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traditions du Minnesang se prolongeront jusqu’au XVIe s., où elles animeront encore des confréries locales comme celle des Maîtres chanteurs de Nuremberg, elle aussi chantée par Wagner (car si son héros Walther est imaginaire, Hans Sachs est, lui, un Meistersinger historique).

Enfin, l’art du trouver se répandit également en Italie (Sordello [v. 1200 -

v. 1269]) et dans la péninsule Ibérique, où les chansons prirent le nom de cantiga, avec des variétés particulières comme le cantiga de amigo.

Les chansons de trouveurs peuvent

se répartir en deux catégories principales, selon qu’elles expriment les sentiments réels de l’auteur ou développent fictivement des thèmes stéréotypés. Parmi les chansons du réel, on rencontre des sujets d’actualité, tels que chansons de croisade, déplorations sur la mort d’un grand ou d’un

ami, chansons satiriques ou d’invective (sirventès) ; mais, dans leur grande majorité, on classe plutôt les chansons d’amour (de loin les plus nombreuses) parmi les chansons fictives.

À la naissance du genre

(Guillaume IX), ces chansons d’amour ont encore le ton de la plaisanterie plus ou moins grivoise ; elles s’affinent rapidement, parallèlement à l’évolution du roman courtois, et se figent au XIIIe s.

en variations sur quelques thèmes bien définis, qui découlent des canons de ce même roman. L’un d’eux, la chanson d’aube, aura son prolongement dans le Roméo de Shakespeare et le deuxième acte du Tristan de Wagner. On peut y joindre la chanson narrative sous ses deux formes principales de chanson de toile (récit d’une légende amoureuse) et de chanson pastorale, mettant en scène des bergers de convention : la bergerie décrit leurs jeux et leurs downloadModeText.vue.download 562 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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chants, la pastourelle raconte (souvent à la première personne) la rencontre du chevalier avec une bergère qu’il entreprend de séduire ; le Jeu de Robin et Marion sera le développement théâtral d’une pastourelle suivie d’une bergerie. Il nous est resté également diverses chansons de danse (parfois aux formes particulières : rondeau, virelai, ballade, ce qui les classe un peu en marge des véritables chansons de trouveur, habituellement strophiques) et des chansons de discussion, dont les unes (jeu-parti) sont la transcription, probablement a posteriori, de joutes chantées entre deux partenaires selon des règles précises (on en connaît encore l’équivalent dans divers usages locaux, tels que les chiami e respondi corses, la « dispute » portugaise, etc.), et les autres (débats) des discussions fictives entre personnages imaginaires présentés dans une strophe d’introduction.

La chanson pieuse peut être classée à part, en raison de la forte proportion qu’elle contient d’adaptations à des timbres préexistants, souvent d’origine très variée (la chanson de trouveur y

voisine avec le conduit latin, la partie de motet, la séquence ou le plain-chant) et parfois décalque plus ou moins littéral des genres profanes les plus inattendus (ainsi une pastourelle pieuse, parfois attribuée au roi Saint Louis, raconte une rencontre avec la Vierge Marie dans des termes analogues à ceux de l’aventure habituelle du chevalier dans la pastourelle). Deux recueils de chansons pieuses surtout sont célèbres : les Chansons à la Vierge, insérées par Gautier de Coincy (1177

ou 1178-1236) dans son grand récit des Miracles de Notre-Dame, et les Cantigas de Santa María, écrits à son imitation par le roi de Castille Alphonse X

le Sage*.

