N. P.
Rennes,
ville d’art
De l’antique cité de Condate ne subsistent plus que des céramiques, des fragments lapidaires et des traces de l’enceinte gallo-romaine, quai Duguay-Trouin. La ville médiévale n’a survécu qu’en partie à l’incendie de 1720. La porte Mordelaise, qui servait aux entrées solennelles, et la tour Duchesne rappellent l’enceinte du XVe s. La tour de Saint-Mélaine (auj. Notre-Dame) et les chapiteaux de son cloître (au musée de Bretagne) permettent d’évoquer l’art roman, tandis que le choeur et la nef de cette église, la chapelle Saint-Yves, l’église Saint-Germain malgré sa façade classique montrent le développement du style flamboyant dans la cité. Des maisons à pans de bois, certaines avec des sculptures comme celle dite « de du Guesclin », demeurent dans la vieille ville autour de la cathédrale.
La fortune artistique et monumentale de Rennes est liée à l’installation du parlement de Bretagne dans la ville. Son palais, aujourd’hui palais de justice, fut construit à partir de 1618 par Germain Gautier, ou Gaulthier (1571-?), dont les plans furent revus par Salomon de Brosse. L’édifice s’assoit sur un rez-de-chaussée de granit à décor de bossages. La décoration inté-
rieure se poursuivit pendant toute la seconde moitié du XVIIe s. avec le concours
des peintres Charles Errard le Jeune (v. 1606-1689), Jean-Baptiste Jouvenet (1644-1717), Ferdinand Elle (1648-1717).
La Grand-Chambre est particulièrement riche, avec ses boiseries sculptées par Pierre Dionis et son plafond peint par Noël Coypel*. En même temps que le palais du parlement s’élevèrent de nombreux hôtels particuliers pour les conseillers, la façade à deux tours de la cathédrale, les bâtiments abbatiaux de Saint-Georges, le nouveau cloître mauriste de Saint-Mélaine et le collège des Jésuites, dont la chapelle, maintenant église de Toussaints, est attribuée aux architectes Martellange (1569-1641), François Derand (1588-1644) et Charles Tourmel et dont l’intérieur s’enrichit d’un retable exécuté par deux artistes de Laval, Martinet et François Houdaut.
Après l’incendie de 1720, de nouveaux plans de la ville furent dressés par l’ingé-
nieur Robelin, auquel succéda Jacques V
Gabriel*, qui modifia la façade du parlement pour l’adapter à une place royale, avec des édifices à arcades au rez-de-chaussée et un décor d’ordre ionique colossal au-dessus. Une statue de Louis XIV
(disparue) par Antoine Coysevox y fut inaugurée en 1726. Vers 1730, Gabriel conçut l’actuelle place de la Mairie, avec la tour de l’horloge, dite « le gros », entre deux ailes incurvées et avec une niche pour la statue en pied de Louis XV par Lemoyne*, inaugurée en 1754 (il en subsiste la maquette en terre cuite au musée). De nouveaux hôtels s’élevèrent, comme l’hôtel de Blossac. À
la même époque, Rennes développa une production de faïences qui sont devenues aujourd’hui très rares.
La cathédrale, sauf la façade, fut reconstruite après la Révolution et ornée de stucs par Charles Langlois. L’art du XIXe s. fut aussi illustré par une audacieuse ossature métallique conçue par Labrouste pour l’ancien grand séminaire. Le musée des Beaux-Arts et le musée de Bretagne ont recueilli les souvenirs précieux de la ville à côté de riches collections de peintures anciennes.
A. P.
F Bretagne / Ille-et-Vilaine.
A. Guillotin de Corson, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes (Fougeray, Rennes, 1880-1884 ; 5 vol.). / P. Banéat, le Vieux Rennes (Larcher, Rennes, 1925). / A. Meynier et M. Le
Guen, Rennes (la Documentation fr., « Notes et études documentaires », 1966). / H. F. Buffet, Rennes, ville d’art et d’histoire (Archives d’Ille et Vilaine, Rennes, 1967). / J. Meyer (sous la dir. de), Histoire de Rennes (Privat, Toulouse, 1972). / C. Nières, la Reconstruction d’une ville au XVIIIe siècle : Rennes, 1720-1760 (Klincksieck, 1973). / M. de Mauny, l’Ancien Comté de Rennes Peintre français (Limoges 1841 -
Cagnes-sur-Mer 1919).
ou Pays de Rennes (Roudil, 1974).
