La Régence de Tunis
jusqu’à l’intervention
française (1574-1881)
y Une administration turque est mise en place : un pacha représente le Sultan, tandis qu’un divan, formé par les officiers turcs, constitue le Conseil du gouvernement.
y 1590 : les chefs de la marine
donnent le pouvoir à l’un des leurs, le dey, le pacha ne gardant que des fonctions honorifiques. Le pays connaît un renouveau économique grâce à la course et à l’activité des marchands marseillais, andalous, renégats et juifs.
y 1659 : l’un des beys (chefs de l’ar-mée), Ḥammūda ben Murād († 1675),
prend le pouvoir, emprisonne le dey et crée une dynastie héréditaire, les Murādides.
y 1705 : un autre bey, Ḥusayn ibn ‘Alī
(† 1740), renverse les Murādides et fonde la dynastie ḥusaynide, pratiquement autonome, tout en maintenant
la fiction de la souveraineté ottomane sur la province, ou Régence de Tunis.
La charge de dey est supprimée.
y Cependant, l’autorité du bey héré-
ditaire ne dépasse guère, à l’origine, Tunis et les grandes villes, car l’insoumission des clans rivaux de l’intérieur est entretenue par Alger, Constantinople ou l’Europe : celle-ci (la France notamment) combat la course et la
piraterie tout en développant des relations commerciales avec les ports tunisiens. Alliée à la Régence contre Alger, la France contrôle en fait le commerce tunisien (pêcheries de
corail) ; en 1781, la Compagnie fran-
çaise d’Afrique fonde des comptoirs au cap Bon.
y Sous ‘Alī bey (1759-1782) et
Ḥammūda bey (1782-1814), la
conquête de l’intérieur est achevée par les Ḥusaynides, tandis que le rôle de la milice turque (janissaires) est battu en brèche par l’importance donnée aux mamelouks. Les janissaires se révoltent en 1811 et en 1816 : ils sont écrasés. Ḥammūda bey lègue
à ses successeurs un pays relative-downloadModeText.vue.download 592 sur 631
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ment prospère et assez efficacement administré.
y Sous Maḥmūd bey (1814-1824) et
sous son fils Ḥusayn (1824-1835), les intrigues de palais et l’avidité des notables conduisent de nouveau le pays au marasme, d’autant que l’interdiction de la course (1824), imposée par la France et la Grande-Bretagne, ré-
duit considérablement les ressources financières du pays. La concurrence étrangère (industrie artisanale, huiles) devient très dure. Sur un pays décimé par les épidémies et la famine pèse une fiscalité très lourde. De plus, l’installation des Français en Algérie (1830) et la reconquête de Tripoli par les Turcs (1835) menacent directement
l’autonomie de la Régence, réduite, d’autre part, à chercher à l’extérieur une aide contre la banqueroute.
y Turcs ou Français ? C’est la France qui se présente : Aḥmad bey (1837-1855) et son successeur, Muḥammad
al-Ṣadūq (1859-1882), font appel à elle pour réorganiser l’armée et créer une première infrastructure de communications. Parallèlement, le droit français et le droit britannique sont introduits dans les institutions, voire dans les moeurs.
y Une grave révolte intérieure
(1864), des emprunts ruineux (1863, 1865) obligent l’État tunisien à accepter la tutelle d’une commission financière anglo-franco-italienne, présidée par un Français — l’inspecteur Villet
— et chargée d’assurer le paiement de sa dette (1869).
y L’emprise de plus en plus pré-
cise de la France sur la Régence est contrecarrée par l’influence commerciale britannique et par la présence en Tunisie de nombreux colons italiens.
y 1878 : au congrès de Berlin, la
Grande-Bretagne — qui a obtenu
Chypre — reconnaît les intérêts particuliers de la France en Tunisie et retire son consul à Tunis. Bismarck laissera la France prendre sa part de l’Empire ottoman « moribond ». Le
heurt des intérêts français et italiens
en devient plus violent : les consuls Roustan et Maccio rivalisent d’initiative. Le bey, après avoir semblé favoriser la France, penche, à la fin de 1880, vers les Italiens. Jules Ferry* se décide alors à agir.
