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Sans cesse, ils ont protégé les arts et les lettres, et on leur doit quelques-unes des plus belles réalisations architecturales de l’Asie.

Les Proto-Turcs

Au début du IIIe s. av. J.-C., les terres qui constituent aujourd’hui la Mongolie* sont aux mains d’une confédé-

ration de nomades nommés Xiongnu

(Hiong-nou) par les Chinois. Ces Xion-downloadModeText.vue.download 608 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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gnu, contre les entreprises desquels fut élevée la Grande Muraille, étaient connus au moins cinq cents ans auparavant et sans doute même depuis la fin du IIe millénaire av. J.-C. sous diverses autres appellations. Paul Pelliot (1878-1945), avec d’autres savants, était convaincu que leur classe dirigeante était de langue proto-turque. On hésite davantage sur ce point aujourd’hui, mais nul ne nie sérieusement que plusieurs tribus turques étaient englobées dans leur système politique.

L’empire des Xiongnu, comme tous

les empires qui allaient lui succéder dans les steppes, fut de relativement courte durée, mais il eut un rôle important. Non seulement il brassa les races, jeta les fondements d’une culture nomade appelée à un long avenir, mais encore il chassa les Indo-Européens Yuezhi (Yue-tche) du Gansu (Kan-sou) vers la Sogdiane et la Bactriane, et assura la domination des Altaïques sur toute la haute Asie, de l’actuelle Mandchourie aux terres qui deviendront le Turkestan russe. Quand il se divisa, ses diverses branches eurent des destinées diverses. Les Xiongnu de l’Est entrèrent en Chine comme fédé-

rés ; ceux de l’Ouest glissèrent vers la Sibérie occidentale. Ce sont eux, ou d’autres nomades de même structure linguistique, qu’on retrouve aux IVe-Ve s. en Europe sous le nom de Huns*.

Parmi les peuples que nous voyons

agir dans les territoires de ce qui fut l’empire des Xiongnu et menacer les limes chinois, plusieurs relèvent du groupe proto-turc. Vers 260 de notre ère, l’un d’eux, celui des Tabghatchs, connu aussi sous le nom chinois de Toba (T’o-pa), descend des régions du lac Baïkal vers la Chine du Nord, où il s’établit et fonde une monarchie qui se sinisera sous le nom de Wei (v. 380).

Avant de disparaître v. 550, les Tabghatchs auront le mérite de défendre la civilisation chinoise contre d’autres Barbares, en particulier contre les Ruanruan (Jouan-jouan) [sans doute des Proto-Mongols], qu’ils écraseront en 458.

Dans le Tarbagataï (régions de Kobdo [auj. Djirgalantou] et de Se-mipalatinsk), un autre peuple, celui des Gao Que (Kao Ts’iue), considéré comme descendant des Xion-

gnu, connaît une ère de prospérité avant d’être détruit par les Ruanruan (Jouan-jouan) en 402. Ceux de ses ressortissants qui se résigneront à accepter le joug des Ruanruan et resteront sur place sont sans doute à l’origine des Töles (Tölech), d’où sortiront les Ouïgours.

Un troisième peuple, qui souleva de grandes rumeurs sous le nom de Yeda (Ye-ta), de Hephthalites ou de Huns blancs, est moins sûrement d’origine turque, mais on admet au moins que ses tribus n’étaient pas toutes mongoles.

Parti de l’Altaï, ce peuple occupe une partie du Turkestan russe et fait campagne en Iran occidental (l’actuel Afghānistān) et dans le nord de la Perse.

Malgré les incontestables succès des uns et des autres peuples, nul d’entre eux ne parvient pourtant à s’imposer sur l’ensemble des peuples de la steppe. Et c’est sans doute à une première hégémonie mongole que nous

assistons avec la construction éphé-

mère de l’empire des Ruanruan, ou

Avars. Comme cela avait été le cas avec les Xiongnu, la reconstruction d’une unité politique en haute Asie amena des changements considérables.

On peut penser que l’abandon du vieux titre de shanyu (chan yu) pour désigner l’empereur et son remplacement par celui de khaghān (var. khān), qui eut lieu alors, furent accompagnés d’une évolution dans la notion religieuse de souveraineté.

Les Tujue (T’ou-kiue)

Les Ruanruan avaient pour sujets et tenaient enfermé dans l’Altaï, où ils exerçaient le métier de forgerons, un peuple que les Annales chinoises font connaître sous le nom de Tujue (T’ou-kiue), nom dans lequel on reconnaît la transcription de türük, ou türküt, qui semble un pluriel mongol de türk.

