J. C.
F Courtoise (littérature).
R. Briffault, les Troubadours et le sentiment romanesque (Éd. du Chêne, 1945). / J. Boutière et A. H. Schutz, Biographie des troubadours (Didier, 1950 ; nouv. éd., Nizet, 1964). / J. La-fitte-Houssat, Troubadours et cours d’amour (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950 ; 4e éd., 1974). / E. Hoepffner, les Troubadours dans leur vie et dans leurs oeuvres (A. Colin, 1954).
/ Les Troubadours (Desclée De Brouwer, 1960).
/ H. Davenson, les Troubadours (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1961). / R. Dragonetti, la Technique poétique des trouvères dans la chanson courtoise (De Tempel, Bruges, 1961). /
R. Nelli, l’Érotique des troubadours (Privat, Toulouse, 1963). / R. Nelli et R. Lavaud, les Troubadours (Desclée De Brouwer, 1966). / J. Maillard, Anthologie de chants de troubadours (Delrieu, Nice, 1967). / W. M. Wiacek, Lexique des noms géographiques et ethniques dans les poésies de troubadours aux XIIe et XIIIe siècles (Nizet, 1969).
Troubetskoï
(Nikolaï
Sergueïevitch)
Linguiste russe (Moscou 1890 - Vienne 1938).
Sa vie
Troubetskoï est issu de l’une des plus anciennes familles princières de Russie ; son père, Sergueï Nikolaïevitch Troubetskoï, professeur de philosophie
(auteur d’une Étude sur l’histoire du logos, 1890), membre actif du mouvement libéral, meurt en 1905 dans les fonctions de recteur de l’université de Moscou. La vocation de linguiste est extrêmement précoce puisque, dès l’âge de quinze ans, le jeune Nikolaï effectue des recherches sur les coutumes des populations finno-ougriennes et étudie des familles linguistiques isolées, non indo-européennes (langues paléosibé-
riennes, langues du Caucase). Chargé de cours à l’université de Moscou en 1915, il se livre à une critique détaillée des méthodes traditionnelles de reconstruction linguistique. En 1922, il s’installe à Vienne. Tout en poursuivant la recherche d’une nouvelle méthode de linguistique historique, il enseigne la philologie slave et provisoirement la littérature russe en appliquant à la stylistique les méthodes formelles. Il suit en même temps les développements de la linguistique générale et les premiers essais concrets d’analyse phonologique de la langue. Il correspond régulièrement avec R. Jakobson*
et participe activement aux travaux du Cercle linguistique de Prague : ce sont en particulier la préparation du Ier Congrès international de phonologie de La Haye (1928) et la rédaction des thèses de Prague qui définissent les tâches de la linguistique structurale. En 1938, l’entrée des nazis en Autriche et les persécutions dont il est l’objet pour avoir dénoncé la fausseté des théories racistes ne font qu’aggraver une maladie de coeur dont il meurt à l’hôpital sans avoir tout à fait fini d’y dicter les Grundzüge der Phonologie.
Son oeuvre
C’est à la phonologie que Troubetskoï a consacré la plus grande part de son oeuvre. Après des études historiques comme les Essais sur la chronologie de certains faits du slave commun (1922) et Polabische Studien (1929), tentative de reconstitution d’une langue morte, le polabe, où il s’efforce déjà d’expliquer les évolutions des langues par la structure de leur système, appliquant ainsi les méthodes de la phonologie à la diachronie, Troubetskoï tend à centrer ses recherches sur le système phonologique des langues modernes : Description phonologique du russe moderne
(1934). Il s’attache en même temps à dégager les lois phonologiques géné-
rales communes aux différentes langues du monde : Die phonologischen Systeme, Phonologie et géographie
linguistique, Principes de transcription phonologique (1951), Projet d’un questionnaire phonologique pour les pays d’Europe (1947). Les Grundzüge downloadModeText.vue.download 563 sur 631
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19
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der Phonologie (1939, trad. en français par J. Cantineau : Principes de phonologie, 1948) constituent la somme de ces recherches.