Renoir (Auguste)
Renoir occupe dans l’impression-
nisme* une place prépondérante. C’est en effet à lui et à Monet* (dont il suivit l’exemple) qu’on est redevable des premiers tableaux peints selon cette technique qu’on appellera « impressionniste », dans lesquels la lumière auréole des espaces vibrants et où les impulsions du sentiment engendrent une fraîcheur atmosphérique nouvelle.
Mais, à l’encontre de Monet, Renoir ne peut guère concevoir un tableau sans la présence humaine. Aussi, tout en s’adonnant au paysage, il sera avant tout un peintre de figures et plus encore le peintre de la femme. Il campera des attitudes qui font penser à Boucher, à Fragonard, mettant en valeur la grâce charnelle d’une façon exquise. Ses couleurs elles-mêmes, d’une grande finesse, participeront à l’ambiance douce-acide des motifs, que le regard des personnages, plein du désir d’amour, « sensualise ».
Fils d’un modeste tailleur limousin établi en 1844 à Paris, Auguste Renoir passe son enfance dans divers quartiers de la capitale. S’il révèle à l’école communale des aptitudes pour le dessin, il ne se montre pas moins doué pour le chant et la musique, ce qui attire l’attention de Charles Gounod, maître de chapelle de l’école, qui conseille à son père de l’orienter vers une carrière musicale. Mais M. Renoir juge plus raisonnable de tirer parti de la vocation plastique de son fils. À treize ans, celui-ci est placé en apprentissage dans un atelier où il s’applique à peindre des bouquets de fleurs sur des assiettes et tasses en porcelaine. Grâce à son habileté, il a, quelques mois après son
arrivée, accompli de tels progrès qu’on lui confie les pièces les plus délicates.
Mais les commandes se faisant de plus en plus rares, la fabrique qui l’emploie le licencie en 1857. Avant de trouver une situation stable dans une maison spécialisée dans la confection de stores, on le voit s’employer à divers métiers : il orne notamment des éventails et décore de peintures murales plusieurs cafés de Paris.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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Ayant fait de substantielles économies, Renoir peut donner suite à son rêve le plus cher : suivre les cours de l’École nationale des beaux-arts.
Reçu, au début de 1862, au concours d’admission, il s’inscrit à l’atelier de Charles Gleyre (1806-1874). Bien
qu’élève studieux, ses professeurs le jugent indiscipliné, lui reprochant des hardiesses de style inhabituelles en ce lieu. Agacé par ses couleurs vives et sa manière réaliste de voir le motif, Gleyre lui demande un jour : « C’est sans doute pour vous amuser que vous faites de la peinture ? — Mais certainement, répond Renoir ; et si ça ne m’amusait pas, je vous prie de croire que je n’en ferais pas. » À l’automne de 1862, Renoir se lie d’amitié avec Alfred Sisley, Claude Monet et Fré-
déric Bazille, nouvellement entrés dans l’atelier Gleyre. Tous les trois professent ouvertement leur admiration pour les peintres anticonformistes de l’époque. C’est grâce à Monet que Renoir et ses nouveaux amis prennent connaissance de ce qui se trame dans l’art, car Monet a été à bonne école : il a connu Boudin* et Jongkind*, les peintres de plein air, ainsi que Camille Pissarro, et il s’est aventuré à la brasserie des Martyrs, lieu de rencontre des partisans du réalisme*, disciples de Courbet*. L’équipe qui allait dix ans plus tard constituer le noyau des impressionnistes se trouve réunie lorsque Bazille, au bout de quelques mois, présente à ses camarades Cé-
zanne* et Pissarro, qui travaillent à l’académie Suisse. Il serait cependant juste de rappeler que Renoir n’est pas,