alors le phénomène lumineux avec des yeux neufs, employant des procédés nouveaux, tels que la suppression des détails et la fragmentation de la touche.

Sans que les deux peintres s’en

rendent compte, leur manière d’interpréter la nature en abandonnant le contour donne le signal au grand mouvement qui va révolutionner la peinture : l’impressionnisme. Depuis

quelques années, Renoir vit dans la plus grande détresse matérielle, n’arrivant à subsister que par la gé-

nérosité de quelques amis et surtout de Bazille, qui jouit d’une certaine aisance. Au café Guerbois, où il retrouve Cézanne, il a fait la connaissance de Degas*, de Zola*, de Louis Edmond Duranty (1833-1880). Discret, il écoute plus qu’il ne participe aux discussions animées qui s’établissent entre ces fins causeurs. Après la guerre de 1870, qu’il fait dans les chasseurs à cheval, Renoir rencontre Paul Durand-Ruel (1831-1922), qui deviendra son marchand, ainsi que le critique Théodore Duret (1838-1927).

De cette époque date le tableau la Rose (musée du Louvre, salles du Jeu de paume), qui représente une jeune femme, la poitrine dénudée, tenant à la main une rose. On peut, pour la première fois, y voir l’image que Renoir donnera de la femme : corps épanoui, visage rond aux yeux légè-

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rement bridés et en amande, avec un rien d’innocence dans l’attitude. Il avouera : « Un sein, c’est rond, c’est chaud. Si Dieu n’avait créé la gorge de la femme, je ne sais si j’aurais été peintre. »

En 1874, il participe à la première exposition des impressionnistes, qui se tient boulevard des Capucines. Les toiles de Renoir sont, comme celles de ses amis, vivement critiquées, mais des amateurs se présentent

pourtant : un employé de ministère du nom de Victor Chocquet (1821-v. 1898), dont il fait le portrait, puis l’éditeur Georges Charpentier (1846-1905), qui lui achète un tableau et lui commande des portraits de famille (Mme Charpentier et ses enfants, exposé avec succès au Salon de 1879 ; Metropolitan Museum, New York).

Renoir, en plein élan, peint durant ces années ses meilleures toiles.

Elles exaltent la beauté du corps humain et l’harmonie de la nature, mettent l’accent sur le bonheur de

vivre : la Loge (1874, Tate Gallery, Londres), le Moulin de la Galette et la Balançoire (1876, musée du Jeu de paume). Des visages lui inspirent ces tableaux lumineux dans lesquels il fait affleurer le charme secret de la femme (la Liseuse, v. 1875-76, musée du Jeu de paume) ; il peint les Canotiers à Chatou (1879, National Gallery of Art, Washington), reflet chatoyant des loisirs de plein air sur la Seine.

Mais bientôt Renoir met, pour un

temps, fin à sa période impressionniste, estimant ne pouvoir aller plus loin dans cette voie. Ce retour à la tradition classique s’accomplit au cours d’un voyage en Italie (1881-82) où, après Venise, il découvre à Rome les fresques de Raphaël, à Naples la peinture pompéienne. Estimant qu’il ne sait « ni peindre ni dessiner », il s’attache désormais à la qualité du dessin, à figurer les détails, à rendre plus précis le contour des formes, plus nets les volumes. Une bonne

part de ce qui faisait le charme de sa peinture est en même temps

abandonné. Ses tons deviennent sé-

vères et sa lumière froide, la féerie n’anime plus son art. Cette période, que l’on a appelée ingresque, est marquée par des oeuvres dont on dit volontiers qu’elles sont « solides », sans plus : les Parapluies (1881-1886, National Gallery, Londres), la Danse à Bougival (1883, Museum

of Fine Arts, Boston). Après avoir participé à la septième manifestation des impressionnistes en 1882, il fait, l’année suivante, une exposition chez Durand-Ruel. Parfois, il s’évade de Paris pour peindre à Guernesey, ou à l’Estaque en compagnie de Cézanne.

Il n’a plus de soucis d’argent grâce à Durand-Ruel, qui s’acharne à propager ses oeuvres, ainsi que celles des autres impressionnistes, en organisant des expositions à Paris, Londres, Bruxelles, Vienne et New York.

Mais, son tempérament le portant

plus vers le dionysiaque que l’apolli-nien, Renoir se lasse des contraintes picturales qu’il s’est volontairement imposées et, après ces années de discipline, il retourne vers 1889 à ses

anciennes amours. Alors naissent, dans l’éclat retrouvé, des toiles vivantes où sont rendues toutes les subtiles dispersions de la lumière. Les rayons s’accrochent aux formes, accentuent la plénitude et la fraîcheur des chairs, brouillent certaines structures en les chargeant d’un pouvoir de suggestion presque magique (la Dormeuse, 1897, coll. priv.).

À partir de 1898, l’artiste est atteint d’un rhumatisme articulaire qui le fait terriblement souffrir et le gêne dans son travail. Aussi décide-t-il de se retirer dans le Midi, à Cagnes, où il achète une maison (les Colettes). Le Salon d’automne de 1904 lui consacre une importante rétrospective. À partir de 1912, son état de santé empire, il ne peint qu’avec de grandes difficultés. Sa main ne pouvant plus se saisir des pinceaux, il doit avoir recours à des membres de son entourage pour les lui fixer aux doigts. Pourtant, sa production demeure abondante. Son art saisit toujours, avec le même élan communicatif, les moments les plus chaleureux de la vie, semblant même gagner en intensité colorée, car downloadModeText.vue.download 12 sur 621

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des rouges somptueux qu’on ne lui connaissait pas font leur apparition.

Renoir prend alors pour modèles les membres de sa famille : sa femme, ses enfants, Pierre, Jean et Claude, dit Coco, et aussi Gabrielle Renard, la gouvernante, qu’il immortalise en des poses diverses : Gabrielle à la rose (1911, musée du Jeu de paume), Femme nue couchée (collection Jean Walter-Paul Guillaume, 1906 ou

1908).

Vers la fin de sa vie, Renoir s’est de plus adonné à la sculpture, créant de belles pièces avec l’aide d’un jeune élève de Maillol, Richard Guino (1890-1973). Seuls un médaillon et un buste de son fils « Coco » (1907