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« bleu », celui du président, que chacun sait imminent ? Les confidences à ce sujet vont bon train, ce qui force Louis Napoléon à retarder l’opération Rubicon, à la suite des bavardages inconsidérés du préfet de police Pierre Carlier (1799-1858), qu’on limoge séance tenante. Étrange atmosphère...

Le 2 décembre 1851 à l’aube, l’affaire est faite.

Depuis des mois, Louis Napoléon

s’est assuré patiemment les concours indispensables et recueille le bénéfice de ses efforts : l’armée, dirigée par le général Saint-Arnaud (1798-1854), un condottiere efficace et sans scrupules ; le nouveau préfet de police Charlemagne de Maupas (1818-1888), qui

s’assure sans difficulté la complicité de tous ses commissaires. La haute banque ? Ici, la question est controversée. L’appui donné au président par Achille Fould, le duc de Morny (1811-1865) et Émile Pereire (1800-1875) est incontestable. L’extrême réserve, pour ne pas dire l’hostilité, des Rothschild*

et des Talabot, bailleurs de fonds des monarchistes, ne l’est pas moins. Le succès de l’opération et la remontée de la Bourse décident des ralliements.

Au petit matin, Paris est couvert d’affiches de l’Élysée : décret annon-

çant la dissolution de l’Assemblée, le rétablissement du suffrage universel et la convocation ultérieure pour un plébiscite, proclamation au peuple, proclamation à l’armée. La capitale investie par la troupe reste passive.

Stupeur et indifférence. Les ateliers et les boutiques ouvrent comme à l’ordinaire, tandis que la police procède aux premières arrestations. Le parti de

l’Ordre tente une résistance symbolique, en proclamant dans la mairie du très aristocratique Xe arrondissement (formé alors par le faubourg Saint-Germain) la déchéance du président.

Un bataillon survient, qui emmène les honorables parlementaires à la prison de la Nouvelle Force, boulevard Mazas (actuel boulevard Diderot). Du côté des républicains, Carnot et Victor Schoelcher (1804-1893) tentent de soulever les faubourgs, mais leurs appels ne rencontrent aucun écho. L’ouvrier ne se sent nullement concerné et refuse de risquer sa vie pour cette Assemblée réactionnaire.

Le 3 décembre, une certaine inquié-

tude naît à l’Élysée. Des foyers de résistance s’organisent ici et là, rapidement maîtrisés d’ailleurs. Plusieurs comités républicains s’agitent dans l’ombre. La première barricade surgit rue du Faubourg-Saint-Antoine, où le député Alphonse Baudin est tué. Le 4 décembre, les conjurés mesurent le danger, qui est grave. De très nombreuses barricades ont surgi dans le centre, autour des Halles ; artisans et gardes nationaux manifestent sur les boulevards et près de la place des Victoires. Ici, la résistance est bourgeoise et les amis de l’Ordre encouragent les barricadiers. L’affaire tourne mal pour l’Élysée, qui décide de faire un exemple. Dans l’après-midi, l’armée, lancée sur la rive droite, nettoie rues et boulevards, fusille sur place combattants et curieux (rue Saint-Martin et rue Saint-Denis) et n’hésite pas à tirer sur les immeubles cossus. Paris terrorisé ne bouge plus. Mais la résistance prend une dimension nouvelle quand la province rouge s’ébranle à son tour pour défendre la république.

Ici, le coup d’État signifie la fin du rêve messianique de 1852. C’est la fin de la

« Sociale », des espoirs de justice et de réformes.

Les soulèvements qui se produisent en Bourgogne, dans les Alpes et le Sud-Est sont le fait des paysans mi-sérables, des bûcherons, des petits artisans de village, conduits par les petits-bourgeois montagnards. Le

mouvement gagne l’Yonne, la Nièvre autour de Clamecy, les Basses-Alpes et le Var. Les insurgés occupent un

moment Digne et Brignoles. L’armée, qui tient solidement les grandes villes, reprend rapidement la situation en main. Les 21 et 22 décembre 1851, le pays est appelé à ratifier le plébiscite :

« Le peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour faire une Constitution sur les bases proposées dans la proclamation du 2 décembre. » Le scrutin, organisé dans une ambiance de terreur, donne les résultats attendus : 7 439 000

oui, 647 000 non et 1 500 000 abstentions. La jacquerie des départements républicains a en quelques jours modifié l’opinion des possédants à l’égard du coup d’État. On oublie l’épreuve de force illégale contre l’Assemblée royaliste, pour ne retenir que l’opération « salut de la société ». Une répression sauvage s’organise en province, où les colonnes mobiles pourchassent les républicains et procèdent à des exécutions sommaires. Les commissions mixtes s’avèrent impitoyables : 3 000 internés, 10 000 déportés en Algérie.

