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Il existe aussi des chroniques d’un ton plus personnel où l’auteur suit à sa façon l’actualité. Ce fut le cas du Journal de François Mauriac*

dans l’Express, puis dans le Figaro.

Encore allégées, ces chroniques, qui rejoignent alors la grande tradition des « nouvelles à la main », traitent de sujets aussi différents que la vie mondaine ou les grands problèmes

sociaux ou politiques sur le mode parfois moralisant, parfois ironique, parfois polémique, parfois humoristique.

Les Hors-d’oeuvre de Georges de La Fouchardière dans l’OEuvre entre les deux guerres en sont un exemple. Ces

« petits pâtés », ainsi que disait Voltaire, qui en écrivit beaucoup, peuvent être satiriques, comme naguère sous la plume de Morvan Lebesque dans

le Canard enchaîné, soit plus acadé-

miques, mais toujours incisifs, comme dans le Figaro sous la plume de diffé-

rents auteurs chevronnés. En général, les quotidiens préfèrent la formule, plus maniable pour le secrétaire de ré-

daction, mais infiniment plus difficile à manier pour le rédacteur, du court billet d’une vingtaine de lignes. C’est le cas notamment de l’Au jour le jour du Monde ou du Cavalier seul du Figaro. On est ici à la limite extrême où il est impossible de séparer vraiment l’écrivain du journaliste, ce qui fait de ce genre un des plus difficiles de la littérature et un des plus dangereux du journalisme.

Signalons que dans certains pays, notamment aux États-Unis, existe une variété particulière de la chronique qui est la column, où le columnist se conduit en véritable rédacteur en chef autonome à l’intérieur de l’espace qui lui est alloué, pouvant jouer aussi bien sur le clavier de l’article de fond que sur celui de l’écho ou du « potin ».

D’après son origine anglaise, l’éditorial est placé sous la responsabilité du rédacteur en chef (editor) et engage le journal tout entier. Normalement, il est l’objet d’une élaboration collective et n’est pas signé, comme le Bulletin de l’étranger du Monde ; mais l’usage s’est établi de confier la rédaction de ces éditoriaux à des éditorialistes qui écrivent au nom du journal tout en

conservant leur autonomie d’expression. Certains de ces éditorialistes sont d’authentiques écrivains qui éclairent d’un jour propre l’histoire de leur temps. Par exemple, les articles signés Sirius (pseudonyme d’Hubert Beuve-Méry) dans le Monde pourraient, réunis en volumes, constituer un ouvrage de science politique à l’écriture incontestablement littéraire.

Événement et

écriture

Restent à mentionner les genres proprement journalistiques où domine le souci de l’information événementielle.

En apparence, les faits divers ne re-lèvent pas de la littérature. Il y a pourtant de nombreux liens entre elle et eux. Souvent, un fait divers a fourni le point de départ d’un roman, comme ce fut le cas pour la Thérèse Desqueyroux de François Mauriac. D’autre part, le fait divers est parfois traité (surtout dans la presse anglo-saxonne) comme un véritable récit qui donne le cadre, l’atmosphère et campe les personnages. R. Kipling a puisé là une bonne part de sa technique narrative. Pour lui, la règle d’or du romancier est une consigne de journaliste : « The story before the point » (l’histoire avant la morale, ou le problème, ou la signification). C’est d’ailleurs parce que son souci idéologique récuse la narration pour elle-même que la presse des pays downloadModeText.vue.download 21 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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socialistes minimise l’importance du fait divers ou le bannit complètement.

Au-delà du fait divers, le reportage offre des possibilités de manoeuvre au rédacteur, qui lui donnent plus aisément un caractère littéraire. Il s’agit non plus de rapporter l’événement, mais de le faire revivre à travers l’expérience d’un témoin, donc de le recréer par le langage. Entre la création et la recréation il n’y a que la diffé-

rence de la présence réelle du témoin, et elle s’estompe assez facilement. Une oeuvre romanesque comme le Journal de l’année de la peste (1722) de Daniel

Defoe est écrite selon une technique purement journalistique et a longtemps passé pour un « reportage » authentique. Inversement, l’Espoir (1937) d’André Malraux*, qui n’est autre chose qu’un reportage sur les premiers mois de la guerre d’Espagne, publié d’ailleurs comme tel par un quotidien en 1936, constitue un de ses meilleurs romans.

La littérature à base de reportage connaît d’ailleurs de nos jours, parallèlement à l’histoire romancée ou anecdotique, une faveur du public supérieure à celle du roman traditionnel. Dans un monde surinformé, cela traduit chez le lecteur un goût croissant pour le fait réel. Il existe également un néo-exotisme qui, par-delà les images de la télévision ou les bruits de fond de la radio, demande la réaction individuelle d’un voyageur bien informé qui, armé d’une connaissance profonde du pays où il voyage, peut en révéler non seulement les aspects pittoresques, mais les dessous humains, sociaux, politiques, économiques ou simplement psychologiques. Quand Lucien Bo-dard, par exemple, écrit sur la Chine, il fait à la fois oeuvre de journaliste et oeuvre d’écrivain.

L’interview est un cas particulier du reportage. Cela peut être l’énuméré contrôlé des réponses à des questions préfabriquées, mais cela peut être aussi la rencontre dramatique de deux personnalités, chacune consciente de ce qu’elle représente : par exemple d’un côté la défense d’une politique garantissant la survie d’une collectivité, de l’autre l’inquiétude, l’angoisse ou simplement la curiosité de tout un monde.

Il dépend alors de la qualité littéraire du journaliste de « faire passer » l’intensité dramatique de l’entrevue et de ses circonstances. L’Américain Edgar Snow, par exemple, sans être à proprement parler journaliste puisqu’il a publié surtout des livres, a fait revivre la naissance de la Chine populaire par des interviews de Mao Zedong (Mao Tsö-tong) et des principaux chefs communistes, qui sont à la fois des chefs-d’oeuvre du journalisme et de la littérature.

En fait, le seul critère décisif pour

savoir si ce qui est imprimé dans un journal peut entrer dans ce domaine mal défini et toujours mouvant qu’on appelle la littérature est de se demander si le texte qui, au jour le jour, a joué son rôle informationnel, est susceptible avec quelque chance de succès d’être imprimé sous forme de livre. La réponse n’est pas évidente. Cela peut être une question de dimension : un recueil de billets n’a jamais eu de succès, alors que certains recueils de chroniques, comme les Propos d’Alain, ont eu une immense influence. Cela peut être une question de profondeur de l’expérience : les recueils que les plus brillants interviewers ont publiés pour faire connaître les nombreuses personnalités qu’ils ont rencontrées quelques minutes ou quelques heures sont le plus souvent médiocres, alors que les livres d’Edgar Snow sont des réussites auxquelles tout le monde se réfère. On pourrait encore citer bien d’autres facteurs. L’hypothèse la plus vraisemblable est que le texte journalistique ne peut valablement accéder à la forme du livre que s’il dispose d’une dimension matérielle, intellectuelle ou affective suffisante pour permettre au lecteur d’y projeter ses propres concepts, ses propres expériences et donc d’en faire contradictoirement une lecture littéraire.

R. E.

F Presse (la).

V. Morin, l’Écriture de presse (Mouton, 1969). / O. Burgelin, la Communication de masse (Denoël, 1970). / P. Albert, la Presse (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1973). / M. Paillet, le Journalisme (Denoël, 1974).

reproduction

Processus assurant l’apparition d’élé-

ments et d’organismes nouveaux identiques aux éléments et organismes parentaux.

Introduction