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cascarots, gitans, camps-volants, ma-nouches, boumians, romanichels.

Le terme atsinganos, qui vient du

grec médiéval, est passé en France sous la forme Tsiganes, en Allemagne sous celle de Zigeuner, au Portugal sous celle de Ciganos. Ces populations, bien qu’elles aient une origine, une histoire, de nombreux traits culturels communs, ne possèdent pas de nom qui les dé-

signe dans leur ensemble. Les individus qui en font partie se désignent eux-mêmes soit comme Rom, soit comme

Manuš (ou Sinti), soit comme Kalé, ce qui implique l’existence de trois groupes différents parmi l’ensemble des Tsiganes. Les Rom, les Manuš

(Manouches), les Kalé ont cependant tout à fait conscience d’appartenir au même ensemble, et celui qui n’en fait pas partie est désigné sous le nom de gajo, ou gadjo. L’ethnie se définit ainsi par opposition, et dans les lignes qui suivent sera désigné comme Tsigane tout individu soit Rom, soit Manuš, soit Kaló (sing. de Kalé).

Il est difficile d’indiquer le nombre des Tsiganes, parce que beaucoup sont nomades et dispersés, parce que lors des recensements beaucoup ne se dé-

clarent pas Tsiganes et parce que d’un recensement à l’autre, d’une nation à l’autre les individus classés comme

« Tsiganes » le sont d’après des critères, linguistiques ou autres, qui diffèrent. On peut avancer les chiffres de 5 à 10 millions pour le monde, de 80 000 à 100 000 pour la France. Les Rom se trouvent dans le monde entier,

du Canada à l’Afrique du Sud, de l’Australie au Japon, et surtout en Europe centrale et de l’Ouest ; les Manuš, essentiellement en Italie, en France, en downloadModeText.vue.download 570 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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Allemagne, mais aussi, quoique moins nombreux, en U. R. S. S., au Canada, etc. ; les Kalé, surtout en Espagne, au Portugal, en France, en Afrique du Nord, mais aussi en Allemagne et en Amérique du Sud.

Il fallut attendre la fin du XVIIIe s.

pour que la linguistique soit en mesure d’indiquer le nord de l’Inde comme le lieu d’où les Tsiganes se sont dispersés dans le monde. Mais on ignore encore si ceux-ci faisaient partie d’une caste de l’Inde ou d’une peuplade particulière, si, avant l’Inde, ils venaient d’autres régions et à quelle date ils ont quille l’Inde.

Ce n’est qu’à partir du milieu du

XIVe s. que des documents sans équivoque permettent de suivre les péré-

grinations des Tsiganes. En 1322, ces derniers sont signalés en Crète, en 1348 en Serbie, trente années plus tard dans le Péloponnèse et en Valachie. Au XVe s., les documents se multiplient.

Les principaux centres de dispersion sont la Hongrie et la Moldavie, d’où les Tsiganes parviennent en Allemagne (1407), en France (1419), en Italie (1422), en Espagne (1425), en Angleterre, en Écosse, en Russie (v. 1500). Il n’est pas impossible que des individus soient parvenus dans ces pays avant les dates indiquées, mais leur nombre n’était pas assez important pour être remarqué.

En France, le premier groupe appa-

raît le 22 août 1419, à Châtillon-en-Dombes (aujourd’hui Châtillon-sur-

Chalaronne, dans l’Ain), et deux jours plus tard devant Mâcon. En août 1427, une douzaine de Tsiganes se présentent aux portes de Paris, suivis après quelques jours par une centaine de personnes, hommes, femmes et enfants.

Ce fut un événement, rapporté lon-

guement par les chroniqueurs. Puis

d’autres groupes sont signalés ici et là, un peu partout. Il y a une suite de flux et de reflux de ces nomades, fonction du désir de voyager, de la nécessité de le faire pour exercer des métiers, et de la politique des nations traversées, certaines lois interdisant les vêtements, la langue, le séjour et parfois l’existence d’une population tsigane (les nazis en entreprirent l’extermination).

