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C’est à ce syndicalisme que vont en France, avant la Première Guerre mondiale, les sympathies des syndicats du livre et souvent des syndicats de mineurs. Auguste Keufer (1851-1924), secrétaire général de la Fédération des travailleurs français du livre, défend ces conceptions non sans vigueur ni habileté dans les congrès de la C. G. T., où l’atmosphère ne lui est guère favorable. C’est également ce syndicalisme réformiste que pratiquent les dirigeants des trade-unions britanniques ou de l’American Fédération of Labor (AFL), qui, à leurs débuts du moins, reposent sur un syndicalisme de métier en mesure de faire jouer au profit des salaires ouvriers la loi de l’offre et de la demande, par une raréfaction volontaire de la main-d’oeuvre qualifiée.

Un second type de syndicalisme est caractérisé par l’alliance avec le parti socialiste — en Allemagne, dans les pays Scandinaves, en Suisse, en Belgique par exemple. Les dirigeants des syndicats adhèrent dans leur ensemble à la vision socialiste de la société.

Entre le parti et les syndicats s’opère alors une division du travail : les syndicats mènent les luttes ouvrières et conseillent le parti en matière de législation sociale ; ils le soutiennent dans les élections. Le parti se fait le porte-parole des syndicats dans les Assem-

blées législatives. Souvent, la pratique syndicale pèse sur le parti dans un sens réformiste et l’amène à se détacher des vues théoriques qu’on entretenait initialement.

y Plus ambitieuse est la concep-

tion syndicaliste révolutionnaire qui domine la C. G. T. française d’avant 1914 et qui influence aussi les syndicats italiens et espagnols, voire, aux États-Unis, les Industrial Workers of the World (IWW). Pour les partisans de cette conception, le syndicalisme est le seul mouvement qui puisse réaliser la révolution nécessaire. La transformation sociale ne peut venir ni du bulletin de vote, ni de l’insurrection ; elle surgira dans et par la grève générale. Son résultat sera la remise de la direction des usines aux syndicats, « la mine aux mineurs ».

L’indépendance est le maître mot du syndicalisme, qui doit se garder libre, farouchement, vis-à-vis du patronat, de l’État, de tout État même prolétarien et des partis politiques, même et surtout du parti socialiste. Jamais et nulle part ces conceptions n’ont été exprimées avec autant de force que dans la « charte d’Amiens », votée par le congrès de la C. G. T. réuni en 1906, quelques mois après le congrès d’unité socialiste de 1905. L’action directe est alors le principe premier de l’action syndicale. Ce syndicalisme tend à apporter une conception globale de la société.

y À l’opposé du syndicalisme réformiste et du syndicalisme révolutionnaire, Lénine élabore une conception de l’action syndicale fondée sur un tout autre raisonnement et auquel l’avenir donnera — après octobre 1917 — une très grande importance.

Pour lui, le syndicalisme, s’il prétend se déterminer lui-même, ne peut pas échapper au déviationnisme : déviation trade-unioniste, il croit qu’il peut faire l’économie de la révolution et sombre alors dans le réformisme ; dé-

viation anarcho-syndicaliste, il croit qu’il peut faire seul la révolution et il n’y parvient pas. Le syndicat doit donc être dirigé par le parti communiste avant-garde du prolétariat. Il ne peut être que l’école primaire du communisme. Des non-communistes

peuvent et doivent être admis dans les syndicats, où peu à peu se formera leur conscience politique. En régime capitaliste, le syndicalisme portera les revendications des masses à l’égard du pouvoir ; il sera facteur d’agitation revendicative. En régime socialiste, il aidera le pouvoir, sans se confondre avec lui, à discipliner les réactions ouvrières ; il sera également facteur de progrès ; tout en permettant de réagir contre certaines déformations bureaucratiques, il n’a pas à gérer les usines.

y À partir de 1880, en France et dans différents pays se constitue un syndicalisme chrétien. Parfois, comme en Allemagne, il est issu de scissions qui affectent les syndicats socialistes ; parfois, comme en France, il est dû à l’initiative de jeunes prêtres qui vont de l’avant avec une audace qui inquiète alors la hiérarchie catholique.

