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vale. Les comtes embellirent la ville et y creusèrent des canaux destinés à assécher les marécages et à alimenter les tanneries.

Mais Troyes dut surtout sa prospé-

rité économique aux célèbres foires*

de Champagne, dont elle était la plus importante. Tous les ans, en juillet (foire chaude) et en novembre (foire froide), des marchands venus du sud et du nord se réunissaient à Troyes, qui se trouvait à mi-chemin de la grande route commerciale qui va de l’Italie et de la Provence vers les côtes de Flandre.

À partir du XIe s., les comtes de

Champagne accordèrent aux mar-

chands des privilèges, pour assurer définitivement à leur terre les avantages de ce trafic. En Champagne, les Flamands apportaient leurs draperies achetées par les Italiens et les Proven-

çaux et ils en emportaient les tissus de soie, les orfèvreries et les épices venus d’Orient, par Venise, et qu’eux-mêmes acheminaient à Bruges, où venaient s’approvisionner les marins du Nord.

Aussi, aux foires de Troyes, toute l’Europe était-elle représentée : il existait des maisons d’Allemagne comme des hôtels et des halles des marchands de Montpellier, de Montauban, de

Valence, de Lérida, de Barcelone, de Rouen, d’Auvergne, de Bourgogne,

de Picardie, de Genève, d’Ypres, de Douai, de Saint-Omer, etc.

L’apogée de ces foires se situa au XIIIe s., mais dès le début du siècle suivant elles commencèrent à décliner avec l’établissement d’habitudes commerciales plus sédentaires et le développement de liaisons maritimes directes entre l’Italie et la Flandre ainsi que l’Angleterre. La guerre de Cent

Ans leur porta le coup décisif.

En 1284, la dernière comtesse de

Champagne, Jeanne de Navarre, ap-

porta le comté en dot à son époux, Philippe le Bel, et Troyes fut ainsi réunie au domaine royal.

Au XIVe s., la ville se montra favorable aux Bourguignons, et le duc de Bourgogne Jean sans Peur décida d’en faire la capitale du royaume. Le 21 mai 1420, la reine Isabeau de Bavière y signait le célèbre traité qui déshéritait le Dauphin au profit du roi Henri V

d’Angleterre. Les victoires de Jeanne d’Arc et de Charles VII, qui reprirent la ville le 9 juillet 1429, le rendirent bientôt caduc.

Au XVIe s., un grand nombre de ses habitants se convertirent au calvinisme, mais les massacres des guerres de Religion en firent disparaître beaucoup.

Au XVIIe s., la révocation de l’édit de Nantes et le départ des protestants portèrent un rude coup à son commerce, et Troyes perdit ses privilèges municipaux. Le XVIIIe s. fut au contraire une période tranquille, troublée seulement par l’arrivée du parlement de Paris, exilé en 1787 par Loménie de Brienne.

Au XIXe s., l’industrie bonnetière, florissante déjà au XVIIIe s., y connut un downloadModeText.vue.download 565 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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développement spectaculaire et a subsisté jusqu’à nos jours.

P. R.

F Aube / Champagne / Champagne-Ardenne /

Foire.

T. Boutiot, Histoire de Troyes et de la Champagne méridionale (Dufey-Robert, Troyes, 1870-1874 ; 4 vol.). / J. Nesmy, Pèlerinages à travers le vieux Troyes (Impr. Paton, Troyes, 1949). / J. Roserot de Melin, le Diocèse de Troyes (Impr. La Renaissance, Troyes, 1958).

Troyes, ville d’art

La richesse artistique de la ville de Troyes

est liée à la fortune de la ville, capitale des comtes de Champagne aux XIIe et XIIIe s.

et grand centre marchand pendant la Renaissance. Le château des comtes n’est plus qu’un souvenir, de même que l’église collégiale Saint-Étienne, élevée à la fin du XIIe s. dans son enceinte.

