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À l’automne de 1813, il quitte volontairement le Konvikt, après avoir dédié à son directeur sa 1re symphonie, en ré majeur.

À peine a-t-il le temps de savourer sa liberté qu’une autre menace pèse sur lui : il doit satisfaire à ses obliga-

tions militaires durant quatorze années ou choisir le métier d’enseignant, qui lui permet d’échapper au recrutement.

Sans hésiter, il suit les classes préparatoires à l’École normale et obtient en août 1814 un diplôme de sous-maître d’école ; il se résigne à prendre du service chez son père. Mais, assoiffé d’in-dépendance, il songe à remporter rapidement un succès musical décisif qui le libérera de sa charge. Il écrit durant l’année scolaire un opéra, Des Teufels Lustschloss (le Château du diable), qui n’est pas représenté, puis un quatuor en si bémol majeur, une messe en ut majeur (chantée à l’église de Liechtental) et une véritable moisson de lieder, dont la célèbre Gretchen am Spinn-rade (Marguerite au rouet) de Goethe.

Il a dix-sept ans. En octobre, il prend ses fonctions d’instituteur auxiliaire.

C’est alors qu’il aime une jeune fille, Thérèse Grob, l’une des solistes de sa messe en ut majeur. Ses amis s’efforcent de le détourner de cette inclination, à laquelle il ne renoncera que trois ans plus tard. Plus heureux en amitié, Schubert attire autour de lui un cercle de jeunes hommes qui, outre Spaun et d’autres musiciens, compte des poètes comme Johann Senn, Johann Mayrhofer, Albert Stadler et bientôt Franz von Schober. Ce groupe, qui ne cessera de croître, constituera plus tard sa vraie famille. On se retrouvera pour faire de la musique, on devisera au café ou à l’auberge et l’on organisera de folles randonnées en voiture dans la campagne viennoise, réunions joyeuses connues sous le nom de « Schubertiades ».

Mais, en 1815, Schubert est tou-

jours maître d’école. Cette année sera cependant l’une des plus fécondes : sous la pression qui accable le musicien, l’inspiration jaillit avec abondance. Hanté par l’opéra, Schubert écrit coup sur coup et sans la moindre commande, deux singspiels, Der vier-jährige Posten (Quatre Ans de faction) et Fernando, un opéra sur un texte de Goethe, Claudine von Villa Bella, et une opérette comique, Die Freunde von Salamanka (les Amis de Salamanque).

Ces oeuvres, vouées à l’échec, sont sans rapport avec ses autres compositions. De nature essentiellement lyrique, Schubert n’est lui-même que lorsqu’il écrit une musique spontanée, sans aucune intention. Dans ses deux

premières sonates (mi et ut majeur) de 1815, le piano est déjà pour lui l’instrument de l’intimité, auquel il se confie sans se soucier des auditeurs. Ainsi s’expliquent ces « divines longueurs »

que l’on trouvera souvent dans ses grandes oeuvres instrumentales, où l’inspiration l’emporte, selon A. Einstein, « loin du monde et de lui-même ».

L’année 1815 voit naître aussi un quatuor en sol mineur, deux symphonies (si bémol et ré majeur), une messe en sol majeur, des choeurs à voix égales et de nombreux lieder sur des poèmes de Matthisson, de Hölty, de Stolberg, de Schiller, de Goethe, de Klopstock, etc. Dans son fameux lied Erlkönig (le Roi des aulnes ou des elfes), Schubert use d’un procédé qui lui est cher : la variation strophique. Dans ces pages, souvent courtes, qui ont fait sa gloire, il conserve toujours un équilibre harmonieux entre le chant et l’accompagnement, qu’il s’agisse d’une grande scène dramatico-lyrique (Vergebliche Liebe [Amour inutile]), d’une peinture impressionniste (Meeresstille [Calme plat]), ou de suggérer l’art populaire (Heidenröslein [Rose des bruyères]).

À la fin de 1815, après avoir brigué vainement un poste de directeur de la musique à Laibach (Ljubljana), il reprend sans plaisir sa tâche d’instituteur.