À partir de 1891, l’encyclique Rerum novarum apporte un cadre doctrinal au syndicalisme chrétien. Celui-ci répudie le matérialisme, la lutte de classes, la violence et essaye de mettre en place une société où l’organisation professionnelle jouerait un rôle important en harmonisant les rapports entre employeurs et salariés. Mais les progrès du syndicalisme chrétien sont lents, parfois limités à certains milieux proches des classes moyennés, comme celle des employés, ou aux professions où la main-d’oeuvre féminine est importante, comme le textile.

En France, il faut attendre 1919 pour que se constitue une Confédération française des travailleurs chrétiens (C. F. T. C). Ainsi se trouve ruiné le monopole confédéral dont bénéficiait la C. G. T. depuis 1895. Jusqu’à notre époque, il n’a jamais été rétabli. Dans l’histoire ouvrière de la France, le pluralisme l’emporte sur l’unité.

Le pluralisme

syndical en France

Dans le vocabulaire ouvrier, le pluralisme, c’est la coexistence de syndicats downloadModeText.vue.download 623 sur 627

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 18

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rivaux, entre lesquels le « syndicable »

virtuel peut choisir.

De 1921 à 1936, il a existé en France trois confédérations rivales :

— la C. G. T. réformiste de Léon Jouhaux, Georges Dumoulin (1877-1962) et René Belin ;

— la C. F. T. C. de Jules Zirnheld (1876-1940) et Gaston Tessier ;

— la C. G. T. U. (Confédération géné-

rale du travail unitaire), où les communistes l’ont emporté sur les anarchistes, avec G. Monmousseau, Julien Raca-mond et Benoît Frachon.

En 1934-1936, la C. G. T. U. et la C. G. T. fusionnent, les réformistes conservant d’abord la majorité.

Le Parti social français du colonel François de La Rocque (1886-1946) aide à se constituer des syndicats professionnels français (S. P. F.).

Le gouvernement de Vichy dissout toutes les confédérations et les syndicats de fonctionnaires. Mais il tolère l’activité des syndicats, des fédérations et même des unions, et, par la charte du travail d’octobre 1941, il essaie de créer un syndicalisme nouveau, unique, obligatoire et coiffé de comités sociaux.

De cette construction, la Libération ne laisse rien subsister. En juillet 1944, sortant de la clandestinité, où elles s’étaient reconstituées, la C. G. T. et la C. F. T. C. reparaissent au grand jour.

Mais ce bimonopole va être de courte durée.

Successivement on voit se créer :

— en 1944, la Confédération générale des cadres, qui ne veut grouper, au contraire des confédérations ouvrières, ouvertes à tous les salariés, que du personnel d’encadrement ;

— en 1948, la Confédération gé-

nérale du travail-Force ouvrière (C. G. T-F. O.), née d’une scission de la C. G. T., à laquelle Jouhaux et ses amis reprochent d’être sous contrôle communiste (la même année, la Fé-

dération de l’Éducation nationale

[F. E. N.] quitte la C. G. T. et s’installe dans l’autonomie) ;

— à partir de 1948, diverses confédé-

rations de syndicats indépendants, d’où se détache en 1959 une Confédération française du travail (C. F. T.), accusée par ses rivales d’être dans certaines entreprises l’instrument des directions.

En 1964, la C. F. T. C, à la majorité, décide de changer son titre, qui devient Confédération française démocratique du travail (C. F. D. T.). Mais une partie des minoritaires refuse et continue la

« C. F. T. C. maintenue ».

Enfin, en 1969, la C. G. C. voit également se détacher d’elle une partie de ses adhérents, qui crée l’Union des cadres et techniciens (U. C. T.).