Ces Tujue, alliés aux Töles, se soulevèrent en 551-52 sous la conduite du khaghān Bumin (Boumin) et, sur les

ruines de leur empire, ils édifièrent leur propre souveraineté. Ils choisirent pour capitale le lieu même qui avait été le centre politique des Xiongnu, les rives de l’Orkhon, dans l’actuelle Mongolie septentrionale, et s’étendirent presque aussitôt sur un immense territoire, sur lequel régnèrent le fils de Bumin († 552), Mu-han (552-572) et son oncle Istemi (552-576). Celui-ci, qui avait été associé de près aux tâches de son frère Bumin, vainquit les Huns Hephta-lites vers 565, s’allia à Khosrô Ier d’Iran et annexa la Transoxiane. Fuyant devant lui, une partie des Hephthalites se dirigea vers l’ouest et se joignit aux Kao kiu Ting ling pour constituer sans doute les Avars qui seront détruits par Charlemagne (et qui n’auraient donc rien à voir avec les vrais Avars, les Ruanruan). Tardu (576-603), fils d’Istemi, profitant des relations établies par son père avec Byzance, attaqua l’Iran et occupa le Tokharestan.

Ainsi c’est avec un éclat immense

que les Turcs débutent sous leur nom dans l’histoire. L’Empire tujue connaît ensuite des vicissitudes ; il se scinde en deux (Tujue occidentaux et Tujue orientaux), est obligé d’accepter le protectorat chinois, puis fait un étonnant redressement au VIIe s. sous Ilteriş

khaghān (Kutluğ, 682-691), aidé par le sage ministre Tonyukuk. Dès 682, il mène de nouveau campagne contre la Chine. Sous Bektchor (Kapağan

khaghān, 691-716), il refait son unité ; ses troupes vainquent les Mongols

khitans (kitat), soumettent les tribus turques encore indépendantes, les

Bayırkus du haut Keroulen, les Kirghiz de la région de Minoussinsk, les Türgeş du sud de Balkhach, puis les Qarlouqs (Karluks). En 702, elles saccagent le Shānxi (Chan-si). Kapağan khaghān meurt en laissant deux fils, Bilge et Kültigin. Malgré les conseils de Tonyukuk, alors très âgé, les deux princes concluent la paix avec la Chine.

Quand ils disparaissent en 731

(Kültigin) et en 734 (Bilge), nul n’est apte à recueillir leur succession. L’assassinat du fils de Bilge khaghān en 741 et la prise de pouvoir par un usurpateur provoquent un soulèvement qui met fin à l’Empire. Le rôle des Tujue ne se mesure cependant ni par la durée de

leur domination, ni par leur extension, mais bien par leur oeuvre de turquisation, par l’immense impulsion donnée aux Turcs, dont les effets se feront si longtemps sentir.

La civilisation turque au

VIIIe s.

Les sources chinoises et byzantines nous livrent de nombreux renseignements sur la civilisation des Tujue.

Mais nous possédons en outre des

monuments funéraires épigraphiés,

en particulier des stèles érigées pour Bilge khaghān, Kültigin et Tonyukuk, qui sont d’une valeur insigne pour connaître l’histoire, la culture, la langue, la religion des Tujue.

Ceux-ci se prétendaient issus d’une louve. Ils adoraient le Ciel-Dieu sous le nom de Tengri, mais aussi des divinités secondaires, telle que la Terre, la Montagne, une déesse placentaire, Umay.

L’empereur était intronisé comme un représentant du Ciel et agissait conformément à sa volonté. Celui-ci faisait pression sur les hommes et pouvait s’écrouler. Peut-être sous influence iranienne, les Tujue avaient adopté le culte du feu, élément qu’ils considéraient comme purificateur. Ils célébraient des sacrifices (en particulier de chevaux) à la caverne ancestrale, aux sources des fleuves. Ils brûlaient ou ensevelissaient leurs morts, non sans immoler avec eux femmes et serviteurs, chevaux et objets pouvant leur servir dans un audelà qu’ils imaginaient tout semblable au monde d’ici-bas. Ils pensaient occuper le centre du monde, conçu comme carré et abrité par le cercle rond du ciel : leurs ennemis étaient aux « quatre coins » de la terre, hors de l’abri cé-