dans les méthodes d’action du nou-
veau parti. Reprochant au Vieux-Destour son manque de dynamisme et de souplesse, et partant du principe selon lequel « le tout à la fois n’aboutit à rien du tout », le Néo-Destour inaugure une politique baptisée politique des « étapes » de laquelle il se réclame encore aujourd’hui.
Il fonde sa propagande sur la souveraineté populaire, la neutralité confessionnelle et la séparation des pouvoirs.
C’est sur cette base qu’il engage dès sa naissance la lutte contre les autorités du protectorat. Le résident général essaie de satisfaire les intellectuels en élargissant, le 6 janvier 1934, le Grand Conseil à leur profit. Mais cela n’est pas suffisant pour apaiser les nationalismes tunisiens, à une époque où la situation économique du pays est touchée par la crise mondiale.
M. Peyrouton prend alors (sept.
1934) des décrets qui aboutissent à de nombreuses arrestations, à des émeutes et à la répression. Son successeur, Ar-downloadModeText.vue.download 594 sur 631
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19
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mand Guillon (1936-1938), prend des mesures de clémence et fait libérer les détenus politiques. Le Néo-Destour profite du rétablissement des libertés pour reprendre sa propagande. L’avè-
nement du Front* populaire en France semble lui permettre tous les espoirs.
En effet, dans un discours prononcé à Radio-Tunis le 1er mars 1937, Pierre Viénot, secrétaire d’État aux Affaires tunisiennes et marocaines, n’hésite pas à critiquer le manque de clarté dans la politique française en Tunisie et la confusion des intérêts privés avec ceux de la France, et à souligner l’insuffisance de l’enseignement, la misère du paysan tunisien, à qui le sol n’appartient plus, et la nécessité de réformes dans le cadre du protectorat. En ré-
ponse à Viénot, Bourguiba proclame, dans une interview, que « l’union entre la France et la Tunisie constitue la base de toutes les revendications du Néo-Destour ». Cependant, outre l’opposition de la colonie française en Tunisie à la politique du Front populaire, un
grave conflit social dans la région des mines de phosphate vient détériorer les rapports entre le Néo-Destour et le gouvernement de la République.
Raidissement du Néo-Destour
Les éléments les plus avancés du Néo-Destour, déçus par l’expérience du Front populaire, engagent une action plus vigoureuse. Le pouvoir réagit en arrêtant vingt chefs néo-destouriens.
En réponse, le bureau politique du Néo-Destour lance un appel à la grève générale pour le samedi 8 avril 1938 et une manifestation pour le lendemain.
La manifestation tourne à l’émeute, de nombreux manifestants sont tués ou blessés, le Néo-Destour est dissous, un grand nombre de ses militants, dont Bourguiba, sont arrêtés, et l’état de siège est proclamé.
La Seconde Guerre mondiale
Cependant, la direction du Néo-Destour est, pendant la Seconde Guerre mondiale, favorable aux Alliés. De son lieu d’emprisonnement, H. Bourguiba condamne formellement la politique de l’Axe. Cependant, les chefs clandestins du Néo-Destour sont arrêtés et condamnés.
C’est le bey Muḥammad al-Munṣif
(Moncef) qui prend la relève du mouvement nationaliste, décapité par l’arrestation et l’internement de ses chefs.
Succédant, le 19 juin 1942, au bey Aḥmad Muḥammad, al-Munṣif est un
bey destourien qui accepte l’hypothèse de devenir le premier président de la République tunisienne.
Au mois d’août 1942, il présente
aux autorités françaises un programme en douze points dont les plus importants sont la constitution d’un conseil consultatif de législation où l’élément tunisien serait dignement représenté, l’accession des Tunisiens à tous les emplois publics, l’égalité de traitements et de salaires, la refonte de l’administration centrale et sa réorganisation dans le cadre tunisien, l’instruction obligatoire pour tous les Tunisiens avec l’enseignement de la langue arabe et l’expropriation, au profit de l’État, de toutes les entreprises présen-
tant un intérêt général.
