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rence des trotskistes européens se réunit dès février 1944, ce n’est qu’en 1948 que pourra se tenir le IIe Congrès mondial de la IVe Internationale. Cette période d’unification de l’après-guerre sera de courte durée. À partir de 1951, de nombreuses scissions aboutissent à un véritable éclatement de l’Internationale. L’année 1952 verra l’exclusion de la majorité de la section française (groupe dit « lambertiste », du nom de l’un de ses principaux dirigeants Pierre Lambert) ; le SWP (Socialist Workers Party) américain fait scission en 1953

et crée avec d’autres groupes, dont le

« groupe Lambert », un « Comité international de la IVe Internationale »

auquel viendra se joindre, en 1959, la SLL (Socialist Labour League)

anglaise. Ce « Comité » s’oppose à la tendance dite « frankiste » (dirigée par le Français Pierre Frank et le Belge Ernest Mandel), notamment sur le problème de l’action au sein des partis communistes, rejetée par le

« Comité », et sur l’attitude à adopter face aux pays de l’Est (celle des « frankistes » étant jugée « réformiste » par le « Comité »). En 1961, le « Bureau latino-américain », autour de l’Argentin Posadas, se sépare également de l’Internationale « frankiste ». Une réunification partielle a lieu en 1963 : le courant « frankiste » et la majorité du SWP américain forment un « Secrétariat unifié » (S. U.). Mais, en 1964, la

« Tendance marxiste révolutionnaire », animée par Michel Raptis, dit Pablo, se sépare du S. U. (ce courant abandonnera en 1972 toute référence à la IVe Internationale, se consacrant exclu-

sivement à la défense d’une conception particulière de l’« autogestion »). C’est en 1964 également que le S. U. rompt définitivement avec le Lankā Sama

Samāja Party (LSSP) de Ceylan —

l’une des rares organisations trotskistes ayant une certaine importance numé-

rique —, jugé trop « opportuniste ». Il faut mentionner également l’existence de deux courants relativement importants, l’un en France (le groupe qui publie le périodique Lutte ouvrière, issu d’une tendance trotskiste d’avant guerre qui avait refusé de participer à l’unification des trotskistes français en 1944), l’autre en Grande-Bretagne (International Socialism) ; ces deux courants se réclament de la tradition trotskiste, mais se séparent sur des points essentiels des courants majoritaires en affirmant, l’un (L. O.) que les pays de l’Est (sauf l’U. R. S. S., qui reste un « État ouvrier dégénéré ») sont des États « bourgeois », l’autre (I. S.) que tous les pays de l’Est (y compris l’U. R. S. S.) sont des « capitalismes d’État ».

Après 1968, les principaux courants trotskistes ont connu un certain développement, notamment en France, mal-gré les mesures de dissolution prises à l’encontre de certaines organisations en 1968 et en 1973 (dissolution de la « Ligue communiste », tendance

S. U.). Mais les divergences restent vives entre le courant du Secrétariat unifié, qui a fusionné en France après 1968 avec des militants de la J. C. R.

(Jeunesse communiste révolution-

naire, organisation formée par des élé-

ments exclus en 1965 de l’Union des étudiants communistes), et le courant

« lambertiste » (O. C. I., ou Organisation communiste internationale), surtout en ce qui concerne l’attitude face aux mouvements du tiers monde (l’attitude du S. U. étant jugée « opportuniste » par l’O. C. I.) et l’évolution du capitalisme (l’O. C. I. maintient que le Programme de transition de Trotski, y compris dans sa partie économique,

« n’a besoin [...] d’aucune sorte de modification »). Une crise (1971-1973) ayant provoqué l’éclatement de l’ancien « Comité international », le courant du S. U. reste maintenant le seul courant trotskiste effectivement

« international ».

La signification historique du trotskisme

Comment interpréter le développement (relatif) du trotskisme à la fin des an-nées soixante ? Le trotskisme a certainement pu profiter de la crise du mouvement communiste et de l’apparition, depuis 1968 surtout, de mouvements sociaux importants qui veulent se situer à gauche des partis communistes.

Cette nouvelle situation a suscité un in-térêt, chez une fraction non négligeable de la jeunesse, brusquement politisée, pour un courant qui se présente comme l’héritier de l’époque « héroïque » de la révolution russe et du bolchevisme. Or, celui-ci a conservé un prestige indé-

niable, moins en ce qui concerne son contenu doctrinal précis, peu ou mal connu, que comme exemple d’opposition de principe et intransigeante à l’ordre social établi. Le trotskisme, en outre, face au refus de toute organisation d’une partie du courant « gau-chiste », a pu apparaître, malgré ses divisions, comme la seule tendance politique organisée ayant le droit de se réclamer de la tradition historique du mouvement ouvrier révolutionnaire.

Mais il ne faudrait sans doute pas surestimer l’importance de ce phéno-mène. Car cela ne saurait faire oublier que, historiquement et par rapport à ses propres objectifs, le trotskisme a été un échec.

Cet échec du trotskisme ne tient pas seulement à sa faiblesse numérique et à ses divisions, il se situe sur un plan plus profond : le mouvement trotskiste ne pouvait apporter une réponse aux problèmes que pose l’analyse de la société moderne sans renier certaines thèses de Trotski lui-même. Trotski croyait que l’issue de la Seconde Guerre mondiale réglerait définitivement le problème de la bureaucratie stalinienne : la guerre aboutirait à une nouvelle révolution prolétarienne ou à une restauration bourgeoise (et dans ce cas — ou si la révolution se bureaucratisait de nouveau — le monde évoluerait vers une société totalitaire, dans laquelle la civilisation sombrerait). Or, il n’y a eu après la guerre ni révolution prolétarienne (le pouvoir de la bureaucratie russe n’en est pas sorti affaibli, et son

type d’organisation sociale s’est même étendu à d’autres pays), ni restauration du capitalisme traditionnel, ni formation d’une société totalitaire à l’échelle mondiale dans laquelle les ouvriers seraient réduits au rôle d’« esclaves ».

La thèse de l’« instabilité » de la bureaucratie s’est donc vue infirmée : la réalité sociale et historique de celle-ci ne semble pas correspondre à la définition de Trotski. Cette constatation mettait déjà en question la théorie de la « révolution permanente » : le « socialisme dans un seul pays » est peut-

être impossible, mais l’édification et la survivance d’un régime bureaucratique ne le sont pas. En outre, dans certains pays du tiers monde, la révolution

« démocratique nationale » a pu être réalisée non pas par une avant-garde prolétarienne, mais par une bureaucratie politico-militaire appuyée par la paysannerie, sans que cela aboutisse à la dictature du prolétariat (au sens où l’entendait Trotski).

L’évolution de l’après-guerre a également apporté un démenti à ses pronostics sur un autre point essentiel.

Pour Trotski, le capitalisme ne pouvait plus continuer à développer les forces productives ; l’histoire avait « irrémé-

diablement » confirmé la théorie dite

« de la paupérisation croissante », et le « déclin relatif » du niveau de vie de la classe ouvrière faisait place à un downloadModeText.vue.download 561 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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« déclin absolu » ; la vie du capitalisme n’était plus qu’une « succession de crises » chaque fois « plus profondes et plus étendues ». Trotski sous-estimait ainsi l’importance et les conséquences de l’emprise croissante de l’État sur la vie économique dans les sociétés capitalistes ; et, en termes plus généraux, l’ampleur du phénomène de bureaucratisation dans tous les secteurs de la vie sociale, dans l’ensemble des sociétés modernes.

C. C. et H. E. M.