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fensive ; aussi, sans même attendre le dé-

part, en 1873, des « occupants » prussiens, un Comité de défense confie dès 1872 au général Raymond Séré de Rivières (1815-1895) la charge d’édifier un système fortifié capable de barrer la frontière de l’Est et de couvrir la mobilisation et la concentration des troupes. Au même moment sont votées les lois qui renouvellent les structures de l’armée. Objet d’un compromis entre l’Assemblée nationale, désireuse d’adopter comme l’Allemagne le principe

d’un service militaire obligatoire, et Thiers, demeuré un partisan résolu de l’armée de métier, la loi de recrutement du 27 juillet 1872 n’est qu’une timide approche de l’ar-mée nationale. Si elle supprime exemption et remplacement, elle confie au tirage au sort le soin de répartir le contingent entre ceux qui font cinq ans et ceux qui n’en font qu’un. L’orientation est pourtant nettement dessinée, mais il faudra attendre les lois du 15 juillet 1889, visant l’uniformisation du service, et surtout celle du 21 mars 1905 pour qu’entre complètement dans les faits le principe de la nation armée avec un service de deux ans, universel, personnel et obligatoire pour tous les Français, et une instruction généralisée des réserves (v. service national).

Le corps des officiers reste régi par les lois Soult de 1834 ; son recrutement, assuré par Polytechnique et par Saint-Cyr, s’ouvre largement aux sous-officiers par la création, à leur bénéfice, des écoles de formation de Saint-Maixent, de Saumur, de Poitiers et de Versailles. Cependant, pour encadrer les effectifs considérables de l’armée nationale, les officiers d’activé seront renforcés en temps de guerre par les officiers de réserve ou de « complé-

ment », créés dès 1875, mais dont l’instruction pratique ne débutera que vingt-cinq ans plus tard.

y Création d’un haut

commandement

Pour la première fois, les grandes unités (divisions et corps d’armée) sont constituées dès le temps de paix en une organisation fixée par la loi du 24 juillet 1873, répartissant la France en dix-huit régions de corps d’armée à deux divisions (une 19e région sera constituée à Alger, puis ce sera le tour des 20e et 21e corps à Nancy et à Épinal en 1897 et en 1913). Aux commandants de région, qui demeurent la base de l’organisation militaire du pays, sont subordonnés le territoire, les troupes et, depuis la loi du 16 mars 1882, les grands services de l’armée. À côté de l’intendance* et du service de santé*, le plus important est le service de l’artillerie*, chargé de l’étude, de la fabrication et de la distribution de tous les matériels et de toutes les armes nécessaires à l’armée. Pour commander l’ensemble des forces au nom du ministre et coordonner les mesures de mobilisation et de préparation à la guerre,

un état-major général de l’Armée, esquissé par le général François Charles du Barail (1820-1902) dès 1873, est mis sur pied en 1890. À ses côtés travaille depuis 1888

un Conseil supérieur de la guerre, présidé par le ministre, rassemblant les généraux désignés pour recevoir de grands commandements à la mobilisation et chargé de donner son avis sur toutes les questions intéressant la préparation à la défense. Son vice-président, nommé par décret, est le commandant en chef des armées pour le temps de guerre. Dans ces postes de haute responsabilité, l’armée aura la chance de compter plusieurs hommes indiscutés, tels le général Félix Saussier (1828-1905)

— qui, durant près de vingt ans (1884-1903), personnifiera pour le gouvernement comme pour le pays la continuité de la France militaire —, les généraux de Miribel, Hagron, de Lacroix... Pour fournir à ce commandement des auxiliaires compé-

tents, la loi du 20 mars 1880 a transformé le service d’état-major et créé le premier établissement d’enseignement militaire supérieur, l’École supérieure de guerre, où des maîtres de haute qualité, tels Langlois, Bonnal, Pétain*, Lanrezac, Foch*, Fayolle*, Grandmaison, élaboreront pour les futurs brevetés d’état-major la doctrine militaire française.

