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Écrivains et

journalistes

La fonction d’écrivain littéraire est très antérieure à la fonction de journaliste, encore que ce dernier puisse reconnaître certains types de chroniqueurs comme ses ancêtres. L’apparition du journal est étroitement liée à celle de l’imprimerie. Ce ne sont pas des considérations littéraires qui ont conduit à donner à certaines publications, dès le XVIe s., une périodicité plus ou moins régulière, mais d’abord des considérations commerciales. Les Messrelationen allemandes, les currents, ou courants, des grandes villes commerçantes de la mer du Nord, de l’Atlantique ou de la Méditerranée, la Gazzetta vénitienne étaient pour les négociants ou armateurs avant tout des instruments de travail. C’est également ainsi que, plus tard, les gouvernements ont considéré ce moyen de communication de masse naissant. Quand elle paraît pour la première fois en 1631, la Gazette de Théophraste Renaudot fait partie du système politique de Richelieu.

Toutefois, la Gazette de Renaudot systématise la division rédactionnelle entre l’information proprement dite et le commentaire, qui prend la forme d’un essai où le rédacteur engage non seulement sa responsabilité idéologique, mais sa forme d’expression. Dès ce moment, le journal s’ouvre sinon downloadModeText.vue.download 20 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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directement à la littérature, du moins à une écriture qui peut éventuellement devenir littéraire.

Dès 1665, en France, Denys de Sallo fonde le Journal des savants, qui traite de l’actualité littéraire et scientifique et est à la vie culturelle ce que les journaux antérieurs étaient à la vie commerciale ou politique. À partir de 1672, le Mercure galant de Jean Donneau de Visé est une véritable publication litté-

raire périodique qui tend moins à donner des informations qu’à publier des échantillons de la production littéraire contemporaine.

Mais c’est surtout en Grande-Bre-

tagne que les luttes politiques du XVIIe s. ont entraîné les écrivains engagés vers le journalisme. John Milton, par exemple, fut en 1651 le rédacteur en chef du Mercurius politicus. Daniel Defoe*, l’auteur de Robinson Crusoé, fut en 1704 le fondateur et le rédacteur principal de The Review, un des premiers journaux à paraître trois fois par semaine. Mais l’exemple sans doute le plus éclatant de la liaison entre la litté-

rature et le journalisme est The Spectator de Joseph Addison* et de Richard Steele qui parut de mars 1711 à dé-

cembre 1712, puis de juin à septembre 1714. Les chroniques du Spectator, non signées (on n’a identifié que plus tard ce qui était de Steele et ce qui était d’Addison), constituent une oeuvre littéraire qui a une place éminente dans la littérature anglaise et dont l’influence s’est étendue non seulement sur les romanciers anglais, mais sur beaucoup d’écrivains européens du XVIIIe s.

Par la suite, il n’est guère de grand écrivain anglais qui n’ait eu une expé-

rience journalistique. Charles Dickens*

fut d’abord sténographe de presse et chroniqueur parlementaire. Son premier ouvrage, Sketches by Boz, paru en 1836, est un recueil de chroniques. Il fut longtemps un collaborateur régulier de la Morning Chronicle.

Tout au long du XIXe s., le roman-feuilleton, souvent écrit au jour le jour, constitua une forme littéraire où se rencontrent les genres les plus variés et qui constitue un lien privilégié entre la littérature et le journalisme.

C’est la transformation du journal en un moyen de communication de niasse qui, à partir des dernières décennies du XIXe s. jusqu’au milieu du XXe s., a écarté le souci littéraire au profit du souci informationnel. Cette transformation est due au fait que la société industrielle, qui a besoin de communications de masse rapides et efficaces, ne disposait alors que du moyen imprimé. Aidé depuis la guerre de Crimée par le télé-

graphe, le journal devient avant tout un agent de présence immédiate du lecteur sur le lieu de l’événement. Le rédacteur écrivant à loisir est éclipsé par la figure pittoresque du reporter qui, au milieu d’aventures multiples dont on trouve la peinture dans le Michel Strogoff (1876) de Jules Verne*, ne songe qu’à faire passer son information le plus vite possible à son journal.

C’est alors que se produit un certain divorce entre l’écrivain et le journaliste, qui n’a pas une excellente presse auprès des intellectuels et qu’on accuse d’incompétence, de rédaction hâtive, de charabia. Mais la séparation n’a jamais été complète. Il y a toujours eu une presse dite « de qualité » qui a fait place à la rédaction de type litté-

raire. Jusqu’à l’apparition des moyens audio-visuels de communication de masse, radio et surtout télévision, cette presse est restée le privilège d’un petit nombre.

En quelques années, les moyens

audio-visuels ont, après la Seconde Guerre mondiale, relevé le journal et singulièrement le journal quotidien, de la plupart de ses servitudes informationnelles, permettant ainsi un nouveau rapprochement entre le journalisme et la littérature. Mais le mouvement n’est encore qu’amorcé et, de toute façon, le « remariage » ne pourra pas rétablir la situation antérieure. Libéré de l’obligation de la présence immédiate, rôle que les moyens audio-visuels remplissent bien plus efficacement que lui, le journal, quotidien, hebdomadaire ou mensuel, doit devenir un organe de commentaire, d’explication et d’approfondissement, mais il ne pourra le faire qu’en fonction d’une actualité toujours plus évolutive et toujours plus contraignante. Il est probable qu’un type intermédiaire d’écriture possédant la

rapidité de réflexe informationnel du journalisme et la discursivité expressive de la littérature devra se définir et s’affirmer. Cela suppose qu’un nouveau type de journaliste-écrivain apparaisse. En fait, il en existe déjà des exemples dans certains quotidiens et dans la presse hebdomadaire, mais le modèle et le profil de ce nouveau mé-

tier de l’écriture est encore trop mal dé-

fini — en France tout au moins — pour qu’on puisse énumérer et systématiser ses caractéristiques.

Les genres

journalistiques

Le journal peut être le support d’un certain nombre de genres littéraires reconnus. Nous avons fait allusion en particulier au roman-feuilleton, qui, au XIXe s., était souvent spécialement conçu pour le journal. Ce genre de publication est de plus en plus rare de nos jours et, quand un journal publie un feuilleton, il se contente en géné-

ral de débiter en tranches une oeuvre qui a paru ou qui pourrait paraître sous forme de livre. Mieux adaptée aux dimensions du journal, la nouvelle trouve en général son premier débouché (en France souvent le seul) dans un périodique ou, plus rarement, un quotidien avant de paraître en volume. Le conte bref est aussi un genre qui convient à la presse quotidienne, à laquelle il emprunte sa densité et son style percutant.

Bien que la chose soit pratiquement inexistante en France, il y a beaucoup de pays où les journaux, même quotidiens, publient de la poésie. Mais le genre journalistique par excellence est l’essai.

Le modèle de l’essai journalistique se trouve dans la série de Propos qu’Alain* commença à écrire en 1906

dans la Dépêche de Rouen, puis plus tard dans la Nouvelle Revue française.

Plus souvent, l’essai peut prendre la forme d’une chronique spécialisée de critique littéraire, de critique théâtrale, de critique de télévision, d’actualité scientifique, historique, philosophique, politique, diplomatique. C’est alors en général un « feuilleton » publié en

« rez-de-chaussée », c’est-à-dire en bas d’une page sur toute la largeur.