l’Europe et du Bassin méditerranéen, t. II : les Appendiculaires des mers d’Europe et du Bassin méditerranéen (Masson, 1966).
Tunis
En ar. tūnus, capit. de la Tunisie ; env.
900 000 hab. (dans l’agglomération).
LA GÉOGRAPHIE
Croissance de
la population
Tunis est une des grandes métropoles, en pleine croissance, du littoral maghrébin, la troisième après Casablanca et Alger. La capitale de la Régence était déjà une ville assez importante à l’arrivée des Français en 1881 : elle comptait un peu plus de 100 000 habitants. Mais la croissance de la population s’affirma surtout pendant la période coloniale : 257 000 habitants en 1921, 454 000 en 1946, 570 000 en 1956. Au moment de l’indépendance, près de 200 000 Européens vivaient dans le « Grand Tunis ». Le départ de la plus grande partie d’entre eux n’a pratiquement pas arrêté le mouvement de croissance, puisque l’agglomération comptait près de 700 000 habitants en 1966, près de 900 000 en 1972 (probablement 1 200 000 habitants en 1980).
Le poids de la capitale à l’intérieur de la république de Tunisie est ainsi considérable : la population de l’agglomération représente environ le sixième de la population du pays.
En outre, le rôle de Tunis dans l’économie moderne du pays est proportionnellement beaucoup plus grand encore.
Capitale politique, économique, culturelle et intellectuelle, Tunis est aussi la plaque tournante principale des transports, qui assure la liaison entre les échanges extérieurs et les relations intérieures, ainsi que le principal centre industriel du pays groupant environ les trois quarts des entreprises qui emploient plus de 50 salariés.
Ainsi s’exprime l’attraction considé-
rable qu’exerce depuis près d’une centaine d’années une capitale en pleine croissance sur un petit pays sous-déve-
loppé. Par leurs fonctions, leur physionomie, leur population, les différents quartiers de Tunis, très contrastés, révèlent bien les facettes multiples de cette polarisation centralisante que compensent mal des villes moyennes comme Bizerte, Sfax, Sousse ou les petites villes du littoral et de l’intérieur.
La médina ou l’attachement au
passé
Autour de la vénérable mosquée de
l’Olivier (Djāmi‘ al-Zaytūna), fon-dée au VIIIe s., la médina semble un défi à l’ordre géométrique au coeur de l’agglomération contemporaine. Les ruelles compliquées et étroites de la vieille ville sont inaccessibles à la circulation automobile, ce qui provoque de graves embouteillages aux abords de son périmètre. Plusieurs fois, le projet fut avancé d’éventrer la médina afin de faciliter la circulation dans l’agglomération. Mais les Tunisois ont toujours sagement reculé devant ce qui serait une sorte de sacrilège.
La médina, dans la juxtaposition de ses ruelles et de ses souks, de ses palais et maisons fermés sur des cours, dans la complémentarité secrète des lieux de rencontre, des cheminements ombragés et de l’espace intime de la famille, préserve encore, en dépit d’une certaine ouverture, l’ordre intérieur savamment agencé des vieilles villes de l’islām. Là, entre deux lagunes au fond du golfe, s’est formée peu à peu la capitale de la Tunisie, longtemps peu active à cause de la concurrence de Kairouan, puis rayonnante comme une des grandes cités de l’islām de l’Ouest, particulièrement au XIVe s.
Depuis le début de la colonisation, la médina s’est beaucoup transformée dans sa population et ses fonctions, sinon dans sa physionomie. Les activités culturelles et intellectuelles s’as-soupissent ; les souks traditionnels dé-
clinent ; le quartier juif de la « hara » a disparu ; la riche bourgeoisie tunisoise des « beldis » quitte les maisons de la vieille ville pour s’installer dans de nouveaux quartiers plus confortables.
Pour autant, la médina n’est pas devenue une ville morte. Plus peuplée, elle sert de lieu d’accueil aux immigrants
de la campagne, qui forment maintenant les deux tiers de sa population.
« Pittoresque », elle attire sur un itinéraire consacré, de la porte de France (ancienne porte de la Mer) à la Grande Mosquée, les touristes étrangers à la recherche de dépaysement. Ses ruelles grouillent toujours d’activité.
La ville européenne ou la
géométrie de la croissance
En contraste saisissant avec les cheminements secrets de la médina, la ville édifiée par les Européens étend ses grandes avenues rectilignes, ses carrefours à angle droit, ses immeubles monumentaux, sa géométrie fonctionnelle entre la vieille ville et la mer, véritable trait d’union symbolisant toutes les aspirations du développement colonial.
Dans ce quadrillage de rues bien
dégagées, de part et d’autre de l’avenue Ḥabīb Bourguiba, se localisent la plupart des grandes activités tertiaires qui font de Tunis une métropole attractive : ambassade de France (auprès de la porte de France), grands services nationaux, maisons de commerce et
offices nationalisés, sièges sociaux des grandes entreprises, banques, marchés de gros, maisons de presse et d’édition, cinémas, cafés, boutiques modernes du commerce de détail, maison de
l’artisanat tunisien. Les ministères se trouvent surtout à l’ouest de la médina ainsi que la nouvelle université, le seul établissement de ce niveau en Tunisie.
Près des deux tiers de la population de Tunis sont ainsi occupés dans le secteur tertiaire.
À la veille de l’indépendance, la
ville même de Tunis comptait environ 140 000 Européens, principalement
des Français et des Italiens, auxquels s’ajoutait une très importante colonie juive. Presque tous ont quitté le pays entre 1955 et 1965, puisqu’en 1966
Tunis comptait moins de 40 000 étrangers, nouveaux coopérants ou derniers représentants de l’ancienne population européenne. Presque tous les étrangers vivent toujours dans le centre de la ville moderne, où le vide laissé par les départs a été rapidement comblé par des Tunisiens, particulièrement par
les catégories les plus favorisées de la société, bourgeoisie traditionnelle et nouvelle classe de jeunes administrateurs et techniciens.
Les faubourgs de la banlieue ou
les déséquilibres de l’incontrôlé
La colonisation n’avait pu maîtriser sa propre croissance, et, au cours de ses vingt dernières années, l’agglomération de Tunis avait enregistré le doublement de sa population sous l’afflux des immigrants du monde rural et le poids de l’accroissement naturel. L’in-dépendance n’a pas vraiment enrayé ce mouvement, qui double la vieille médina et la ville européenne d’une troisième ville, purement musulmane, dont le poids va croissant.
Cependant, de nouvelles activités se sont développées. Le port de Tunis et son avant-port de La Goulette assurent un trafic de 2,5 Mt ; en fait, celui-ci progresse peu. L’aéroport d’el-Aouïna enregistre un nombre croissant de passages, parallèlement à l’essor du tourisme qui se manifeste dans la banlieue même de Tunis, le long de la côte de Carthage, de La Marsa et de Sidi-Bou-Saïd ; sur ce littoral de lumière, au fond du golfe de Tunis, se côtoient les villas des riches Tunisois et les grands hôtels internationaux. Au sud de l’agglomé-
ration au contraire, autour de Mégrine, c’est l’industrie qui étend ses usines et ses quartiers gris : fonderies, ateliers divers, entreprises du bâtiment, verrerie, usine de superphosphates, industries alimentaires, cimenterie.
L’agglomération, tout en contrastes, s’est formée à partir des vieux faubourgs de Bab Saadoun et de Bab
Djazira et s’est étendue en quartiers de villas ou d’immeubles modernes et, plus fréquemment, de « gourbivilles »