Ancienneté
Connus depuis le Silurien, les Scorpions ont traversé les temps géologiques sans subir de modifications importantes ; on peut les considérer comme des « fossiles vivants ». Les Palaeophenus siluriens avaient des tarses sans griffes ; trouvés dans des sédiments marins, ils vivaient, pense-t-on, près du littoral, par conséquent dans des conditions fort différentes de leurs descendants actuels. Dès le Carbonifère apparaissent des Scorpions à griffes, très comparables à ceux d’aujourd’hui.
M. D.
F Arachnides.
L. Berland, les Scorpions (Stock, 1945).
Scot Érigène
(Jean)
Théologien scolastique (en Irlande v. 810 - v. 877).
L’oeuvre de Jean Scot, dit l’Éri-gène, a exercé une influence profonde sur la pensée latine à partir du XIIe s.
environ. Son trait le plus remarquable est d’avoir fait connaître en Occident l’oeuvre spirituelle du pseudo-Denys l’Aréopagite, tenu alors pour le disciple de saint Paul, et celle de Maxime le Confesseur. Avec Jean Scot Érigène est apparu dans le monde latin ce qu’on appelle la théologie négative. Mais, en bon néo-platonicien, le théologien a accordé aussi une place importante à la raison. Il a suscité enfin une réflexion sur la nature qui a eu des répercussions lointaines en philosophie et en théologie.
Né en Irlande (appelée autrefois Erin ou Scotia ; d’où le pléonasme Scot Éri-gène), Jean Scot est vers 846 à la tête de l’école du palais de Charles II le Chauve. Il prend parti à cette époque contre la théorie de la double prédestination (au bien et au mal) de Gottschalk d’Orbais, en affirmant que le mal n’a pas de réalité et qu’il porte en soi son propre châtiment du fait qu’il ne conduit à aucun bien. Pour démontrer la prédestination au bien, il invoque la divinisation de l’homme, consécutive à la manifestation de Dieu (théophanie). Cette notion va être désormais au centre de sa pensée.
Pour cela, Jean Scot a recours aux Pères de l’Église grecque. Vers 860, downloadModeText.vue.download 11 sur 627
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 18
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il traduit les oeuvres du pseudo-Denys, puis les Ambigua de Maxime le Confesseur, le De opificio hominis de Grégoire* de Nysse et les Quaestiones ad Thalassium de Maxime. Le choix de ces oeuvres, encore peu connues à
l’époque, révèle un maître éminent.
Scot commente ensuite lui-même le pseudo-Denys et rédige son ouvrage capital sur la nature, De divisione naturae (De la division de la nature, 865).
Parmi ses derniers écrits, il faut citer encore une Homélie sur le Prologue de saint Jean (Homilia in prologum sancti Evangelii secundum Ioannem) et un Commentaire sur l’Évangile de saint Jean (Commentarius in sanctum Evan-gelium secundum Ioannem). On a de lui aussi des poésies diverses.
Grec et néo-platonicien par la
pensée, Érigène est augustinien par la formation et la culture. Pour lui, l’histoire du monde est fondée sur les théophanies, mais celles-ci sont, à ses yeux, la conséquence de la chute de l’homme. L’esprit (mens, animus, intellectus), déchu de sa condition primordiale, s’est obscurci à la suite de la faute d’Adam. L’unité première des causes est perdue, le péché originel ayant provoqué la procession (proo-dos, exitus, exil) des causes au sein de la multiplicité spatio-temporelle, d’où est sorti l’univers créé. Mais cette situation d’« irruption » et d’« inondation » des causes est provisoire, car les causes sont entrées dans un processus de conversion (epistrophè) et de retour (reditus) à l’unité. Dans la condition présente, ce retour est aidé par la nature elle-même, qui demeure image de Dieu, et par la révélation. Cependant, l’intelligence déchue ne consent, en définitive, à la conversion à laquelle elle est appelée que par une motion de la grâce et par la divinisation. Celle-ci est possible non seulement parce que l’âme demeure l’image de Dieu, mais parce que le Christ agit à l’intime de l’intelligence pour la conformer au Verbe. La divinisation est ainsi le terme qui, chez Scot Érigène, englobe tout le processus de salut des natures créées, au terme duquel celles-ci ne se définiront plus comme créatures individuelles et autonomes, car « Dieu seul apparaîtra en elles ».
