sident de la République au président du Conseil — ne doit pas faire oublier une grande continuité dans l’enracinement de l’idéal républicain. Jules Ferry incarne cet idéal soit comme ministre de l’Instruction publique dans le second cabinet Freycinet (janv. - août 1882), soit, de nouveau, comme Premier ministre (févr. 1883 - avr. 1885) : c’est ainsi qu’il introduit dans la législation l’obligation et la laïcité de l’enseignement (mars 1882). Surtout, trois lois fondamentales sont votées en 1884 : loi Waldeck-Rousseau (21 mars), qui fonde officiellement le syndicalisme français ; loi municipale (5 avr.), qui donne à toutes les communes (sauf à Paris) un régime uniforme décentralisé ; loi Naquet (27 juill.), qui institue le divorce. Cette même année voit se multiplier les actes de laïcisation.
Jules Ferry — « le Tonkinois » —
mène une politique d’expansion coloniale (établissement d’un protectorat sur la Tunisie en 1881 ; pénétration en Afrique noire, à Madagascar et en Indochine) qui mécontente aussi bien la droite, qui craint les aventures, que la gauche, qui ne songe qu’au retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France.
Animée par Georges Clemenceau,
cette double opposition chasse Ferry du pouvoir à la faveur de l’incident de Lang Son (30 mars 1885).
Autre facteur de malaise : la crise économique qui naît en 1882, dont les bourgeois au pouvoir ne veulent pas voir toutes les conséquences sociales.
Si bien que c’est en marge du monde politique, mais d’une manière de plus en plus pressante, que grandit le mouvement socialiste.
Une crise du régime s’amplifie après les élections législatives d’octobre 1885, qui voient se renforcer la droite et surtout l’extrême gauche radicale.
En décembre 1887, le « scandale des décorations », dans lequel est principalement compromis Daniel Wilson
(1840-1919), gendre du président de la République, oblige Jules Grévy à démissionner (2 déc.). Il est remplacé par Sadi Carnot*.
Mais déjà le beau général Georges Boulanger*, ministre de la Guerre dans les cabinets Freycinet et Goblet (janv.
1886 - mai 1887), s’impose comme
« le syndic de tous les mécontents », qu’ils soient royalistes ou républicains.
Symbole d’un nationalisme exacerbé, il monte à l’assaut de la République, porté par les foules qui l’acclament et font de lui un député. Cependant, en janvier 1889, ses hésitations devant un coup de force provoquent sa perte.
Au moment où a lieu à Paris la très brillante Exposition universelle de 1889, la France républicaine semble épanouie. Son armée a retrouvé sa puissance ; longtemps isolée sur le plan diplomatique, elle est assurée, à partir de 1890, de trouver en la Russie tsariste une alliée décidée à intervenir à ses côtés en cas de conflit, contre les Empires centraux.
Pourtant, de graves difficultés
s’annoncent. Une nouvelle période de stagnation économique commence en 1893, qui touche les petits rentiers, les ouvriers et surtout les paysans.
C’est pourquoi Jules Méline (1838-1925), ancien ministre de l’Agriculture élu président de la commission des Douanes, fait établir les « tarifs Mé-
line » (juill. 1892), qui, en protégeant les producteurs de blé, empêchent la France de faire sa révolution agricole.
Quant à la classe ouvrière, durement marquée par la civilisation industrielle, elle s’organise et se manifeste avec l’aide du socialisme*, du syndicalisme* et, partiellement, du catholicisme* social, en plein renouvellement (v. ouvrière [question]) ; la fusillade de Fourmies (1er mai 1891) est l’illustration sanglante d’un conflit de classes qui ne fera que s’aggraver.
Sur le plan politique, la République marque un point quand Léon XIII* invite les catholiques français à rallier le régime qu’elle représente (encyclique Au milieu des sollicitudes, [16 févr.
