nera l’hostilité à sa sortie en France.
Second film de propagande, Salut à la France (Salute to France, 1944), lui, ne provoque aucune réaction
lorsqu’on le projette à Paris. Aucun commentaire, nulle allusion. Le silence. Il est cependant bien accueilli en Amérique. En 1945, Renoir tourne l’Homme du Sud (The Southerner).
C’est le film de la liberté retrouvée : le cinéaste le réalise exactement comme il l’entend, dans la bonne humeur et la simplicité de ses films français d’avant guerre. Pour la première
fois apparaît chez le cinéaste l’idée de Dieu. La mise en scène est hiératique d’une austérité « protestante ».
Abandonnant les planteurs de coton qui lui ont d’ailleurs valu le prix du meilleur film à la Biennale de Venise 1946, Renoir évoque ensuite les gens de maisons chers à Octave Mirbeau dans le Journal d’une femme de
chambre (Diary of a Chambermaid,
1946). C’est une tragédie burlesque, à la fois drôle et atroce, entièrement réalisée en studios, ce qui lui donne un caractère théâtral ridiculisant à merveille les bourgeois, dont l’auteur du roman se moquait à longueur de page.
Dernier film américain de Renoir, la Femme sur la plage (The Woman on
the Beach, 1946) ressemble à un film noir de Fritz Lang, avec en plus cette chaleur humaine, ce feu qui couve sous les cendres de l’apparence qui sont typiques des films de Renoir, lorsqu’il se sent libre de les tourner selon son coeur.
La pureté, la simplicité, la netteté intransigeante qu’a acquises le réalisateur, on les retrouve dans les couleurs mordorées de l’Inde quand il ramène de ce pays le Fleuve (The River, 1950).
Naissance et mort s’y rencontrent en un ballet de symboles métaphysiques et de métaphores limpides qui nous révèlent, chatoyante et déchirée, l’Inde sans folklore.
Le folklore, que Renoir déteste, a été évoqué à la sortie du Carrosse d’or (1952, d’après P. Mérimée). C’est refuser d’en voir la gravité profonde. Le film est un nouvel échec, qui permet à Renoir de mettre en scène au théâtre d’Arles le Jules César de Shakespeare (1954), avant de faire sa rentrée dans les studios français avec French Can-can (1955), qui sera son dernier succès. En effet, ni Orvet, la pièce qu’il écrit et monte en 1955, ni Éléna et les hommes (1956), ni le Testament du docteur Cordelier (1959, son unique essai de fantastique) ne lui ramènent la faveur du publie. Le Déjeuner sur l’herbe (1959) et le Caporal épinglé
(1962) sont mieux accueillis. Sept ans plus tard, Jean Renoir donne en quelque sorte son testament filmé dans une bande à sketches réalisée pour la télévision : le Petit Théâtre de Jean Renoir (1969) est à la fois une mise en scène et, sur scène, une mise en jeu du cinéaste, qui présente lui-même les sketches pour mieux y réfléchir.
Juvénile comme une première
oeuvre, ce film en couleurs splendides, insolent et serein comme tout film de Renoir, célèbre les noces du spectacle et de la vie. Y a-t-il un style Renoir ? Il y en a un : on ne le voit pas parce qu’il est en avance et se cache pudiquement derrière sa modeste perfection. Comme chez Stendhal.
M. G.
A. J. Cauliez, Jean Renoir (Éd. universitaires, 1962). / P. Leprohon, Jean Renoir (Seghers, 1967). / A. Bazin, Jean Renoir (Champ libre, 1971). / J. Renoir, Ma Vie et mes films (Flammarion, 1974) ; Écrits, 1926-1971 (Bel-fond, 1974). / C. Beylie, Jean Renoir (Cinéma d’aujourd’hui, 1975).
Renonculacées
F RANALES.
renseignement
(aviation de)
Partie de l’aviation militaire ayant pour mission de recueillir des informations concernant un adversaire de façon à en surveiller les activités, à éclairer les forces amies et à les guider dans leur action propre.