y Prenant prétexte d’une incursion de Kroumirs en territoire algérien (30-31 mars 1881), le ministre français dé-
cide (4 avr.) une expédition punitive, conduite par le général J. A. Bréart, qui atteint Tunis, sans combat, après trois semaines de marche.
y 12 mai 1881 : le traité du Bardo impose au bey de Tunis un protectorat, garanti par la présence à Tunis d’un résident français, responsable de la diplomatie et de l’armée. Une révolte de tribus est réprimée par la force (1881-82). En 1882, un nouveau bey, ‘Alī
ibn Ḥusayn (1882-1902), est installé.
P. P.
LA TUNISIE
CONTEMPORAINE
La Tunisie sous
protectorat français
(1881-1956)
Le protectorat
Le traité du Bardo garantit la souveraineté interne du bey et l’intégrité de son territoire ainsi que les droits des grandes puissances en Tunisie. Autrement dit, il reconnaît le bey, le régime des capitulations et les traités inégaux.
L’organisation de ce régime hybride, source de difficultés, est dévolue à Paul Cambon (1843-1924), ministre
résident à partir de 1882, puis premier résident général (1885-86), homme aux qualités exceptionnelles. C’est lui qui instaure véritablement le protectorat : formule souple, puisqu’elle laisse au bey une apparence de souveraineté et dégage la Tunisie, en matière législative et budgétaire, de l’emprise du Parlement français. Cambon place auprès du bey et du Premier ministre un secré-
taire général chargé de contrôler leurs décisions (1883). En outre, des directeurs techniques se substituent en fait
aux ministres tunisiens.
Après une courte période d’administration militaire (1883-84), la France met en place des contrôleurs civils venus d’Algérie, qui, peu à peu, supplantent localement les caïds. Réduisant ainsi au minimum l’initiative tunisienne, elle assure l’ordre, l’assainissement financier et, par contrecoup, rend possible une reprise économique : mise en place du réseau ferroviaire, mise en valeur des phosphates de Gafsa, plantation des olivettes de Sousse et de Sfax. Un équipement sanitaire et hospitalier se développe ; en 1893 est créé l’institut Pasteur de Tunis.
La naissance du mouvement
nationaliste
L’occupation de la Régence met l’élite tunisienne en contact plus étroit avec l’Europe et avive le courant réformiste, qui, dans le dernier tiers du XIXe s., particulièrement en Égypte, préconise la purification de l’islam et la conciliation de la religion musulmane avec les idées modernes.
C’est dans cet esprit moderniste que sont fondées, en 1896 et en 1905 respectivement, deux associations tunisiennes. La première, la Khaldounia
— du nom de l’historien ibn Khaldūn
—, fondée par Bachīr (Béchir) Sfar, a pour but d’initier les musulmans aux sciences modernes et de ranimer le culte de la civilisation arabe. La seconde, l’Association des anciens élèves downloadModeText.vue.download 593 sur 631
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du collège Sadiki, établissement fondé en 1875 par le ministre réformateur Khayr al-Dīn (Khérédine, v. 1825 -
1889) suivant les exigences de la pédagogie occidentale, est, sur l’initiative d’un avocat d’origine turque, ‘Alī
Bāch Ḥanba, destinée à promouvoir la culture moderne. De cercles culturels, ces deux associations se transforment en mouvements politiques. Devenues le lieu de rencontre de jeunes Tunisiens de formation traditionaliste, elles
contribuent à la prise de conscience nationale de l’élite tunisienne.
En 1907, Bachīr Sfar et ‘Alī Bāch
Ḥanba fondent le parti évolution-
niste, plus connu sous le nom de parti des jeunes Tunisiens. Ils prennent la défense des intérêts des autochtones dans un journal rédigé en français, le Tunisien. En 1909, ils sont rejoints par le cheikh ‘Abd al-‘Azīz al-Tha‘ālibī