Une partie seulement des chansons

de trouveurs nous est parvenue notée, le plus souvent sur portée en notation non mesurée, ce qui pose à l’interprétation de difficiles problèmes, non encore entièrement résolus. Le très petit nombre de notations mesurées existantes est en général conforme à la règle des modes rythmiques proposée par Pierre Aubry en 1898 et révisée par Friedrich Ludwig en 1910 (il semble que le nom de Jean Beck, qui l’avait revendiquée, ne doive pas être retenu ici), mais tous ces manuscrits sont tardifs et présentent entre eux des divergences attestant qu’ils ne reflètent pas une tradition établie. D’autres théories (Vierhebigkeit de Hugo Riemann, formules rythmiques de Carlos Vega, etc.) ont été proposées sans s’imposer. En fait, presque toutes les transcriptions aujourd’hui en usage s’inspirent des quatre premiers modes rythmiques

d’Aubry-Ludwig, qui en ont dressé la théorie en s’inspirant des teneurs de motets : elles aboutissent à un rythme ternaire uniforme, tantôt trochaïques ou iambiques (1er et 2e mode), tantôt dactyliques ou anapestiques (3e et 4e mode, réservés aux décasyllabes pour le dactyle, aux hexasyllabes pour l’anapeste) ; il semble acquis que cette transcription est souvent abusive et que le rythme original devait être beaucoup plus libre ; il devait en tout cas, même s’il restait modal, faire beaucoup plus largement appel aux modes 5 et 6

(suites de longues, suites de brèves), qui diluent largement la monotonie des suites continues de blanches et de

noires auxquelles aboutit trop souvent la théorie des modes rythmiques appliquée sans discernement.

On doit tenir compte aussi de ce que tous les manuscrits n’ont pas la même autorité. Certains sont des manuscrits d’usage plus ou moins griffonnés par des notateurs parfois inexpérimentés : les fautes y sont fréquentes, notamment des erreurs de clefs qui peuvent mener le transcripteur ou l’analyste à de graves contresens. Il arrive que d’un manuscrit à l’autre une même chanson subisse d’importantes variantes, parfois même change complètement de

mélodie. De même, les attributions d’auteur sont parfois divergentes et souvent contestables.

La forme des chansons de trou-

veurs est habituellement strophique.

Le nombre de couplets est variable, mais chacun d’eux comporte souvent une structure interne, déterminée à la fois par l’agencement des rimes et par la mélodie. La plus fréquente est la forme dite « forme chanson », caractérisée par une reprise musicale des deux premiers vers sur les mêmes rimes : AB AB CDEF. On la retrouve fréquemment dans le choral allemand, et Wagner la commente dans la leçon que donne Hans Sachs à Walther au

troisième acte des Meistersinger. Plusieurs chansons comportent en outre une tornade, ou demi-strophe finale, qui reprend la mélodie soit du début, soit de la fin. À la fin du XIIIe s., à l’exemple du motet « enté », se répandit la mode de la chanson à refrain, farciture où alternent les vers de la chanson nouvelle, munis de leur mélodie qui se répète normalement de strophe en strophe, et des extraits de fragments populaires, dits « refrains », cités avec leur mélodie propre et qui peuvent soit se répéter, soit changer d’une strophe à l’autre, entraînant dans ce dernier cas, contrairement à ce que ferait croire le mot « refrain », un changement de mé-

lodie. Les refrains proviennent le plus souvent du répertoire des chansons de danse à forme fixe telles que rondeaux, virelais ou ballades ; répertoire que, en raison de ces formes particulières, il n’est pas d’usage de ranger parmi les chansons de trouveurs.

Les troubadours eux-mêmes, lorsque le genre se fut suffisamment développé, y introduisirent diverses classifications telles que le trobar ric (« trouver »

riche), caractérisé par la recherche des rimes riches, ou le trobar clus (« trouver » secret), caractérisé par son hermétisme et ses doubles sens (ce qui a donné naissance à diverses hypothèses sur l’influence éventuelle de doctrines ésotériques, parmi lesquelles celles des cathares), mais ces classifications restent plus littéraires que musicales.

On rappelle enfin, au témoignage de l’iconographie et de nombreuses allusions, que les chansons de trouveurs étaient le plus souvent accompagnées, habituellement sur la vièle à archet. Cet accompagnement n’a jamais donné lieu à notation spéciale.