Ce cycle de création et de salut, héritage du néo-platonisme, évoque certaines spéculations gnostiques, voire panthéistes. Il n’en est rien cependant, car l’inspiration de Scot Érigène, plus encore que celle du pseudo-Denys, est celle de la voie dite « négative ». Scot
Érigène va même jusqu’à rejeter tous les noms de Dieu et à écarter tout usage de la notion de relation pour l’appliquer à Dieu. Les grands scolastiques du XIIIe s., saint Thomas* d’Aquin en particulier, devront s’appliquer à réfuter cette position. Dans son commentaire du pseudo-Denys, Scot Érigène affirme que les superlatifs dont use ce dernier pour parler de Dieu ne posent, en définitive, aucune affirmation au-delà de la négation ; ils ne font qu’accentuer l’obligation spirituelle de négation, si bien que les images tératologiques de Dieu sont d’un meilleur usage que les attributs positifs, puisqu’elles ne peuvent induire l’esprit en erreur. Leur rôle est purement anagogique. La dissemblance fournit une meilleure métaphore que la ressemblance.
Par un singulier renversement, Scot déclare que, une fois affranchie des passions et des erreurs auxquelles elle est soumise du fait du péché, la raison retrouve sa judicature au coeur de la divinisation. Elle juge de toute autorité et même de l’Écriture. De même, la nature, lorsqu’elle est comprise par-delà sa division en objets, devient le lieu d’une contemplation unifiante pour l’esprit. La raison est ainsi considérée à la lumière même du Verbe, et elle participe à sa préexistence, alors que la parole de l’Écriture demeure partielle, provisoire et pédagogique, puisqu’elle s’adresse à un homme encore sous l’empire du péché.
Dans le De divisione naturae, Scot Érigène répartit la nature en quatre catégories ou fonctions : la « nature qui crée et n’est pas créée », qui s’identifie à la divinité elle-même ; la « nature qui est créée et qui crée », c’est-à-dire le monde des causes ou des archétypes, coéternels à Dieu, mais non coes-sentiels, puisque émanant de lui ; la
« nature qui est créée et ne crée pas », c’est-à-dire les êtres créés, sensibles ou intelligibles, qui sont autant de manifestations de Dieu, de théophanies ; la
« nature qui ne crée pas et n’est pas créée », qui est Dieu, en tant que tout retourne à lui et devient pleinement manifeste en lui. Ce traité, aux accents panthéistes, fut censuré à Paris en 1210
et par Honorius III au concile de Sens (1225), mais ces condamnations ne
l’empêchèrent pas d’avoir un grand rayonnement au cours des âges.
B. D. D.
F Moyen Âge (philosophie du) / Patrologie.
G. Théry, Scot Érigène, traducteur de Denys (Champion, 1931). / M. Cappuyns, Jean Scot Érigène, sa vie, son oeuvre, sa pensée (Desclée De Brouwer, 1933 ; nouv. éd., Culture et Civilisation, Bruxelles, 1965). / J. Trouillard,
« L’unité humaine selon Jean Scot Érigène », dans l’Homme et son prochain (P. U. F., 1956).
/ R. Roques, « Remarques sur la signification de Jean Scot Érigène », dans Miscellanea A. Combes (Rome, 1967) ; « Valde artificialiter : le sens d’un contresens, à propos de Scot Éri-gène, traducteur de Denys », dans Annuaire de l’École pratique des hautes études, t. XXII (1970).
Scott (sir Walter)
Écrivain écossais (Édimbourg 1771 -
château d’Abbotsford 1832).
Pour le meilleur et pour le pire, combien de livres d’une espèce spéciale, toute tournée vers le passé, n’auraient pas vu le jour si un certain gentleman écossais à l’esprit frémissant du choc des noms et des armes de temps révolus n’avait donné le signal de départ d’un genre littéraire qui allait faire fortune : le roman historique, plus florissant que jamais aujourd’hui ! Rien ne semble, a priori, destiner le jeune Walter Scott, promis bourgeoisement aux lois par son père, notaire à Édimbourg, à cette paternité romanesque. Pourtant, quand il accède au barreau écossais en 1792, il porte déjà en lui un monde de légende. Une enfance délicate, frappée au tout début par une poliomyélite, vaincue à force de volonté, l’incline tôt à la consommation effrénée de livres.