Le plus ancien monument de la ville est aujourd’hui l’église Sainte-Madeleine, dont le choeur et le transept ont été construits vers 1200. La hauteur insolite du triforium, le passage intérieur qui le surmonte montrent que l’architecture troyenne du début du XIIIe s. a dû jouer un rôle dans la diffusion vers la Bourgogne de traits gothiques issus de l’art anglo-normand par l’intermédiaire de la France du Nord.

La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul fut commencée peu après, vers 1208. Le choeur était presque terminé en 1227, quand un ouragan détruisit les parties hautes. On le reprit aussitôt, puis l’entreprise se ralentit : le transept ne fut achevé que dans la seconde moitié du XIIIe s., et la nef seulement au XVe s. Le chevet à déambulatoire possède une chapelle d’axe plus importante que les autres chapelles rayonnantes, comme à Saint-Remi de Reims et avant les cathédrales de Reims et d’Amiens.

L’élévation du choeur est particulièrement remarquable ; des statues couronnent les piles des grandes arcades sous les colonnettes qui s’élèvent jusqu’aux nervures des voûtes. Le triforium se divise en lancettes trilobées jumelées sous un arc ajouré, et le fond en est vitré. Les fenêtres hautes composées ajourent complètement le mur et se lient au triforium par des colonnettes.

Les spécialistes discutent sur la date de ces étages supérieurs à claire-voie et au réseau délicat : avant ou après l’ouragan de 1227 ?

Quoi qu’il en soit, le choeur de la cathédrale de Troyes apparaît comme un monument clef dans la genèse du gothique rayonnant, et il a exercé une influence directe sur l’ab-batiale de Saint-Denis* et sur l’oeuvre de Pierre de Montreuil.

Ce style rayonnant a produit un de ses chefs-d’oeuvre dans l’église Saint-Urbain, construite à partir de 1262 grâce au pape Urbain IV, qui la fit élever à l’endroit où son père tenait son échoppe de savetier.

Le choeur et le transept étaient terminés dès 1266. L’abside sans déambulatoire n’est plus qu’une paroi translucide divisée en deux étages, dont les réseaux se répondent. L’étage inférieur est dédoublé

et déploie un écran léger d’arcades devant les fenêtres. L’élégance du décor, la disparition du mur, la simplification des étages sont autant de signes précoces d’un style qui devait marquer tout le XIVe s.

La seconde période d’éclat de l’art troyen, au XVIe s., montre un mélange de traditions de l’art gothique flamboyant, de traits de la Renaissance italienne et de goûts bourgeois propres à la société troyenne de l’époque — qu’expriment bien les deux bonnes dames richement attifées du groupe sculpté de la Visitation de l’église Saint-Jean. On bâtit beaucoup à Troyes à cette époque, au début du siècle et après un incendie dévastateur survenu en 1524. C’est alors que s’élèvent les églises Saint-Nizier, Saint-Pantaléon, Saint-Nicolas, le choeur de Saint-Jean, qui sont autant de musées de la sculpture et du vitrail. Martin Chambiges († 1532) vient à Troyes terminer la cathédrale et construire sa façade. Des architectes troyens se distinguent aussi, comme Jean Faulchot († 1577) au portail sud de Saint-Nicolas. Jean Gailde († 1519) élève le jubé de Sainte-Madeleine. François Gentil (v. 1510 - v. 1588), Dominique Florentin, des sculpteurs anonymes, comme l’auteur de la Sainte Marthe de l’église Sainte-Madeleine, peuplent les églises de statues.

Les maîtres verriers conçoivent des vitraux surtout narratifs, à nombreuses scènes juxtaposées, qui font de Troyes un des grands centres de la peinture sur verre jusqu’au XVIIe s., avec Linard Gontier, auteur en 1625 du vitrail du Pressoir mystique de la cathédrale.

L’hôtel de Vauluisant, l’hôtel de ville, le musée des Beaux-Arts illustrent l’architecture classique. Troyes a d’ailleurs enfanté deux grands artistes du siècle de Louis XIV, le sculpteur François Girardon et le peintre Pierre Mignard*, qui ont collaboré au retable de l’église Saint-Jean. De vieilles maisons à pans de bois et à étages en encor-bellement complètent le décor artistique de la vénérable cité champenoise.