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leste. Ils suivaient les prescriptions des

« sorciers », sans doute déjà les guéris-seurs qui seront connus plus tard sous le nom de chamans. La faune tenait une grande place dans leur mythologie et dans leur art, et leurs tribus devaient être de tendance totémique. Les grandes civilisations ne laissaient pas les Tujue indifférents, et surtout celle du bouddhisme, qui les avait touchés.

Guerriers à cheval, armés de l’arc, et pasteurs avant tout, les Tujue contrô-

laient cependant la grande voie internationale du commerce que l’on nomme

la route de la soie, dont ils tiraient d’importants bénéfices.

Les Ouïgours

Les Ouïgours (ou Ouïghours), descendants des Töles et qui avaient opposé, avec les Qarlouqs, les Oghouz et les Tatars*, une longue résistance aux Tujue, n’avaient pas été les seuls à se soulever contre ceux-ci, mais ce fut eux qui en tirèrent un bénéfice : ils prirent leur place dans la Mongolie du Nord.

À l’inverse des autres « Barbares », ils furent des alliés fidèles pour la Chine des Tang (T’ang) et ils lui rendirent d’éminents services ; il en fut ainsi quand celle-ci fut en même temps attaquée par les Khitans et menacée dans ses possessions occidentales par l’arrivée des Arabes, alliés contre elle avec les Qarlouqs (751 et années suivantes).

Cependant, au début du IXe s., la Chine dut abandonner Tourfan, Bechbalig et Qarachahr ; les Ouïgours purent s’installer en Sérinde et avancer sa turquisation. La double influence chinoise et sogdienne permit un réel essor culturel et conduisit l’Asie centrale à un niveau qu’elle n’avait pas encore atteint. Une capitale murée, Qara-balgassoun,

avait été construite dans la vallée de l’Orkhon, et des missionnaires manichéens y étaient venus. Ils y connurent un succès inespéré. Les Ouïgours embrassèrent cette religion (notamment le khaghān Alp Kutluğ, 780-789) et s’en firent les protecteurs non seulement downloadModeText.vue.download 609 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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dans leur empire, mais en Chine même.

Une importante inscription à Qara-balgassoun relève de cette époque.

L’Empire ouïgour était au sommet

de sa puissance et rien ne pouvait faire prévoir sa chute, quand une invasion des Kirghiz l’entraîna d’un seul coup (840). Les Ouïgours se replièrent sur leurs colonies. Certains franchirent le Gobi et se fixèrent au Gansu (Kan-sou) occidental (Ganzhou [Kan-tcheou],

Dunhuang [Touen-houang]), où ils se maintinrent de 860 environ à 1030, année où ils furent vaincus par les Ti-

bétains et les Tangouts : un parti émigra de nouveau pour les Nanshan (Nanchan), où il fonda un établissement qui existe encore. D’autres organisèrent un nouveau royaume vers le sud (Tourfan) et continuèrent à y développer leur culture jusqu’au XIIIe s. Dans la région de Tourfan a été retrouvée, outre des fragments de fresques et d’admirables miniatures, toute une littérature manichéenne, écrite dans les langues les plus diverses. La grotte des manuscrits de Dunhuang (Touen-houang*) a livré une foule de textes manichéens, bouddhistes et chinois en turc. Les oasis bien irriguées permirent la sédentarisation des nomades et leur apprentissage de l’agriculture ; elles constituèrent des étapes sur les routes commerciales et missionnaires, et elles devinrent des centres d’intense activité économique et religieuse. Toutes les confessions s’y trouvaient pratiquées : le manichéisme certes, mais aussi le bouddhisme, le mazdéisme, le christianisme nestorien et naturellement la vieille religion nationale des Turcs, indestructible, dont on sent bien l’inspiration dans l’Irk Bitig, petit livre de présages en caractères runiques, ou dans l’Oghouz-nāmè (Oğuzname), en caractères ouïgours, que conserve la Bibliothèque nationale de Paris. La langue turque tendit à remplacer le sogdien comme lingua franca de l’Asie centrale, et la culture turque à supplanter les autres. On peut mesurer le prestige de celle-ci en constatant qu’au XIIIe s. les Mongols emprunteront aux Ouïgours leur alphabet, leur science, leurs élites.

