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puis juin, cèdent à la pression conservatrice. On ferme les derniers clubs. La Chambre rejette systématiquement les demandes de créations d’associations coopératives. La police disperse brutalement en novembre une assemblée générale d’ouvriers, qui projetait d’organiser une Fédération des associations de travailleurs.

À l’occasion de remaniements mi-

nistériels, Hippolyte Carnot* et Michel Goudchaux (1797-1862) sont éliminés, et des orléanistes font leur entrée au gouvernement. Huit mois après la révolution ! La nécessité d’établir des institutions stables inspire évidemment la majorité des Constituants. Mais l’affaire est complexe. Les notables veulent maintenir les prérogatives parlementaires qui assurent harmonieusement la représentation des intérêts.

La peur sociale leur fait souhaiter un exécutif fort, dont ils craignent dans le même temps qu’il serve une ambition trop connue. Les principales dispositions de la Constitution votée le 4 novembre soulignent ses contradictions.

Les libertés fondamentales sont solennellement confirmées, mais le droit au travail est éliminé du préambule. Une seule Chambre élue pour 3 ans au suffrage universel a la totalité des pouvoirs législatifs, ces derniers étant soigneusement séparés de l’exécutif, confié pour 4 ans à un président élu aussi au suffrage universel. On a pris quelques précautions. Le chef de l’État ne peut dissoudre la Chambre, n’est pas immé-

diatement rééligible et, s’il n’obtient pas la majorité absolue aux élections, est alors désigné par l’Assemblée. Pour une éventuelle révision de la Constitution, il faut réunir les trois quarts des suffrages parlementaires.

La campagne électorale pour la pré-

sidence va bouleverser les données du problème. À gauche, c’est la division totale. Les radicaux de la Montagne avec Ledru-Rollin, les socialistes avec Raspail, alors en prison, vont séparé-

ment à la bataille. Entre eux, un fossé de sang, les journées de juin. Lamartine, totalement discrédité auprès des modérés, espère encore renouveler son exploit d’avril. Cavaignac, qui a l’appui de la bourgeoisie républicaine, présente un programme susceptible de

plaire aux amis de l’ordre : propriété, famille, religion. Il rallie des forces diverses, mais non négligeables : les gens du National, les orléanistes des Débats, comme Charles de Rémusat

(1797-1875), des catholiques sociaux, comme Lacordaire*, certains chefs de l’armée (Adolphe Niel) et même des légitimistes du Midi, qui voient en lui un solide rempart contre le socialisme.

Les milieux d’affaires jugent avec sympathie son projet d’instaurer une république « créditée » par les banquiers. Bref, une candidature centriste, éloignée de la réaction comme de la révolution. Quant à Louis Napoléon, il rassemble sur son nom la coalition la plus hétéroclite qui soit.

On sait les chaumières nostalgiques de la légende napoléonienne et surtout de la belle époque des hauts prix agricoles, qui a pris fin en 1815. Pour la France paysanne et analphabète, point n’est besoin de programme, la filiation impériale pourvoit à tout. L’image de marque du neveu de l’Empereur est bien ternie dans les cercles conservateurs, qui ne se font aucune illusion sur la moralité de cet aventurier, de ce dé-

classé criblé de dettes, non plus que sur ses ambitions. Mais les chefs du parti de l’Ordre veulent se servir du personnage, que l’on croit sans envergure et qui, lors de sa nouvelle apparition à la Chambre (il a été réélu en septembre dans 4 départements et à Paris, où il réunit 100 000 voix), a fait une piètre impression. D’ailleurs, Thiers tranche :

« C’est un crétin que l’on mènera. »

En attendant, le prince promet tout à tout le monde. À droite, la liberté de l’enseignement et la restauration — à défaut de la Restauration... — de l’autorité de l’État. À gauche, la justice sociale. L’ouvrier s’entend rappeler que le neveu de l’Empereur a constamment soutenu un projet d’amnistie pour les condamnés de juin, et qu’il est l’auteur de l’Extinction du paupérisme.

Les relations équivoques que Louis Napoléon entretient avec Louis Blanc et Proudhon* témoignent de l’étrange fascination qu’exerce le démagogue sur des démocrates peu lucides. Le 10 décembre 1848, c’est le triomphe, qui consacre l’excellente stratégie du parti de l’Ordre, l’habileté du prince, mais surtout le poids de l’électoral

paysan et, à travers lui, la gravité des problèmes de la terre, qu’avaient masquée jusqu’alors les questions purement ouvrières. Marx ne s’y était pas trompé, qui voyait dans ce vote ambigu un puissant courant de libération, sinon l’amorce d’une seconde révolution.

La réaction (1848-1850)

Le nouveau président appelle Odilon Barrot, l’ancien chef de la gauche dynastique, à la direction de son premier cabinet. Prudents, les autres chefs du parti de l’Ordre se récusent, à l’exception du comte de Falloux, nouveau ministre de l’Instruction publique et des cultes. Désireux de se concilier l’appui de l’Église, le gouvernement fait un premier coup de force. Un corps expéditionnaire, commandé par le gé-

néral Oudinot (1791-1863), avait été envoyé en Italie pour faire contrepoids à l’intervention autrichienne contre les régimes libéraux, qui battait son plein en ce début de 1849. Cette décision s’inscrivait parfaitement dans la ligne politique étrangère française depuis 1831. Oudinot reçoit pour mission de rétablir sur le trône le pape Pie IX*, réfugié à Gaète, et par-là d’attaquer, en violation de la Constitution, la jeune République romaine de Mazzini*.

Bafouée, l’Assemblée constituante n’y pouvait rien ; sauf à blâmer le gouver-downloadModeText.vue.download 34 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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nement, mesure au demeurant platonique à la veille d’un nouveau scrutin.

La campagne pour les législatives, fixées au 13 mai 1849, se caractérise par une polarisation des tendances.

La gauche s’est ressaisie, après une longue traversée du désert. Faisant taire leurs querelles, Montagnards et socialistes s’unissent dans la solidarité républicaine. La leçon du

10 décembre a porté, et c’est vers la conquête des électeurs ruraux que les efforts des « démoc’soc’» sont orientés. Le programme montagnard fait

désormais une large place à l’organisation du crédit agricole, à la défense de la petite exploitation et à la réforme fiscale. Par surprise, la gauche réussit à faire passer à la Chambre moribonde une réduction des impôts indirects. Le parti de l’Ordre se présente sous la bannière de l’Union électorale, émanation du comité de la rue de Poitiers, qui regroupe monarchistes, bonapartistes et conservateurs de toutes obé-

diences. Au centre, la Société des amis de la Constitution, dernier avatar du groupe du National, mène une campagne du juste milieu, sans envergure et sans conviction. L’Assemblée qui sort des urnes le 13 mai consacre l’éclatant succès du parti de l’Ordre : plus de 450 députés sur 750. Les notables monarchistes et cléricaux de l’Ouest, du Nord et du Languedoc, et leurs alliés de la bourgeoisie, ont fait la démonstration de leur influence prépondérante, un an après la révolution, qui apparaît ainsi ramenée à ses justes proportions : une émeute parisienne qui a bien réussi.