Selon l’étendue de la zone d’action des avions utilisés pour ce recueil du renseignement, on parlera d’observation pour les distances courtes ou de reconnaissance tactique ou stratégique pour les plus longues. Les avions destinés au renseignement ont beaucoup évolué, à la mesure des progrès de l’aéronautique. Il en va de même des moyens utilisés pour le recueil de l’information : limités, à l’origine, à la seule vue du pilote, ils ont vite bénéficié de la photographie aérienne, d’abord de jour, puis de nuit ; enfin, la nature des informations recherchées s’est diversifiée, surtout depuis 1945,
ce qui a provoqué l’apparition de nouvelles techniques.
1914-1918, naissance de
l’aviation d’observation
L’invention des ballons a permis dès 1794 d’utiliser cet observatoire élevé à des fins militaires ; des détachements d’aérostiers ont fait partie des divisions en campagne jusqu’en 1918. Il était naturel que les militaires aient vu dans les succès sportifs de l’aviation des années 1908 et 1909 la possibilité de son adaptation à des tâches d’observation ; c’est pour cette fonction que l’avion a, pour la première fois, été introduit dans les armées en 1910 à l’occasion des manoeuvres de Picardie.
La Première Guerre mondiale allait montrer ses avantages sur le ballon captif. L’avion permettait en effet le survol des positions et même des arri-
ères de l’ennemi, et c’est pour tenter d’empêcher ce dernier d’utiliser ses avions d’observation que l’aviation de chasse a été créée.
L’essentiel de l’histoire aérienne de cette guerre se ramène à la recherche désespérée par les deux adversaires d’une supériorité locale aveuglant l’observation ennemie et procurant à l’artillerie amie une efficacité incomparable, grâce à l’excellence du réglage des tirs par les avions. Étant donné le caractère statique de cette guerre de tranchées, c’est surtout l’observation
— à vue et photographique — qui a été déployée. La reconnaissance plus lointaine est restée secondaire, sauf à la fin du conflit, où les Alliés, en raison de leur supériorité, ont pu rendre sa valeur au mouvement.
Conflits de doctrines
après 1918
Après 1918, les opinions s’affrontent entre deux points de vue : d’un côté, les représentants des forces terrestres, ne voyant dans l’aviation qu’un auxiliaire du combat au sol, préconisent l’effort sur l’aviation d’observation et la chasse de protection, ces moyens étant affectés organiquement aux
grandes unités terrestres ; de l’autre, les aviateurs, sans nier l’intérêt de cette aviation de coopération, demandent que l’on fasse la part la plus belle à
l’aviation offensive de bombardement.
Tout l’entre-deux-guerres est l’occasion de discussions à ce sujet dans tous les pays. En France, où l’aéronautique dépend du ministre de la Guerre, l’aviation de coopération a la priorité jusqu’en 1934, date de création d’une armée de l’air indépendante dont une des premières décisions sera de modifier la doctrine : en 1936, 41 p. 100
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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des appareils militaires français sont du type « observation » (Potez « 25 »
et « 29 », Breguet « 27 »), il n’existe aucun avion de reconnaissance à
grand rayon d’action et on ne compte que 25 p. 100 d’avions de bombardement ; les 34 p. 100 restants sont des monoplaces de chasse légers. De nouveaux programmes lancés en 1933 et 1936 nous donneront des avions plus modernes : les Mureaux « 117 » pour l’observation, Potez « 63-11 » et Bloch
« 175 » pour la reconnaissance ; mais en 1939 leur nombre n’aura pas encore dépassé quelques dizaines.
1939-1945, le plein
essor de l’avion de
reconnaissance
La Seconde Guerre mondiale est avant tout une guerre de mouvement, et les quelques ballons d’observation « modernes », encore conservés par certains pays, disparaissent définitivement dans la tourmente de la Blitzkrieg. La Wehrmacht en enseignera la tactique à ses adversaires, qui l’adopteront à leur tour : les troupes au sol sont éclairées par une aviation d’accompagnement nombreuse constituée de nombreux