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1905).

L’âpreté des querelles religieuses n’a pas ralenti l’activité de la diplomatie française. Dirigée depuis 1898

par Théophile Delcassé*, celle-ci s’est d’abord employée, au prix de très importants concours financiers, à resserrer l’alliance franco-russe (protocole d’état-major de 1900), puis elle s’est attachée à améliorer les relations franco-italiennes (accords de 1898, de 1900 et de 1902) et franco-britanniques : l’accord colonial du 8 avril 1904 liquide les questions sur lesquelles la France et

la Grande-Bretagne étaient en rivalité, ce sera le fondement de l’Entente cordiale, bientôt élargie en une Triple-Entente, qui regroupe, autour de la France et grâce à sa médiation en 1907 (accord colonial russo-britannique), ses alliés, la Grande-Bretagne et la Russie.

La Grande-Bretagne et l’Italie ayant laissé les mains libres à la France au Maroc, Guillaume II, qui craint d’être encerclé, déclare à Tanger qu’il ne permettra pas qu’il soit porté atteinte à l’indépendance marocaine (31 mars 1905). Delcassé ayant poursuivi sa politique sans se soucier de l’état de l’ar-mée française, Maurice Rouvier (1842-1911), alors président du Conseil, sacrifie son ministre des Affaires étrangères sous la pression de l’Allemagne (6 juin 1905), de peur d’une guerre désastreuse ; il doit, en plus, accepter la réunion de la conférence d’Algésiras (janv. - avr. 1906).

À l’intérieur, la séparation des

Églises et de l’État a épuisé le vieux programme radical. Le développement de l’industrie pose des problèmes économiques et sociaux que les anciennes équipes républicaines sont mal pré-

parées à résoudre. Les ouvriers et les petits fonctionnaires multiplient leurs revendications ; leur action est facilitée par leur adhésion aux Bourses du travail et à la Confédération générale du travail (C. G. T.), née en 1895 ; les syndicalistes créent une agitation sociale qui les oppose au pouvoir (charte d’Amiens, 1906). Si l’opposition

conservatrice est réduite à l’impuissance, les socialistes (Guesde et Jaurès), qui se sont regroupés en un parti socialiste unifié en 1905, à la suite du congrès de l’Internationale socialiste d’Amsterdam de 1904, se font agressifs et rompent avec les radicaux ; la rupture s’aggrave quand Clemenceau*, devenu président du Conseil (oct.

1906 - juill. 1909), brise par la force les grèves ouvrières, celles des fonctionnaires et les manifestations des vignerons du Midi.

L’ancien socialiste révolutionnaire Aristide Briand* perçoit clairement que le traditionnel clivage entre « républicains » et « réactionnaires » est dé-

passé. Chef du gouvernement (24 juill.

1909 - 27 févr. 1911), il cherche, sous le signe de l’« apaisement », des combinaisons nouvelles entre les partis et les groupes parlementaires, qui acquièrent la représentation proportionnelle au sein des différentes commissions (1910). Cependant, l’Allemagne, pour protester contre l’occupation de Fès par les Français, envoie un navire de guerre en rade d’Agadir (1er juill.

1911), suscitant une réaction française extrêmement vive. Joseph Caillaux*, alors président du Conseil (27 juin 1911 - 11 janv. 1912), redoutant une guerre européenne, cède à l’Allemagne une partie du Congo français contre la liberté d’action de la France au Maroc (accord du 4 novembre 1911), ce qui permet à celle-ci d’y proclamer son protectorat (traité de Fès, 1912).

Mais cette transaction provoque des protestations, et Caillaux doit céder le pouvoir à Raymond Poincaré* (janv.

1912), qui accède à la présidence de la République en février 1913.

