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(Tahalbi), qui assure l’édition en arabe du journal.

Le parti des jeunes Tunisiens profite, pour se manifester, de l’invasion de la Tripolitaine voisine par les troupes italiennes en 1911. La même année éclate l’émeute sanglante dite « du Djellaz »

(7 nov.). La répression est très dure : l’état de siège ne sera levé qu’en 1921 ; sept condamnations à mort sont prononcées contre des manifestants. En février 1912, les autorités françaises expulsent les dirigeants du parti des jeunes Tunisiens.

Le parti tunisien

Décapité, le parti des jeunes Tunisiens vivote pendant six ans dans la clandestinité. Après la Première Guerre mondiale, il se transforme occultement en parti tunisien. Ce dernier, fort des quatorze points de Wilson, juge les conditions favorables pour engager une action en faveur d’une Constitution (en ar. Dustūr [Destour]).

En avril 1919, il profite du séjour du président des États-Unis à Rome pour attirer son attention sur la Tunisie et lui demander dans un mémoire les mesures qu’implique l’application de ses principes dans ce pays.

Au mois de juin de la même année,

Tha‘àlibī part pour Paris, où il publie un pamphlet intitulé la Tunisie, martyre, réclamant pour la Tunisie un pouvoir législatif, ou conseil suprême, composé de soixante citoyens tunisiens élus au plus large scrutin et devant lequel les beys héréditaires seront responsables.

Il reprend l’essentiel du pacte fondamental promulgué par Muḥammad bey

en 1857 et de la Constitution octroyée au peuple tunisien par Muḥammad al-

Ṣadūq en 1861 sous la pression des

grandes puissances.

Le parti destourien

En juin 1920, le parti tunisien cède la place au parti libéral constitutionnel (al-Ḥizb al-Hurr al-Dustūrī), ou Destour, qui publie un manifeste réclamant l’« émancipation du peuple des liens de l’esclavage » et l’« octroi d’une Constitution acceptée par le bey, lui accordant le droit de se gouverner exclusivement par lui-même » sous l’autorité de la dynastie ḥusaynide. Cette Constitution existant depuis 1861, il s’agirait simplement de l’adapter aux conditions nouvelles. Encore faut-il prouver juridiquement que le régime du protectorat n’a pas mis fin à l’existence de cette Constitution. La consultation juridique du 10 juillet 1921 de Joseph Barthélemy, professeur de droit constitutionnel à la faculté de droit de Paris, en donnant un fondement juridique à la revendication du jeune parti destourien, renforce le mouvement national en Tunisie. Des troubles éclatent alors. Pour y mettre fin, les autorités du protectorat arrêtent le cheikh Tha‘ālibī.

Quoique accusé de complot contre la sûreté de l’État, le chef du Destour, après neuf mois de détention, obtient un non-lieu.

Cependant, les divisions intérieures ne tardent pas à miner le jeune parti destourien. Aussi celui-ci en vient-il à réviser son programme. Contrairement au manifeste de 1920, le cahier de do-léances présenté en 1921 par quarante notables au nouveau résident Lucien Saint ne conteste plus le régime du protectorat, mais le subordonne à des revendications essentielles : création d’une assemblée délibérante composée de Tunisiens et de Français élus au suffrage universel et possédant les mêmes droits ; institution d’un gouvernement responsable devant cette assemblée ; séparation des pouvoirs ; accès des Tunisiens à toutes les fonctions, respect du principe « à travail égal, salaire égal » ; création de conseils municipaux élus ; liberté de presse et d’association ; liberté et extension de l’enseignement ; droit pour les Tunisiens d’acquérir des terres de colonisation.

Ces revendications apparaissent

comme intolérables à l’opinion de la

colonie française de la Régence. Le résident général se contente de mettre fin à l’état de siège proclamé en 1911

et d’instituer un ministère de la Justice présenté comme garant de la séparation des pouvoirs.

