Deux facteurs interviennent dans
la scissiparité paratomique des Polychètes. Elle ne se produit que lorsque l’animal possède un certain nombre minimal de segments : au moins une soixantaine pour Autolytus pictus, de vingt-six à trente pour Autolytus iner-mis ; la longueur, conséquence de la croissance, exerce donc une action. En outre, un facteur endocrinien inhibiteur de la scissiparité se trouverait dans la région proventriculaire, mais son action s’affaiblit au cours de la croissance somatique.
Origine des cellules
blastogénétiques
Les animaux blastogénétiques possè-
dent une zone somatique localisée, la zone blastogénétique, où la croissance demeure continue. Dans cette zone, les éléments somatiques jouissent d’un
« isolement physiologique » (expression de C. M. Child) et souvent d’un isolement morphologique. Les cellules blastogénétiques peuvent provenir de l’un des trois feuillets de l’animal souche : mésenchyme, endoderme,
ectoderme ; les divers tissus sont aptes à les former. Ces cellules ont déjà participé aux structures et aux fonctions somatiques de l’animal, mais, dans la zone blastogénétique, elles acquièrent de nouvelles compétences. Elles se dédifférencient et reviennent à l’état embryonnaire (v. dédifférenciation et histolyse). Cette dédifférenciation est partielle ou superficielle lorsque ces cellules reprennent rapidement leur activité histologique première.
Mais elle peut être profonde et totale, les cellules blastogénétiques formant alors des tissus et des organes fort différents de ceux dont elles proviennent. Cette nouvelle orientation nécessite des modifications de taille et des changements biochimiques ; il y a
« transdétermination ».
Dès que les somatocytes, quelle que soit leur origine, commencent une blastogenèse, leur aspect rappelle celui des cellules germinales primaires lorsque débute la gamétogenèse. Parfois, cellules gamétiques et cellules blastogé-
nétiques sont même identiques. Les cellules blastogénétiques trouvent dans la zone particulière de blastogenèse un ensemble de facteurs phy-
siologiques permettant à ces cellules, somatocytaires, de se dédifférencier et d’acquérir un pouvoir ontogénétique, tout comme la gonade, elle-même
somatique, constitue un milieu où les gonocytes peuvent effectuer leur ga-métogenèse. L’édification du blastozoïde correspond à une régénération naturelle ; cependant, l’ontogenèse est parfois totale, au même titre que celle d’un embryon ; ainsi, dans les gemmules d’Épongés, des archaeocytes provenant du mésenchyme édifient
totalement une nouvelle Éponge, y compris les cellules germinales et les archaeocytes qui feront les gemmules de la prochaine génération. Le plus souvent, dans l’organogenèse blastogénétique, des ébauches différentes collaborent. L’autorégulation de la ré-
génération révèle l’importance des mé-
canismes capables d’orienter l’activité génétique et de coordonner toutes les informations, afin que le programme se réalise et que naisse un organisme spé-
cifique et viable. Il faut noter que des ontogenèses diverses, soit par les origines (oeuf, bourgeon, régénérat), soit par les mécanismes organogénétiques, aboutissent à la réalisation d’organismes identiques à l’individu souche.
Lors de l’édification du blastozoïde, les activités des cellules blastogénétiques s’associent à celles des tissus anciens, qui sont déjà dans le bourgeon et qui subissent des changements plus ou moins importants : c’est la morphal-laxie (terme de T. H. Morgan).
Rapports entre
la gamétogenèse et
la blastogenèse
Les deux types de reproduction correspondent à deux états physiologiques différents ; la reproduction sexuée voit se succéder gamétogenèse, fé-
condation, oeuf (ou zygote), individu (oozoïde), alors que la reproduction asexuée requiert une blastogenèse avec formation de cellules capables de former seules un nouvel individu, le blastozoïde.
Ces deux états physiologiques
peuvent coexister soit en deux régions différentes du même organisme soit, plus rarement, dans la même région.
Chez les Bryozoaires phylactolémates,
les spermatogonies se forment aux dépens des cellules mésoblastiques du funicule, qui est aussi le siège de l’édification des statoblastes.
Mais les deux modes de reproduc-
tion, sexuée et asexuée, peuvent aussi s’exclure. On constate alors une alternance de générations sexuée et asexuée.
Le cycle des Sporozoaires coccidiformes comprend une schizogonie, qui correspond à la propagation infectieuse dans l’hôte parasite, et une gamogo-nie, qui prépare la dissémination des spores d’un hôte à un autre. Chez les Métazoaires, lorsqu’il y a alternance, l’oozoïde et les blastozoïdes sont différents. Les Polychètes Syllidiens en donnent un excellent exemple. Les blastozoïdes sexués, dotés de caractères particuliers, sont seuls capables de reproduction sexuée ; la reproduction asexuée produit, à partir d’un seul oozoïde asexué, un grand nombre de blastozoïdes sexués ; les Tuniciers pré-
sentent des faits analogues. La masse germinale logée dans l’oozoïde ne se développe pas, les conditions internes étant défavorables ; elle passera, en se partageant, dans les divers blastozoïdes et se différenciera en ovaires et en testicules lorsque les conditions physiologiques seront satisfaisantes.
Entre l’oozoïde blastogénétique et les blastozoïdes sexués s’intercalent des blastozoïdes assumant des fonctions précises (gastérozoïdes, phorozoïdes et gonozoïdes). La reproduction asexuée exerce dans ce cas une action analogue à une polyembryonie retardée ; elle intensifie la reproduction sexuée. D’un oeuf unique ou d’un oozoïde se développent, par bourgeonnement, un grand nombre d’individus sexués.
Dans de nombreux blastozoïdes
sexués (chez les Tuniciers, les Bryozoaires, les Annélides), le germen s’édifie de novo à partir de cellules somatiques ; une Planaire dépourvue de gonades peut subir une scissiparité ; les blastozoïdes qui se forment auront, quand même, des gonades, réalisées de novo. Il n’existe donc pas de barrière infranchissable entre le germen et le soma.
Certes, la régénération des gonades est impossible chez les Arthropodes
et les Vertébrés, mais l’ablation d’un membre n’entraîne pas davantage de régénération dans ces groupes, où le pouvoir de régénération est très faible.
Lorsque la faculté de régénération est grande, le germen régénère comme les autres tissus.
En somme, chez tout animal, deux
états physiologiques existent, l’un ga-métique, l’autre blastogénétique. Selon le degré d’organisation, deux solutions se présentent ; chez certaines espèces, les deux états, gamétique et blastogé-
nétique, se manifestent dans un même animal soit simultanément, soit successivement ; chez les autres, seul l’état gamétique se manifeste.
Passage de la
blastogenèse à la
parthénogenèse
Les Volvox, Phytoflagellés formant des colonies abondantes dans les ruisseaux et les étangs, possèdent une reproduction agame primordiale, réalisée par des spores, et une reproduction sexuée, assurée par des gamétocytes (ovocytes activés par la copulation avec un mi-crogamète). Spores et ovocytes fécondés édifient, à la suite de nombreuses divisions, de nouvelles colonies ; ils possèdent donc une action ontogéné-
tique. La spore blastogénétique est haploïde ; elle n’a été l’objet ni de maturation, ni de sexualisation, ni de fécondation. La blastogenèse du Volvox correspond physiologiquement à une parthénogenèse*.
La gamétogenèse et la fécondation ne sont donc pas toujours indispensables à l’ontogenèse, du fait que le downloadModeText.vue.download 24 sur 621