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Dans les autres centres musicaux d’Europe, la symphonie semble s’être intégrée très vite aux usages. À Paris, très tôt désolidarisée de la suite de danses grâce à Michel Richard Dela-lande*, à Jean Joseph Mouret (1682-1738), à Jacques Aubert (1689-1753), à Gabriel Guillemain (1705-1770), à Charles Henri de Blainville (1711-1777), puis à J. Papavoine et à André Grétry*, elle a joui d’une immense faveur, au point que plus d’un millier de symphonies ont été identifiées par Barry S. Brook entre 1730 et 1789. Le créateur le plus avancé et le plus atta-

chant reste François Joseph Gossec*, dont la tardive Symphonie à dix-sept parties (1809) domine toute la production du XVIIIe s. français. Les concerts sous l’Ancien Régime, dont Michel Brenet a étudié le fonctionnement et retrouvé les programmes, ont accueilli largement les partitions des musiciens de Mannheim*, que le prince-électeur du Palatinat Charles-Théodore avait rassemblés vers 1750 pour former l’un des meilleurs orchestres d’outre-Rhin.

Parmi ces instrumentistes et compositeurs figurent les noms de Johann et Carl Stamitz, de Franz Xaver Richter, d’Ignaz Holzbauer, de Johann Christian Cannabich, de Franz Beck et d’Anton Filtz, dont les symphonies ont définitivement consacré des techniques de forme et d’instrumentation jusqu’alors facultatives. À Vienne, la capitale où s’édifia le grand art classique de la fin du XVIIIe s., Mozart a été immédiatement précédé par des compositeurs fort prolifiques, tels Mathias Georg Monn (1717-1750), Georg

Christoph Wagenseil (1715-1777), Jan Křtitel Vaňhal (1739-1813), Carl Ditters von Dittersdorf (1739-1799) et Johann Michael Haydn*. Tous ces pionniers ont contribué à asseoir la symphonie sur des bases stables : une forme sûre et assez souple pour recevoir une inspiration même débordante, des thèmes soigneusement profilés en vue de développements intelligents et sensibles, une instrumentation banali-sée, qui, si elle sacrifiait souvent à des impératifs commerciaux bien compré-

hensibles, n’en possédait pas moins des qualités incontestables.

Ainsi préparés, Joseph Haydn* et Mozart* ont embelli l’art de la symphonie et l’ont porté à un tel état de perfection qu’après eux d’autres itiné-

raires étaient impérativement à découvrir. Après les sommets que représentent les trois symphonies de 1788 de Mozart et les douze « londoniennes »

de Haydn (1791-1795), Beethoven* re-

çoit le rôle délicat d’élargir le dispositif symphonique classique pour y inscrire les éléments d’un nouveau langage.

Aboutissement ou point de départ, les symphonies de Beethoven ont retenu, dans leur diversité, l’exemple classique tout en ouvrant de larges brèches dans l’avenir. Avec Haydn s’est éteinte la

race de ces puissants symphonistes qui écrivaient jusqu’à cent symphonies.

Beethoven et, à sa suite, les romantiques se contenteront de la dizaine en s’appliquant à donner à chacune d’elles une individualité marquée. Ce changement radical de l’esprit de la symphonie s’est accompagné d’une transformation des moyens d’expression. La division quadripartite s’est maintenue, mais le contenu de chaque mouvement s’est étoffé et l’instrumentation s’est amplement modifiée. Les symphonies de Beethoven n’ont pas arrêté les compositeurs dans leur élan ; elles ont, au contraire, stimulé leur esprit créateur.

Du tronc commun que constitue la trinité Haydn-Mozart-Beethoven a jailli une double génération de musiciens. Dans la descendance directe du maître de Bonn se situent Mendelssohn*, Bruckner* et Brahms*, Schubert* et Schumann* ayant évolué hors circuit vers une formule propre. À cette lignée se rattachent dans les nations de l’Europe du Nord et de l’Est Sibelius*

en Finlande, Dvořák* en Tchécoslovaquie et Tchaïkovski* en Russie.

