Une dernière fois, Schmitt fera
sonner l’orchestre dans la symphonie (festival de Strasbourg, 15 juin 1958).
Cette oeuvre, par sa pondération classique, par la hardiesse de son vocabulaire, est l’harmonieux aboutissement d’une longue expérience. Car Schmitt
est resté toute sa vie tel qu’il s’est défini dès le début du siècle : musicien indé-
pendant, travailleur acharné, n’hésitant pas à peiner des journées entières sur un accord, mais dont l’esprit caustique, critique même (il écrivit longtemps dans le journal le Temps), l’a toujours empêché de se prendre au sérieux.
Il a remis le ton épique à la mode dans la musique française, qui se mé-
fiait à cette époque de toute emphase, et a ouvert la voie à Milhaud* et à Honegger*.
J. G.
Schöffer (Nicolas)
Plasticien et théoricien d’art français d’origine hongroise (Kalocsa, 1912).
Il étudie la sculpture à l’Académie des beaux-arts de Budapest, puis à Paris, où il vit depuis 1936.
Héritier des recherches luminoci-
nétiques (v. cinétique [art]) d’après la Première Guerre mondiale, il associe l’espace, matière première de la sculpture, et le dynamisme, conquête essentielle de la civilisation techni-cienne, sous le vocable de « spatiodynamisme ». Il exprime ses idées, à partir de 1948, dans un certain nombre de textes qui ont été regroupés en 1970
sous le titre le Nouvel Esprit artistique. Matériellement, ses oeuvres se composent d’une ossature orthogonale de tiges métalliques entrecoupée de plans (plaques de Plexiglas, de métal poli). Les jeux de reflets obtenus quand le dispositif tourne sur lui-même font naître le « luminodynamisme », dont les théories sont développées à partir de 1957 ; les sources lumineuses pourront être artificielles ou naturelles. Se succèdent alors des appareils de plus en plus complexes, permettant des déroulements visuels colorés en correspondance avec les effets sonores de la musique, tels le Luminoscope (qui sera fabriqué industriellement en 1968) ou le Téléluminoscope.
En 1956, Schöffer présente au
théâtre Sarah-Bernhardt, à Paris, Cysp I, une « sculpture cybernétique »
qui se meut et se déplace de façon
autonome en fonction des informations qui lui ont été données. En 1959, à partir des effets dynamiques de la lumière, il aboutit à une structuration du temps et théorise le « chronodyna-misme ». Le temps comme matériau
nécessite une reconversion des formes de l’art, une nouvelle approche : les retards microtemporels entre la perception rétinienne et la perception par le cerveau doivent être exploités par l’« artiste-créateur » (Microtemps exposés à la galerie Denise René, à Paris, en 1966).
En 1961, la Tour spatiodynamique
et cybernétique de Liège, haute de 52 m, composée de soixante-six miroirs tournants et cent vingt projecteurs multicolores, constitue, avec un spectacle audio-visuel donné sur la façade du Palais des congrès, le premier essai d’une synthèse d’architecture, d’urbanisme, de sculpture, de projections colorées mobiles et de musique. En 1963, l’artiste présente la maquette de la Tour Lumière Cybernétique, alors destinée au carrefour de la Défense à l’ouest de Paris, haute de 307 m et prévue pour réagir à des informations de tous ordres (par exemple au trafic urbain).
Selon Schöffer, la soumission de
la technologie aux intérêts culturels, à travers un art socialisé, libérera l’homme de ses contraintes. L’artiste considère la conquête à la fois phy-
sique et théorique de l’espace comme l’aspiration première de l’homme
actuel ; l’action énergétique du spa-tiodynamisme déterminera les com-
portements psychologiques collectifs et individuels. L’art se situe dans le prospectif ; la programmation engendre la sélection, puis la combinaison des interactions les plus adé-
quates, la cybernétique permettant de ne plus revenir aux formes artistiques du passé, dont la saturation avait permis jusqu’alors aux seules « sciences technologiques » de triompher. La valeur réelle d’une société se mesure pour Schöffer dans son « futur artistique ».