Par l’intermédiaire de Spaun, il envoie à Goethe ses plus beaux lieder, qui lui sont retournés sans un mot du poète.

Découragé par l’opéra, il ne s’y risque qu’une seule fois en 1816, avec Die Bürgschaft (la Caution), qui contient des éléments de l’opéra-comique

français, mais qui restera inachevé. Il compose d’autre part un quatuor en mi majeur, une 4e symphonie dite « tragique » en ut mineur pour grand orchestre, une 5e symphonie, en si bémol majeur, de caractère plus intime, et de la musique religieuse (Salve Regina, Magnificat, messe en ut majeur, Stabat Mater). Mais c’est au lied qu’il revient le plus volontiers avec un sens accru du contenu des poèmes et de la couleur tonale, par exemple dans An Schwa-ger Kronos (Au postillon Kronos) de Goethe, Edone de Klopstock et Trost im Liede (Chanson consolatrice) de F.

von Schober. À la fin de 1816, il décide de se libérer de ses fonctions scolaires.

Il rompt aussi tout lien avec sa famille

et s’installe en décembre chez son ami Schober. Enfin libre, après quelques tentatives pour trouver un poste fixe, il va maintenant mener une vraie vie de bohème. En 1817, il revient à un genre qu’il admire chez Beethoven*, la sonate pour piano ; après de multiples essais, il termine cinq sonates (si, la mineur, mi, mi bémol et la bémol majeur), dans lesquelles il tente d’esquisser la forme cyclique. Ses andante sont des lieder très développés et d’une luxuriante harmonie. Tandis que l’opéra de Vienne joue les oeuvres de Rossini*, sa sonate pour piano et violon en la majeur, ses ouvertures en ré et en ut majeur ainsi qu’une 6e « petite symphonie », en ut majeur, se parsèment d’italianismes. Ses lieder de 1818, tels Am Bach im Frühling (Au bord du ruisseau au printemps) de Schober et Fahrt zum Hades (Descente aux enfers) de Mayrhofer, portent aussi la marque de cette influence. Par contre, d’autres, comme Die Forelle (la Truite) de Schubart et Der Tod und das Mädchen (la Jeune Fille et la mort) de M. Claudius, y échappent complètement. Dans un genre aussi personnel que le lied* —

mais beaucoup moins bien connu —, le choeur, il faut aussi citer celui pour voix d’hommes : Gesang der Geister über den Wassern (Chant des esprits sur les eaux) de Goethe.

Schubert obtient en juillet 1818 la charge de maître de musique des deux filles du comte Esterházy et part pour Zseliz (Hongrie), satisfait d’avoir enfin trouvé un emploi. À l’intention de ses jeunes élèves, il compose des pièces pour piano à quatre mains — qui, pour lui, symbolisent l’amitié — et des marches militaires. C’est lors de ce séjour que, logé dans les dépendances du château, il connaît une jolie sou-brette qui sera à l’origine du mal dont il souffrira plus tard. Mais, loin de ses amis, il a la nostalgie de Vienne. Au bout de quelques mois, il rejoint Mayrhofer et vit momentanément chez lui.

L’été suivant (1819) lui offre une autre diversion. Schubert part en vacances pour Steyr, en Haute-Autriche, avec son ami le chanteur Johann Michael Vogl (1768-1840), depuis deux ans l’interprète idéal de ses lieder. Après un détour par Linz, il rentre à Vienne en septembre. L’été a vu naître une

sonate pour piano en la majeur et le quintette la Truite pour piano et cordes, dont le scherzo est un thème varié sur le lied bien connu. Dans ses nouveaux lieder, Schubert préfère maintenant les poètes romantiques, les frères Schlegel, F. Novalis, F. Rückert, L. Uhland, etc. Dans Der Wanderer (le Voyageur) de F. von Schlegel et Nachthymne

(Hymne nocturne) de Novalis, le style se charge de correspondances et de symboles. Mais, devant le succès de Rossini, Schubert s’obstine à croire que seul le théâtre le libérera totalement.