Parallèlement et malgré les vastes incursions de Berlioz* (Symphonie fantastique) et de Liszt* (Faust-Symphonie) dans le domaine de la symphonie à programme, la France a repris tardivement la tradition classique à son compte. À côté de Gounod*, de Bizet*, de Saint-Saëns* et de Lalo*, une nouvelle école symphonique française s’est créée sous l’impulsion géniale de César Franck*, qui a donné naissance aux chefs-d’oeuvre d’Ernest Chausson (1855-1899), de Vincent d’Indy*, d’Albéric Magnard (1865-1914), de Dukas*, etc. Franck a imaginé une refonte totale des structures internes de la symphonie en les associant à une nouvelle conception des relations tonales. De 1890 à 1910, Gustav Mahler*

amplifia la symphonie en un ensemble à la fois gigantesque et composite, où s’associent dans une polyphonie tentaculaire et un chromatisme harmonique étrangement prophétique le choral allemand, le lied romantique, vocal ou instrumental, et l’esprit de la musique à programme, tout cela sous l’égide de la grande variation beethovénienne.

Tandis que les compositeurs fran-

çais du début du XXe s. délaissaient la symphonie, la réaction aux immenses constructions mahlériennes se manifestait dans la personne de A. Schönberg*, qui écrit en 1906 une symphonie de chambre pour quinze instruments solistes, où la forme se contracte en un mouvement récapitulatif. Ce resserrement de la formule symphonique n’a pas affecté réellement la démarche créatrice des symphonistes du XXe s., qui se sont frayés d’autres issues, tel Igor Stravinski* dont les symphonies d’instruments à vent et la Symphonie de psaumes n’offrent plus aucun rapport avec Haydn. Au travers des symphonies de Prokofiev*, de Honegger*, de Roussel*, de Milhaud*, de Hindemith*, de Nikolaï Miaskovski (1881-1950), de Chostakovitch*, de Karl Amadeus Hartmann (1905-1963), on voit combien l’imagination symphonique se renouvelle et reste vivace, downloadModeText.vue.download 617 sur 627

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 18

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malgré la fidélité de ces musiciens à des structures finalement assez conservatrices. Plus qu’une forme de pure imagination, ce qui importe, c’est une nouvelle manière de faire sonner l’orchestre.

Écriture et

instrumentation

de la symphonie

Harmonique ou linéaire, l’écriture de la symphonie est étroitement liée à l’instrumentation ; le choix de l’instrumentation précise, colore et personnalise les lignes mélodiques. Dans les premières symphonies répondant à cette appellation, l’orchestre s’appuyait essentiellement sur le quatuor à cordes — les contrebasses doublant les violoncelles à l’octave inférieure —, tandis que les bois (flûtes ou hautbois et clarinettes) se limitaient à doubler les violons, et les cuivres (deux cors ad libitum) à affirmer les axes harmoniques. Avec Mozart et Haydn, on assiste à l’émancipation graduelle des vents en un groupe autonome et cohé-

rent. Beethoven fera de l’opposition cordes-vents le principe de sa musique.

Chez lui, on rencontre les premiers vrais exemples de « durchbrochene Arbeit », c’est-à-dire la distribution successive d’un motif à tel ou tel instrument ou groupe d’instruments, et aussi le procédé du passage systématique d’un motif d’un registre à l’autre et dans l’éventail des sonorités.

L’art de l’orchestre a été codifié principalement par Berlioz dans son Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes (1844), qui fut réajusté par Richard Strauss et C. M. Widor. Pour objectives qu’elles soient, les règles de cet art n’acquièrent de valeur que par celui qui les emploie.

Parfois, le génie de l’instrumentation précède ou sert à masquer un génie musical inexistant. Les romantiques ont tous écrit pour le même type d’orchestre : cordes, bois par paires, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, timbales (éventuellement triangle, grosse caisse et cymbales) ; ils en ont tiré des effets d’ensemble très personnels, même lorsqu’on les a jugés lourds (Schumann), épais (Brahms) ou démesurés (Berlioz). L’enrichissement de l’appareil orchestral, amorcé par Wagner, a reçu un complément avec Mahler, qui pratiqua les bois par quatre, exigea au moins huit cors et renforça les percussions traditionnelles par un arsenal très divers. Le développement numérique des instrumentistes de l’orchestre a entraîné la création du personnage capital qu’est le chef d’orchestre, le maître d’oeuvre de l’orchestre de la symphonie. Une multitude de combinaisons ont été essayées sur le support symphonique : cordes seules (Mendelssohn, Honegger), instruments à vent seuls (Richard Strauss, Hindemith, Milhaud) et tous les mélanges imaginables à partir d’une assise de cordes indispensable.