1892]). Mais, outre que la masse des catholiques se montre rétive à cette invite, le scandale de Panamá*, qui atteint son paroxysme en 1893, favorise l’opposition nationaliste et royaliste en même temps qu’il renforce la position des socialistes : ceux-ci, à la suite des élections du 20 août et du 3 septembre 1893, sont représentés à la Chambre par Jaurès*, Guesde*, Viviani, Millerand*, Sembat, Vaillant. Les attentats anar-
chistes* qui se multiplient entre 1892
et 1894 (en juin 1894, le président Sadi Carnot est assassiné à Lyon) semblent ébranler un peu plus le régime.
En fait, celui-ci reste très solide. La stabilité des institutions républicaines, amendées par la coutume, est même telle que la tentative faite par le président de la République, Casimir-Perier, pour utiliser réellement ses pouvoirs aboutit à un échec sans conséquences politiques. Après six mois d’exercice de la présidence, Casimir-Perier adresse sa démission au Parlement le 16 janvier 1895. Le modéré Félix Faure entre alors à l’Élysée. La querelle religieuse se calmant et l’affaire de Panamá ayant écarté de nombreux laïcs intransigeants au profit d’une nouvelle génération d’hommes politiques moins sensibles aux querelles religieuses qu’aux problèmes économiques (R. Poincaré,
T. Delcassé, G. Leygues, L. Barthou), le gouvernement passe, entre 1894 et 1898, aux républicains modérés, dont l’« esprit nouveau », ennemi de tout sectarisme, est un moment incarné en Eugène Spuller (1835-1896).
Mais l’année 1898 est marquée par un brusque réveil des luttes politiques, sociales et religieuses. Le « J’accuse »
de Zola* dans l’Aurore (13 janv.
1898) fait éclater l’Affaire Dreyfus*, qui déchire et bientôt coupe en deux le pays. En mai, les élections législatives amènent à la Chambre — fait nouveau — un lot important de dépu-tés socialistes (57). En septembre-novembre, l’affaire de Fachoda met la France à deux doigts de la guerre avec la Grande-Bretagne. Le gouvernement (Henri Brisson, puis Charles Dupuy) se refusant à toute révision constitutionnelle, les manifestations nationalistes (Paul Déroulède) se multiplient ; la plus importante se déroule durant les obsèques du président Félix Faure (23 févr. 1899).
C’est l’époque des ligues anta-
gonistes. À la Ligue des droits de l’homme (1898), anticléricale et pacifiste, s’opposent la Ligue des patriotes (1882), la Ligue de la patrie française (1898), l’Action* française (1898).
La République radicale et
la marche vers la guerre
(1899-1914)
L’Affaire Dreyfus détermine un glissement à gauche de la majorité, la constitution d’un ministère de Défense républicaine dirigé par Waldeck-Rousseau*
(juin 1899 - juin 1902) et le regroupement des républicains en un Bloc des gauches, à l’intérieur duquel les socialistes — dont Alexandre Millerand, inspirateur d’une importante législation sociale — et les radicaux s’unissent.
La loi du 1er juillet 1901 sur les asso-downloadModeText.vue.download 38 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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ciations, qui refuse la liberté aux seules associations confessionnelles, porte un coup très dur aux congrégations religieuses enseignantes. Soutenu par le Bloc républicain, qui englobe les socialistes, Émile Combes (1835-1921) accentue la politique anticléricale (1902-1905), faisant repousser toutes les demandes (sauf cinq) d’autorisation présentées par les congrégations (mars 1903), puis interdire l’enseignement à tout congréganiste (7 juill. 1904). À la suite du voyage du président Loubet à Rome auprès des souverains italiens (avr. 1904), le gouvernement rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège (juill. 1904). Mais, en raison des critiques suscitées par la politique de son ministre de la Marine, Camille Pel-letan, et de son ministre de la Guerre, le général André (affaire des Fiches), Combes doit démissionner (janv. 1905) avant que soit votée la loi qui, sur le rapport de Briand, institue la séparation* des Églises et de l’État (9 déc.