Le Destour profite du voyage du pré-

sident Millerand* à Tunis (avr. 1922) pour manifester. Le bey remet au résident un programme en dix-huit points : ce texte est proposé à la Chambre des députés française, qui le rejette et maintient le statu quo (juill. 1922).

Il s’ensuit cependant la promulga-

tion de décrets instituant, en territoire civil, des conseils de caïdat purement indigènes ayant avis sur les affaires économiques locales et des conseils de région mixtes jouissant des mêmes prérogatives. C’est également en 1922

que la commission consultative fon-dée en 1896 pour conseiller le résident en matière économique et financière, complétée en 1907 par la création

d’une section indigène, est transformée en Grand Conseil, dont le pouvoir, en matière économique et budgétaire, n’est d’ailleurs que consultatif.

Ces réformes ne satisfont pas le parti destourien, et Tha‘ālibī, sous la menace de poursuites, quitte la Tunisie. Sa politique est, jusqu’à son retour en 1937, poursuivie dans la Régence par ses deux lieutenants, les avocats Aḥmad al-Ṣāfī et Ṣāliḥ Farḥāt (Ferhat).

La loi du 20 décembre 1923, qui permet la naturalisation des Tunisiens, favorise l’activité nationaliste : en effet, le Destour considère que cette loi est en contradiction avec la souveraineté du bey, garantie par les traités du protectorat, et assimile la naturalisation à une apostasie. Mais le bey Muḥammad al-Ḥabīb (1922-1929) ne s’oppose pas à la publication de cette loi au journal officiel tunisien.

En 1924, les troubles prennent un

caractère social. Les grèves déclen-chées durant l’hiver de 1924-25 provoquent l’arrestation ou l’exil des chefs syndicalistes.

La montée de l’opposition

L’inauguration d’une statue du car-

dinal Lavigerie en 1925, la crise économique de 1929, la célébration du centenaire de l’occupation d’Alger et le Congrès eucharistique de Carthage en 1930 offrent au parti destourien de nouvelles occasions pour mobiliser la population tunisienne contre la France.

Celle-ci réagit en prononçant la dissolution du Destour (31 mai 1933) et en remplaçant le résident général François Manceron (1929-1933) par l’énergique Marcel Peyrouton (1933-1936).

Le mandat de M. Peyrouton en Tuni-

sie coïncide avec la scission du parti destourien.

À la Commission exécutive du

Destour, dirigée par Aḥmad al-Ṣāfī

et Ṣālih Farḥāt, s’oppose en effet un groupe de militants aux idées plus avancées, rassemblés autour du docteur Māṭirī (Matéri) et des avocats Ḥabīb Bourguiba*, Baḥrī Gīga (Guiga) et Ṭāhir Ṣfar. La scission est effective au mois de mars 1934, lors du congrès de Qṣar Halāl (Ksar-Hellal), un petit village dans le Sahel tunisien.

Il existe dès lors en Tunisie deux partis destouriens : le Néo-Destour, issu du congrès de Qṣar Halāl, qui va entraîner derrière lui l’immense majorité de la population, et le Vieux-Destour, qui s’est replié sur lui-même en attendant de péricliter.

Le Néo-Destour

Contrairement au Vieux-Destour, qui s’appuie essentiellement sur la bourgeoisie conservatrice et l’aristocratie tunisienne, le Néo-Destour recrute ses adeptes parmi la petite bourgeoisie, les fonctionnaires et les petits employés.

Ses cadres sont, pour la plupart, des intellectuels d’origine modeste, nourris, sur les bancs des facultés françaises, des grands principes de la révolution de 1789. Face à la domination fran-

çaise, ils affirment la souveraineté tunisienne, manifestation juridique de la nation tunisienne. Alors que le Vieux-Destour est panarabe et musulman, au sein du Néo-Destour le nationalisme l’emporte sur le panarabisme et la laï-

cité sur l’esprit religieux.

Cette différence se traduit aussi