Les Kirghiz de l’Orkhon et

leurs successeurs

Les Kirghiz, responsables de la destruction de l’Empire ouïgour de l’Orkhon, devaient appartenir à des populations originellement indo-européennes qui s’étaient turquisées à une époque indé-

terminée. Au temps de l’hégémonie

tujue, ils vivaient déjà sur les rives du haut Ienisseï. Ils y laissèrent de courtes inscriptions funéraires écrites avec cet alphabet qu’employaient les Tujue, non datées, mais certainement postérieures à ces derniers et qui dé-

voilent un état plus archaïque de la langue et de la mentalité. Leur faible niveau culturel ne leur permit pas de

poursuivre l’oeuvre ouïgoure, ni leur puissance d’assurer la stabilité du pays, dont ils furent chassés à leur tour vers 920 par les Khitans ; mais les Kirghiz ne disparurent pas pour autant de l’histoire turque, dans laquelle ils conti-nueront à se manifester. Sur l’Orkhon, des Turcs demeurèrent après la victoire des Khitans, tels les Keraïts de confession chrétienne et les Naïmans : ils n’en disparaîtront qu’à l’époque où les Gengiskhānides changeront le fond ethnique et linguistique, et feront du pays la Mongolie.

Les Turcs dans le Sud-Est

européen

Il est probable que les Turcs ont fait leur apparition assez tôt dans le Sud-Est européen, mais nous n’avons, à ce propos, que des idées assez vagues.

Du moins s’avère-t-il à peu près certain que des tribus proto-turques ont parcouru les plaines de la Russie méridionale avec les Huns (qui les quittent vers 374 en direction du Don, de la Volga, puis de la Hongrie) et les Avars ou qu’ils s’y sont fixés. Vers 650, les tribus bulgares forment un État au nord-ouest du Caucase, entre le Kou-ban et la mer d’Azov : la Grande Bulgarie, gouvernée par le khān Kubrat.

Un peu plus tard, leur royaume est coupé en deux par la poussée d’autres Turcs, les Khazars. Après une période de sujétion, une fraction des Bulgares monte vers le nord, où elle forme la

« Bulgarie de la Volga et de la Kama », qui sera détruite au XIIIe s. par les Mongols. Les actuels Tchouvaches, dont la langue est un rameau très éloigné du turc commun, seraient leurs ultimes descendants. Cette région reçoit la visite de missionnaires et de commer-

çants musulmans (ibn Faḍlān), et entre dans l’orbite de l’islām. L’autre fraction, sous la conduite du khān Asparuh, part vers l’ouest, passe le Dauube en 679 et se fixe dans l’ancienne Mésie.

Bien qu’en lutte continuelle avec les Byzantins, les Bulgares subissent leur influence ; au milieu du IXe s., leur souverain Boris Ier (852-889) se convertit au christianisme. En même temps, parce qu’ils sont mêlés aux Slaves du Sud, ils se slavisent.

Les Khazars ont peut-être été formés par l’empire des Tujue (T’ou-kiue)

occidentaux. Au commencement du VIIe s., ils constituent une puissance dans le sud-est de l’actuelle Russie, au Daguestan, autour de la Caspienne, la mer des Khazars comme on la nommera dès lors. L’alliance avec Byzance est un des facteurs constants de leur politique. Si l’Empire romain d’Orient trouve en eux une aide dans sa lutte contre les Arabes et les Persans, les Khazars, de leur côté, reçoivent de lui des leçons de civilisation, mais aussi beaucoup d’ingratitude. Leur sol est un lieu de rencontre. On considère souvent que leur foi officielle fut le judaïsme, mais il semble que seule la classe dirigeante avait adopté cette religion. L’islām dès 690, le christianisme, surtout entre 850 et 863 grâce à saint Cyrille, firent de nombreux prosélytes. Les turcophones caraïtes (ka-raïtes), juifs non talmudiques, dont des groupes vivent encore en Crimée et en Pologne, peuvent être leurs héritiers.