Dans chacun des groupes (Rom,

Manuš, Kalé) existent des subdivi-

sions. En France, par exemple, le

groupe des Rom se divise en trois sous-groupes principaux : les Kalderaša (Kalderach), les Lovara, les Čurara (Tchourara). Au Canada, il y a des Kalderaša, des Lovara, des Mačvaja, des Xoraxaja, etc. Des membres d’un même sous-groupe peuvent se trouver en France et au Canada, mais aussi dans d’autres pays, ce qui fait que l’organisation sociale des Tsiganes doit être considérée sur un plan international et que deux Tsiganes voisins dans la même ville peuvent être plus éloignés socialement l’un de l’autre que deux Tsiganes résidant dans des continents différents, mais appartenant au même sous-groupe.

Chaque sous-groupe, à son tour,

se divise en un certain nombre de

lignages (vicí). Le lignage est formé d’un groupe d’individus réunis sous le patronyme (parfois le surnom) d’un ancêtre qu’ils ont en commun. Ainsi, parmi les Rom kalderaša, certains

font partie du lignage des Belkešti, d’autres des Minešti, etc. Le nombre et l’appellation des lignages ne sont pas fixes, car, en général, toutes les trois générations, lorsque le nombre des descendants d’un même individu devient trop important, le lignage se divise et d’autres sont créés, portant le nom d’un ascendant plus jeune. Chaque

lignage comporte à son tour un nombre plus ou moins grand de familles restreintes (njamo, semestro). Pour situer un individu à l’intérieur de la société tsigane, il est donc nécessaire, au-delà de son nom de famille, de savoir à quel lignage, à quel sous-groupe et à quel groupe il appartient.

Lorsqu’une des règles fondamen-

tales de vie n’est pas respectée (si un

homme a dérobé un objet à un autre, s’il maltraite sa femme, si un garçon séduit une fille, si un des interdits n’est pas respecté...), il y a réunion de la kris (le terme signifie « droit », « justice », « tribunal ») chez les Rom, ou de son homologue dans les groupes des Manuš et Kalé. Siègent dans la kris des Rom respectables, c’est-à-dire honorablement connus, ayant un certain âge, une grande famille en général, qui ne boivent pas, travaillent bien, n’ont jamais trompé personne et se sont déjà, à plusieurs reprises, bien comportés dans une kris. Ce sont le plus souvent des chefs de lignage (les rois ou reines n’existent pas chez les Tsiganes). Ils sont au nombre de trois à douze et se sont déplacés souvent de plusieurs pays étrangers pour venir rendre la justice. L’un d’entre eux, le krisnitori, est responsable de la kris. La procédure est publique, mais hommes, femmes ou enfants n’ont le droit d’intervenir que si le krisnitori le demande. Les cris, les paroles violentes sont prohibés, et celui qui se comporte mal est déconsidéré.

De même, si le krisnitori manifeste le moindre énervement, il est immédiatement destitué. Une seule affaire est jugée. Quand chacun a parlé, a su faire apprécier une argumentation subtile, et quand le krisnitori a réuni tous les élé-

ments qu’il estime souhaitables, après discussion avec les Rom respectables qui l’assistent, il émet son jugement.

Si les Rom approuvent, nul ne pourra revenir sur la décision. La kris indique le coupable et la sanction, mais n’a pas le pouvoir de contraindre le coupable ; elle ne possède pas d’organe exécutif, sinon le groupe lui-même. Les sanctions corporelles sont de moins en moins fréquentes et tendent à être remplacées par des sanctions économiques (amende à payer) ; les sanctions surnaturelles (maladie ou mort de celui qui se rend coupable de parjure) aident beaucoup à découvrir le coupable ; les sanctions proprement sociales vont de la désapprobation du groupe au désaveu total du groupe, qui prend la forme du bannissement temporaire ou à vie, sanction la plus dure qui soit, à laquelle le Tsigane préfère parfois la mort.

La kris se présente comme la clé de voûte de l’édifice social. Au-delà de sa fonction manifeste, qui est de juger,

elle possède une fonction latente, plus importante, de cohésion sociale, due au fait qu’elle réunit des Rom venus de pays très divers, qui discutent, qui échangent des informations qui prennent des décisions concernant l’attitude à adopter par le groupe devant des situations nouvelles : la kris est un aspect de l’organisation politique, lieu de convergence mais aussi d’affrontement des lignages.