À la veille de la Première Guerre mondiale, et sur la proposition de Foch, l’édifice est couronné en 1911 par un Centre des hautes études militaires, familièrement appelé « école des maréchaux ». Sa mission est d’initier une petite élite d’officiers brevetés aux problèmes d’ensemble posés par la direction des opérations, dont la responsabilité ressortit exclusivement au commandant en chef, tandis que le gouvernement se réserve d’« assurer la conduite générale de la guerre » (décret du 28 octobre 1913). Depuis 1906, modeste apparition d’une notion un peu plus globale de la défense, un Conseil supérieur de la défense nationale réunit les ministres intéressés à la préparation du pays à la guerre et doit donner les directives du gouvernement au généralissime dési-gné. À cette époque, toutefois, politiques comme militaires sont persuadés que le prix exorbitant de la guerre imposera aux belligérants de conclure la campagne au plus vite (c’est-à-dire en quelques mois...).

y Épopée coloniale et

« ligne bleue des Vosges »

Diversion au recueillement forcé qu’impose en Europe la défaite de 1870-71, l’aventure coloniale sera plus le résultat des circonstances et de l’initiative d’une pléiade de jeunes officiers entreprenants que le fruit d’une volonté ou d’un plan gouvernemental, auquel reste pourtant attaché le nom de Jules Ferry*. Ces expé-

ditions outre-mer seront réalisées avec de faibles moyens, le plus souvent en dépit de l’indifférence de l’opinion publique, voire de l’opposition de tous ceux pour qui le fait de détourner les yeux de la

« ligne bleue des Vosges » constitue en soi presque une trahison. Remarquable école d’initiative, d’intelligence et d’endurance pour la troupe comme pour les cadres, les campagnes coloniales menées tant en Tunisie qu’en Indochine, en Afrique noire et, plus tard, au Maroc donneront à l’ar-mée et à la marine une légion d’officiers de haute valeur, mais d’une étonnante diversité. Qu’il suffise de citer les noms du commandant Henri Rivière (1827-1883), des généraux Alfred Dodds (1842-1922), Gustave Borgnis-Desbordes (1839-1900), Albert d’Amade (1856-1941), du capitaine Marchand*, de Joffre*, de Gallieni*, de Lyautey*, de Mangin*...

L’ampleur de l’effort colonial français conduit à donner leur autonomie aux troupes de marine, qui relevaient alors du département de la marine de guerre. La loi du 7 juillet 1900 consacre leur importance en créant l’armée coloniale, rattachée aux ministères de la Guerre et des Colonies.

Ses unités, recrutées parmi les Français de la métropole et parmi les autochtones des territoires d’outre-mer, formeront désormais une composante originale des troupes françaises, dont Mangin, se fera le promoteur avec son livre sur la Force noire (1910). Au contraire, les troupes stationnées en Afrique du Nord (tirailleurs, spahis, etc.) resteront intégrées aux forces métropolitaines (v. coloniales [troupes]).

y L’armée et la nation

Alors que la loi de 1872 aboutit, en fait, à prolonger une armée de métier séparée de la nation, le service militaire obligatoire, dont le principe est affirmé en 1889, fait, pour la première fois, passer dans l’armée toute la jeunesse de France. Ainsi, l’armée se voit confier un rôle éducatif et humain qui, brillamment exposé par le capi-

taine Lyautey (Du rôle social de l’officier, 1891), en fait un élément fondamental de l’unité nationale. Après l’aventure du downloadModeText.vue.download 42 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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boulangisme (1885-1889), les années 90

constituent un tournant. La conclusion de l’alliance franco-russe (1891-1894) marque la fin de l’isolement du pays, que consacrera en 1904 la négociation de l’Entente cordiale. Ayant reconquis une place éminente dans le jeu des relations internationales, la France demandera désormais beaucoup plus à son armée, dont le potentiel doit être constamment réajusté en fonction de celui de ses adversaires de la Triple-Alliance.