Schuman (Robert)
Homme politique français (Luxembourg 1886 - Scy-Chazelles, Moselle, 1963).
Les débuts
Issu d’une famille lorraine émigrée au Luxembourg pour fuir l’occupation allemande, il fait ses études secondaires à Metz, puis ses études supérieures à Bonn, à Berlin et à Strasbourg. Après l’obtention de son doctorat en droit, il entame une carrière d’avocat à Metz (1910), mais il lui faudra attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour entrer dans la politique.
Élu député de la Moselle (1919), il siège dans les rangs de l’Union républicaine démocrate, puis, à partir de 1931, avec les démocrates-populaires.
Membre de la Commission des fi-
nances de l’Assemblée nationale, puis président de la Commission d’Alsace-Lorraine (1928-1936), il ne joue pas à l’époque, néanmoins, un rôle de premier plan.
En septembre 1939, il est chargé
d’organiser l’accueil des Alsaciens et des Lorrains évacués. Il continue à s’occuper des réfugiés au sein du cabinet Paul Reynaud, où il fait son entrée avec le portefeuille de sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil, portefeuille qu’il conserve dans le ministère présidé par le maréchal Pétain*.
Il vote les pleins pouvoirs à ce dernier (10 juill. 1940), mais, le lendemain, donne sa démission.
Rentré à Metz (août 1940), il s’élève publiquement contre les expulsions de Lorrains auxquelles procèdent
les Allemands, ce qui lui vaut d’être emprisonné, puis envoyé en résidence surveillée à Neustadt. Il s’échappe et gagne la zone non occupée (1942), où il vit clandestinement jusqu’à la Libé-
ration. Cette attitude explique qu’en dépit de son vote pour Pétain en juillet 1940 un jury d’honneur lui rende alors son éligibilité, lui permettant ainsi de reprendre sa carrière parlementaire et de retrouver son siège de député de la Moselle (oct. 1945).
Devenu l’un des principaux leaders du Mouvement* républicain populaire
(M. R. P.), R. Schuman est successivement rapporteur général, puis président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Il reçoit ensuite downloadModeText.vue.download 605 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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le portefeuille des Finances dans les cabinets Georges Bidault (juin - nov.
1946) et Paul Ramadier (janv. - nov.
1947), à qui il succède à l’hôtel Matignon (nov. 1947 - juill. 1948). Pris entre le R. P. F., d’une part, et le parti communiste, de l’autre, il tente de s’appuyer sur une « Troisième Force »
et, contre la multiplication des grèves qui prennent alors par endroit des allures quasi insurrectionnelles et au sein desquelles les communistes jouent un rôle important, il décide le rappel de 80 000 réservistes et fait adopter par le Parlement une législation réprimant les actes de sabotage dans les entreprises industrielles.
Mais c’est en tant que ministre des Affaires étrangères (juill. 1948) qu’il accomplit son oeuvre de loin la plus importante : il reste en effet au quai d’Orsay sous huit ministères (juill.
1948 - déc. 1952).
Le « père de l’Europe »
Ses succès dans le domaine de la politique atlantique et européenne compensent son impuissance à donner, malgré ses désirs, une réponse libérale aux revendications nationalistes qui s’expriment en Tunisie et au Maroc (il en rendra responsable l’autonomisation des autorités françaises locales vis-
à-vis du gouvernement). R. Schuman défend alors avec la même conviction devant la Chambre le statut du Conseil de l’Europe et le traité de l’Atlantique* Nord, à la signature duquel il représente la France (4 avr. 1949).
Également attaché à l’alliance avec les États-Unis et à l’idée de la construction européenne, il considère que la condition préalable à cette construction est la réconciliation entre la France et l’Allemagne.
Le 9 mai, il rend public ce que l’on
appellera par la suite le « plan Schuman » (bien que son inspiration soit due à Jean Monnet). C’est à la fois le coup d’envoi de la construction de l’Europe*
et un exposé des principes qui doivent y présider : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » R. Schuman conçoit la construction de l’Europe « brique à brique », et son intention est de créer un état d’esprit européen en favorisant dans un premier temps le rapprochement franco-allemand. Ce projet prend forme avec la mise sur pied, en 1951, de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (C. E. C. A.), qui prévoit la mise en commun de la production de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, auxquelles d’autres pays européens pourront se joindre s’ils le désirent. À tous points de vue, l’entreprise est un précédent, d’abord du fait de l’abandon par des États européens d’une part de leur souveraineté au bénéfice d’un organisme supranational, la Haute Autorité de la C. E. C. A., et ensuite de par son succès qui préfigure la signature du traité de Rome (25 mars 1957) et la création du Marché commun.
Toutefois, lorsqu’il entreprend de faire passer la coopération avec l’Allemagne du simple domaine de la production de charbon et d’acier au domaine militaire, R. Schuman se heurte à l’opposition résolue d’une grande partie de l’opinion française, où se retrouvent mêlés aussi bien communistes que gaullistes du R. P. F., avec des motivations d’ailleurs totalement diffé-
rentes. Il ne réussit pas à faire adopter le principe de la création d’une armée européenne, appelée Communauté européenne de défense (C. E. D.).
Lorsque l’Assemblée nationale re-
jette définitivement la C. E. D. (août 1954), il consacre déjà depuis deux ans une part essentielle de son activité à parcourir l’Europe et à y développer infatigablement des idées d’unification. Ce « pèlerin de l’Europe » trouve néanmoins le temps de participer aux travaux de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée et de présider la délégation française à l’O. N. U.
(1955).
En 1955, il est ministre de la Justice dans le cabinet Edgar Faure, mais c’est la dernière fois qu’il occupe un fauteuil ministériel. En 1960, il renonce à présenter de nouveau sa candidature à la présidence du Parlement européen, dont il est le titulaire depuis la création de cet organisme (1958). Un an après son retrait de la vie parlementaire (nov.
1962), il meurt dans le village où il s’est retiré.
Cet homme d’allure humble, qui dis-simulait sous une apparence contenue une grande fraîcheur d’esprit, était un orateur ennuyeux, mais qui convain-quait ses interlocuteurs à force de persévérance et d’honnêteté. En butte tout au long de sa carrière ministérielle à l’hostilité tant de l’extrême droite que de l’extrême gauche, il a joui, en revanche, d’une grande estime dans les milieux du centre et des modérés. Il reste, aux côtés de Konrad Adenauer et d’Alcide De Gasperi, le « père de l’Europe », étranger à tout nationalisme, au point que l’on a pu le dépeindre en ces termes : « Luxembourgeois de naissance, germanique d’éducation, romain de toujours et français de coeur. »
C. M.
F Europe / Mouvement républicain populaire /
République (IVe).
L. Hermann, Robert Schuman. Ein Porträt (Freudenstadt, 1968 ; trad. fr. Robert Schuman.
Un portrait, Dalloz, 1969). / R. Hostiou, Robert Schuman et l’Europe (Cujas, 1968). / R. Rochefort, Robert Schuman (Éd. du Cerf, 1968).
Schumann
(Robert)
Compositeur allemand (Zwickau,
Saxe, 1810 - Endenich, près de Bonn, 1856).
Aperçu psychologique