Les « Principes de
phonologie »
Après avoir repris en l’appliquant à l’étude des sons les distinctions saus-suriennes signifié-signifiant et langue-parole, Troubetskoï propose d’abord, dans les Principes de phonologie, une nouvelle définition du phonème, qu’il oppose à celle, trop psychologique, de Jan Baudouin de Courtenay et de Lev Vladimirovitch Chtcherba, ainsi qu’à celle, trop phonétique, de Daniel Jones, et qu’il rapproche de celle de L. Bloomfield*.
Le phonème est défini, par sa fonction dans la langue, comme la plus petite unité distinctive, c’est-à-dire la plus petite unité susceptible d’opposer sur le plan du signifiant deux signes linguistiques différents (ainsi /m/ et /b/
dans malle et balle). Le phonème (« son de la langue ») peut être réalisé par un nombre infini de variantes (« sons de la parole »). Troubetskoï se préoccupe ensuite des problèmes d’identification des phonèmes d’une langue donnée,
dont le nombre est toujours fini, et du classement des oppositions, deuxième étape de l’étude d’un système phonologique. Les traits phonologiques qui opposent les uns aux autres les phonèmes d’une même langue se ramènent à un nombre limité de types, valables non seulement pour tout système phonologique quel qu’il soit, mais pour tout système même non linguistique.
On distingue les bilatérales des mul-
tilatérales (la base commune aux deux termes de l’opposition ne se retrouve dans aucune autre : /p/ et /b/, occlu-sives bilabiales), les proportionnelles des isolées par le fait que le rapport entre les deux termes de l’opposition se retrouve dans d’autres oppositions (/p/
et /b/ s’opposent comme /t/ et /d/, /k/ et
/g/). Si on considère le rapport entre les deux termes dans les oppositions privatives, un des termes est caractérisé par l’absence d’un trait phonologique que l’autre possède, la « marque » ; dans les oppositions graduelles, la différence entre les termes consiste en une différence de qualité plus ou moins grande (la différence /e/ - /ε/ en français), tandis que dans les oppositions équipollentes, les deux termes sont d’égale valeur. Deux phonèmes en opposition privative, bilatérale et proportionnelle, forment une paire corré-
lative. Si la même marque entre en jeu dans plusieurs paires corrélatives, on a une corrélation. Un même phonème peut entrer dans plusieurs paires corré-
latives ; on a alors un faisceau de corré-
lations : ainsi en espagnol /p/ - /t/ - /k/ ;
/b/ - /d/ - /g/ ; /f/ - /θ/ - /x/. D’après l’étendue de leur pouvoir distinctif, on distingue les oppositions constantes des oppositions neutralisables. Les traits distinctifs communs aux deux termes d’une opposition neutralisable constituent un archiphonème. Enfin, Troubetskoï étudie les particularités phonétiques qui forment dans les différentes langues du monde des oppositions distinctives ; celles-ci peuvent être réparties en trois classes : voca-liques, consonantiques, prosodiques.
Les particularités des phonèmes voca-liques sont le degré d’aperture, la localisation, la résonance ; celles des phonèmes consonantiques sont le degré de franchissement de l’obstacle, la localisation, la résonance. Les particularités prosodiques, ou « prosodèmes », caractérisent une succession de phonèmes en opposition à une autre. La fin de l’ouvrage est consacrée à l’étude de la statistique phonologique (fréquence des phonèmes et combinaisons dans un texte donné ou dans le vocabulaire) et à l’étude des éléments démarcatifs qui servent à distinguer phonologiquement les unités les unes des autres (groupement de consonnes, coup de glotte comme en allemand, etc.).
Les Principes de phonologie ont eu une importance fondamentale.
Aujourd’hui, les critères de phoné-
tique articulatoire sur lesquels ils sont fondés en limitent considérablement la portée ; mais la définition du phonème et les perspectives de recherche restent encore fécondes. Le classement des distinctions phonologiques pertinentes utilisées dans le langage humain et l’effort pour définir, à travers l’ex-trême diversité des langues étudiées, un nombre très limité de types sont à la base des recherches les plus modernes sur les « universaux du langage ».