C’est à partir de 1961 qu’il se
penche sur l’architecture et l’urbanisme à proprement parler en synthé-
tisant ses idées dans la Ville cybernétique (qui donnera son titre à un ouvrage publié en 1969). La monumentalité intimement associée à l’es-thétique entraîne dans ses projets une dissociation des fonctions : « cités de travail ! contacts ! concentration ! contraction ! verticalité ; cités de repos ! déconcentration !
décontraction ! horizontalité » — la
fonction loisir oscillant entre ces deux pôles. Schöffer poursuit ce travail théorique dans la Nouvelle charte de la ville, publié en 1974.
M. W.
G. Habasque et J. Cassou, Nicolas Schöffer (Éd. du Griffon, Neuchâtel, et Vincent Fréal, 1963).
Schönberg
(Arnold)
Compositeur d’origine autrichienne (Vienne 1874 - Los Angeles 1951).
Compositeur et pédagogue, il est
le chef et l’initiateur de l’école de Vienne*. Sa vie a été marquée par de nombreux paradoxes. Presque autodidacte, il fut un grand technicien de l’écriture musicale. Musicien maudit, il connut la célébrité. Respectueux du passé, il mit en pièces le système tonal.
Il évolua plus rapidement, peut-être, qu’aucun autre musicien, mais ses dernières oeuvres s’efforcèrent de retrouver les premières. Et, parmi ses continuateurs, ceux qui lui devaient le plus furent amenés, comme Pierre Boulez*, à le renier ouvertement.
La vie
Il naît à Vienne le 13 septembre
1874. De bonne heure orphelin, il vient à la musique en autodidacte.
Des leçons de violon qu’il prend tout enfant et, plus tard, quelques cours de contrepoint : ce sera là tout son bagage académique. Il s’impose cependant, par l’étude des partitions, une solide formation musicale. Ses oeuvres de jeunesse — la Nuit transfigurée, op. 4
(1899) et les premières pages des imposants Gurrelieder, qu’il ne devait achever qu’en 1911 — témoignent
d’une technique d’écriture très sûre et d’une connaissance profonde du langage de son temps.
En 1901, Schönberg épouse Ma-
thilde von Zemlinsky. Le jeune ménage s’installe à Berlin : Schönberg devient chef d’orchestre au Buntes Theater.
Tandis qu’il compose le poème symphonique Pelléas et Mélisande (1902-03), il lui faut, pour vivre, orchestrer
des opérettes, besogne qu’il devra assumer longtemps encore. Il est de retour à Vienne en 1903 ; sa situation matérielle restant précaire, il participe, d’ailleurs en vain, à des concours musicaux dotés de prix. Il entreprend, aux écoles Schwarzwald, puis à l’académie de Vienne, une carrière de professeur qu’il poursuivra toute sa vie. Son enseignement se révélera fécond : parmi downloadModeText.vue.download 600 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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ses élèves figureront Alban Berg* et Anton von Webern*.
Au seuil de la trentaine, l’activité créatrice de Schönberg est intense. Il compose le Premier Quatuor en « ré »
mineur, op. 7 (1904-05), la Symphonie de chambre, op. 9 (1906), le Deuxième Quatuor en « fa » dièse mineur, op. 10
(1907-08), qui préparent les premiers chefs-d’oeuvre : le Livre des Jardins suspendus, quinze mélodies sur des poèmes de Stefan George (1908-09), les Cinq Pièces pour orchestre, op. 16
(1909), le monodrame Erwartung (Attente) [1909], qui sera monté à Prague en 1924, année de la première repré-
sentation à Vienne du drame lyrique Die glückliche Hand (la Main heureuse) [1908-1913].
En 1911, alors qu’il rédige son Traité d’harmonie, Schönberg est nommé,