Promulguée le 14 janvier, une nouvelle Constitution organise un régime de transition vers l’empire. Désormais, le chef de l’État est élu pour dix ans.

Maître du pouvoir exécutif, il détient aussi l’essentiel du pouvoir législatif dans la plus pure tradition de Brumaire.

Les libertés fondamentales sont abrogées par décret. Le Corps législatif, Parlement émasculé du régime, se recrute suivant le principe de la candidature officielle, agrémenté d’un savant découpage de circonscriptions. Élue en février, cette assemblée ne compte désormais que huit opposants. Le sénatus-consulte du 2 décembre 1852, qui proclame l’empire (v. Empire [second]), viendra parachever l’oeuvre de César.

La République était morte depuis un an.

J. L. Y.

F Blanc (L.) / Blanqui (A.) / Carnot (les) / France

/ Lamartine (A. de) / Ledru-Rollin / Napoléon III /

Pie IX / Proudhon (P. J.) / Raspail (F. V.) / Révolutions de 1848 / Thiers (A.).

J. Dautry, 1848 et la seconde République (Éd. sociales, 1957). / G. Duveau, 1848 (Gallimard, 1965). / A. Tudesq, l’Élection présiden-

tielle de Louis-Napoléon Bonaparte (A. Colin, 1965). / P. Vigier, la Seconde République (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1967 ; 2e éd., 1970). / L. Girard, la IIe République (Calmann Lévy, 1968). / R. Gossez, les Ouvriers de Paris (Bibliothèque de la révolution de 1848, 1968).

/ M. Agulhon, La République au village (Plon, 1970) ; 1848 ou l’Apprentissage de la Répu-downloadModeText.vue.download 36 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

9371

blique, 1848-1852 (Éd. du Seuil, 1972). / J. Le Yaouang, 1848 en Europe (P. U. F., 1974).

République (IIIe)

Régime de la France du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940.

La fondation de la

République

Le 4 septembre 1870, à la nouvelle du désastre de Sedan, la république est proclamée à l’Hôtel de Ville, où se constitue un gouvernement de Dé-

fense* nationale. Celui-ci est immé-

diatement affronté aux problèmes de la guerre franco-allemande ; malgré un effort considérable — dont le moteur est Gambetta* —, le gouvernement est acculé à l’armistice (28 janv. 1871) ; Bismarck* exige l’élection d’une Assemblée nationale chargée d’entériner la paix. Élue le 8 février, cette Assemblée, à majorité monarchiste, se réunit à Bordeaux, où, le 12, le gouvernement provisoire lui remet ses pouvoirs.

Le temps de Thiers

(1871-1873)

L’homme du jour est Adolphe Thiers*, qui passe pour avoir été, en juillet 1870, un adversaire de la guerre et qui, en février 1871, semble pouvoir faire contrepoids au bellicisme des jacobins et de Gambetta. Élu par l’Assemblée chef du pouvoir exécutif (17 févr.) — avec des pouvoirs considérables —, Thiers s’engage à rester neutre dans le débat qui doit régler le sort du régime : république ou monarchie ? C’est le pacte de Bordeaux, le 10 mars. Dès lors, Thiers peut clore la période de guerre : les préliminaires

de paix signés à Versailles (26 févr.) et ratifiés par l’Assemblée (1er mars), sont entérinés par le traité de Francfort le 10 mai. (V. franco-allemande [guerre].) Mais, auparavant, Thiers est affronté au mouvement insurrectionnel de la Commune* de Paris (18 mars - 28 mai 1871), qu’il écrase. Le 20 mars, l’Assemblée s’installe à Versailles.