La France est alors la seconde puissance coloniale et le second banquier du monde ; la richesse publique s’accroît, mais plus lentement qu’en Allemagne ou qu’en Grande-Bretagne ;

l’enseignement primaire obligatoire, puis la généralisation du service militaire (1889) ont ouvert les esprits ; une législation sociale est amorcée ; le niveau de vie s’améliore. De 1906

à 1914, l’économie est en progrès dans presque tous les domaines, notamment dans l’industrie : la quantité de minerai de fer extraite est passée de 8,4 Mt en 1906 à 21,9 Mt en 1913, et celle du charbon de 34,2 à 40,8 Mt. Mais toutes les catégories sociales ne bénéficient pas au même degré de cette expansion ; les ouvriers, notamment, souffrent constamment des méfaits de la vie chère. Autre point noir : la stagnation démographique (en 1913, 39 000 000

de Français contre 66 millions d’Allemands). Par ailleurs, de nombreuses difficultés intérieures et extérieures altèrent le climat politique. L’augmentation des effectifs sous les drapeaux en Allemagne (loi de juillet 1913) oblige le Parlement français à rétablir le service de trois ans (loi du 7 août), ce qui mécontente d’autant plus la gauche qu’elle ne peut obtenir du Parlement le vote définitif de l’impôt sur le revenu,

réclamé par les radicaux (projet de Caillaux) et par les socialistes, ni celui de la représentation proportionnelle, demandée par les socialistes. Ainsi s’expliquent la chute de Louis Barthou (déc. 1913), responsable de la loi des trois ans, la reconstitution du Bloc des gauches (radicaux-socialistes et socialistes) et des élections finalement favorables à ces derniers (26 avr. et 10 mai 1914). Les vainqueurs ont fait campagne sur le double thème de l’établissement de l’impôt sur le revenu et de l’abrogation de la loi des trois ans, demandée en particulier par Jaurès. Le gouvernement dirigé de juin 1914 à octobre 1915 par René Viviani (1863-1925) doit alors faire voter par le Sénat l’impôt sur le revenu, mais il retarde l’abrogation du service de trois ans en raison de la tension internationale.

De la Première à la

Seconde Guerre*

mondiale (1914-1939)

La situation balkanique s’aggrave brusquement à la suite de l’assassinat, à Sarajevo, de l’archiduc François-Ferdinand (28 juin 1914) ; mais la menace d’une guerre exalte le nationalisme français et aboutit à l’assassinat de Jaurès (31 juill.). En fait, les dissentiments politiques et sociaux s’effacent, et tous les partis, sans exception, acceptent la mobilisation générale, qui s’opère dans l’enthousiasme. Ainsi se réalise l’« Union sacrée », réclamée par Poincaré dans son message du

4 août, au lendemain de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France (3 août) : l’étonnante victoire de la Marne* (sept.), la boue des tranchées, l’héroïsme dont font preuve les combattants pendant la bataille de Verdun*

(1916) la scellent définitivement.

Pendant la guerre, tous les cabi-

nets comprennent des représentants de presque tous les partis, y compris le socialiste Jules Guesde, ministre d’État du 26 août 1914 au 12 décembre 1916. Mais une crise grave éclate en 1916, l’usure d’une guerre terrible commençant à sécréter un certain dé-

faitisme, provoquant même des mutineries. Le départ volontaire de Lyautey*, ministre dans le sixième cabinet Briand, illustre cette crise, qui prend un

tour aigu sous les ministères Ribot et Painlevé* (mars-nov. 1917), quand les offensives de Nivelle*, généralissime des armées françaises, se soldent par de fortes pertes en hommes. La crise s’apaise avec la nomination de Pétain*

à la place de Nivelle et l’arrivée de Clemenceau au pouvoir (16 nov.) : celui-ci institue une dictature de fait, respectant les formes constitutionnelles, mais n’hésitant pas à frapper les hommes politiques soupçonnés de vouloir négocier avec l’ennemi.

L’armistice de Rethondes (11 nov.

1918) est accueilli par des transports de joie. Mais la victoire a été chèrement payée : près de 1 390 000 Français tués, 740 000 invalides, d’immenses destructions, un écrasant endettement, la perte de tous les avoirs à l’étranger.

La France est exsangue et partiellement ruinée, mais elle ne s’en rend pas compte : l’Alsace-Lorraine récupérée paraît justifier le sang répandu ; quant aux pertes matérielles, on pense y faire face en répétant : « L’Allemagne paiera. » Mais, lors de la conférence de la paix à Paris (1919), la France doit compter avec le souci britannique d’empêcher toute puissance du continent d’y devenir prépondérante et avec l’idéalisme de Wilson. De ce fait, le traité de Versailles (28 juin 1919) ne lui accorde ni le droit d’occupation permanente de la rive gauche du Rhin, ni l’institution d’un mécanisme efficace pour assurer le paiement des réparations par l’Allemagne.