Le 12 octobre 1942, Munṣif bey
entre en conflit ouvert avec le résident.
La tension subsiste lorsque les
troupes allemandes occupent la Tunisie le 11 novembre 1942. Munṣif bey sait maintenir la neutralité de la Tunisie, qu’il notifie aux Alliés et aux puissances de l’Axe. Il refuse, malgré les pressions diverses, de dénoncer les traités franco-tunisiens, de mobiliser la main-d’oeuvre civile et de protester contre le bombardement de Kairouan.
Et, pour affirmer sa souveraineté, il constitue, le 31 décembre 1942, un ministère national avec Muḥammad
Chanīq (Chenik), Māṭirī et Ṣāliḥ
Farḥāt. Cependant, le 7 mai 1943,
les Britanniques envahissent le palais beylical et arrêtent le bey, mais celui-ci est délivré par le secrétaire général du gouvernement. Le 13 juin suivant, le général Juin lui demande d’abdiquer. Sur son refus, le général Giraud, commandant en chef civil et militaire en Afrique française, le destitue et le transfère d’abord à Laghouat, dans le Sud algérien, puis à Ténés et à Pau, où il mourra en 1948. Munṣif est remplacé à Tunis par al-Amīn (Lamine) bey.
Préludes à la révolte
La destitution de Munṣif, accueillie par le peuple tunisien comme un deuil public, donne au nationalisme une virulence accrue. Après la défaite de l’Axe, le Néo-Destour, fort de son loyalisme pendant la guerre et de la participation de nombreux Tunisiens à la libération de la France, place ses espoirs dans le gouvernement du général de Gaulle.
Mais, outre les accusations de collaboration avec l’Italie portées sans aucune preuve sérieuse contre leurs chefs, les réformes de 1945 déçoivent les néo-destouriens. Ḥ. Bourguiba, le chef du parti, quitte clandestinement la Tunisie et arrive au Caire au moment où se constitue la Ligue arabe. Deux ans plus tard, il participera dans cette ville à la création du Bureau arabe du Maghreb.
En Tunisie, la création, en 1945,
de l’U. G. T. T. (Union générale des travailleurs tunisiens) constitue un appoint important pour le mouvement
national. Le 23 août 1946, un congrès clandestin réunissant les membres des deux Destours et les représentants d’autres partis dénonce le protectorat et rédige une motion qui peut être considérée comme la charte du nationalisme tunisien. Avant d’être dispersée par la police, l’assistance acclame l’indépendance du pays.
Malgré la volonté d’apaisement du
résident Jean Mons (1947-1950), le climat n’est pas à la détente. Le 5 août 1947, à Sfax, une grève ordonnée par l’U. G. T. T. pour protester contre l’insuffisance du salaire minimum prend le caractère d’une protestation politique.
Les accords de 1951
En septembre 1949, Bourguiba revient en Tunisie. Quelques mois plus tard, dans une déclaration à l’A. F. P. à Paris, il présente un programme en sept points et affirme la nécessité de la coopération franco-tunisienne. Le 31 mai 1950, Louis Périllier est nommé résident à Tunis : le ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman, déclare que le nouveau résident a pour mission d’amener la Tunisie vers l’indépendance. En effet, le 13 juin 1950, L. Pé-
rillier annonce des réformes substantielles et reconnaît que la Tunisie doit s’acheminer « par des modifications institutionnelles progressivement vers une autonomie interne ».
Sur cette base, le Néo-Destour ac-
cepte de participer au gouvernement et de négocier avec la France. Le 17 août 1950, un gouvernement tunisien se
constitue avec Muḥammad Chanīq
(Chenik) pour président et Ṣalāḥ ibn Yūsuf (Ben Youssef), le secrétaire général du Néo-Destour, comme ministre de la Justice. Sa mission est « de négocier, au nom de S. A. le bey, les modifications institutionnelles qui, par étapes successives, doivent conduire la Tunisie vers l’autonomie interne ».