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À la mort de son père, il devient substitut du procureur général du parlement de Paris (5 janv. 1752), puis conseiller au parlement (30 déc.) et enfin maître des requêtes (28 mars 1753).

Cette charge ne satisfait pas sa soif de connaissance ; attiré par les langues anciennes et modernes, Turgot étudie aussi la chimie et surtout l’économie. Il découvre à ce moment les physiocrates François Quesnay* (1694-1774) et

J.-C. M. de Gournay (1712-1759). Plusieurs publications manifestent alors son goût pour l’économie : en 1755, la traduction du livre de Josias Tucker Questions importantes sur le commerce ; en 1760, l’Éloge de Gournay, précis de science économique publié par le Mercure à l’occasion de la mort du physiocrate. Ces différentes occu-

pations n’empêchent pas Turgot de fréquenter les salons de Mme de Graffi-gny, de Mme Geoffrin et de Mlle de Les-pinasse. Mais cette période d’études et de publications s’achève : Turgot est en effet nommé intendant de Limoges en 1761.

Cette charge lui permet d’appli-

quer les théories physiocratiques et de confronter ses idées avec la réalité.

Pour améliorer l’approvisionnement des villes, Turgot fait construire des routes et s’efforce de réaliser la libre circulation des grains. Il substitue aux corvées des chemins et à celles des transports militaires deux contributions, payées par les taillables, pour la première, et par tous les contribuables, pour la seconde. Lorsque la disette frappe le Limousin en 1770-71, il agit efficacement pour soulager les populations touchées.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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Ministre de Louis XVI

Louis XVI nomme Turgot secrétaire

d’État à la Marine le 20 juillet 1774

et contrôleur général des Finances le 24 août. Timide, peu éloquent, le nouveau ministre est non seulement un théoricien (qui s’est signalé par la publication de Réflexions sur la formation et la distribution des richesses en 1766) mais aussi un homme d’expé-

rience ; les treize années passées à Limoges l’ont convaincu du rôle majeur joué par l’agriculture ; à ses yeux, la question céréalière, dont dépend la subsistance du royaume, est le point de convergence de toutes les autres préoccupations économiques ou financières ; l’équilibre du budget, l’allégement de la fiscalité, la diminution de certaines dépenses, le développement de la production agricole visent à améliorer le sort et la tâche des paysans ainsi qu’à résoudre le problème des subsistances.

Soutenu par le roi, Turgot bénéfi-

cie aussi de conditions économiques et politiques favorables : Terray, son prédécesseur au contrôle général, est parvenu à redresser la situation financière ; les parlements, rappelés en

novembre 1774, ne sont pas hostiles à Turgot.

Le nouveau ministre est décidé à assainir les finances ; il réussit à réduire les charges de la gestion en limitant le coût des emprunts et de la levée des impôts non affermés. En revanche, il ne parvient pas à limiter les dépenses militaires : le budget de la marine et celui de la guerre ne peuvent pas

être diminués. Le contrôleur général n’arrive pas non plus à restreindre les dépenses de la maison du roi ; le sacre de Louis XVI coûtera 7 millions, à son grand regret.

L’édit sur la circulation des grains (13 sept. 1774) vise essentiellement à améliorer les échanges intérieurs ; Turgot propose en effet la suppression de la réglementation, rétablie en 1770, qui entravait le commerce, le stockage... En outre, l’exportation des grains est autorisée à certaines conditions. Turgot complète ces mesures par l’abolition de charges fiscales perçues le long des voies de communication.

Les parlements, sauf celui de Rouen, enregistrent l’édit, que les intendants sont chargés d’appliquer, malgré la médiocre récolte. Au cours des mois suivants, le prix du blé monte dans presque toutes les régions du royaume, provoquant une certaine émotion dans les villes et les campagnes. Le 18 avril 1775, une émeute éclate sur le marché de Dijon ; du 27 avril au 10 mai, des troubles se produisent dans de nombreuses villes du Bassin parisien : le 2 mai à Versailles et le 3 à Paris. La foule pille parfois les marchés ; le plus souvent, elle refuse d’acheter les grains au prix proposé et oblige les vendeurs à baisser leurs tarifs. Malgré les demandes, Turgot refuse de revenir sur l’édit du 13 septembre ; répétant sans cesse ses instructions aux intendants, il prend aussi des mesures de sécurité pour réprimer les désordres, mais la guerre des farines le prive du soutien de la masse populaire.

Au cours des mois suivants, le

contrôleur général prend plusieurs décisions, tout en préparant six importants édits. La création de la régie des Messageries doit améliorer la circulation des voitures. Le commerce du

vin, réservé aux producteurs de Bordeaux et de Marseille, est désormais libre dans ces deux régions. Différents métiers bénéficient de l’allégement de certaines charges et de la modification de règlements. Au même moment, le

contrôleur général renouvelle ses tentatives pour faire des économies ; l’Assemblée du clergé vote en juillet 1775

un don gratuit augmenté ; en revanche, malgré la nomination de Malesherbes comme secrétaire d’État à la maison du roi, Turgot ne réussit pas à limiter les dépenses de la Cour. Après une longue préparation, les six édits sont présentés en janvier 1776 ; le premier, consacré à la police des grains, réorganise l’approvisionnement de Paris ; les frères Leleu s’engagent, dans un contrat signé avec le roi, à avoir en permanence une réserve de 25 000 sacs de farine de 325 livres chacun ; ces stocks doivent être mis sur le marché parisien si celui-ci tombe au-dessous de 25 000 sacs. Complétant cette mesure, un édit supprime tous les offices des quais, halles et ports. Autre décision : la caisse de Poissy et de Sceaux, qui centralisait les ventes d’animaux dans la région de Paris, est remplacée par une taxe perçue sur le bétail entrant dans la capitale.

Les trois derniers édits s’appliquent à tout le royaume ; l’un d’entre eux établit la liberté du commerce des suifs.

Un autre substitue aux corvées de route (entretien et construction) un nouvel impôt payé par tous, taillable ou non.

Enfin, le contrôleur général propose la suppression de toutes les corporations, sauf quatre : celles des barbiers-perruquiers, des pharmaciens, des orfèvres et des imprimeurs. Ces deux derniers édits allaient soulever l’hostilité du monde parlementaire. Le parlement

de Paris enregistre l’édit supprimant la caisse de Poissy et de Sceaux mais il refuse de sanctionner les autres ; selon la coutume, les Chambres remettent, le 4 mars, à Malesherbes le texte des remontrances ; celles-ci critiquent l’abolition des corporations et des corvées ainsi que le paiement par les nobles du nouvel impôt. Louis XVI, favorable aux projets de Turgot, réunit, le 12 mars 1776, un lit de justice, au cours duquel le parlement enregistre les édits. Mais l’opposition des parle-

mentaires a surpris le roi. « L’affaire de Guines » contribue à ruiner totalement sa confiance en Turgot.

Adrien Louis Bonnières de

Souastres, comte de Guines, ambas-

sadeur de France en Angleterre, avait pris des initiatives diplomatiques imprudentes, compromettant les bonnes relations franco-anglaises. Poussé par Turgot, Louis XVI décide de rappeler et de remplacer le diplomate maladroit. Mais Marie-Antoinette n’accepte pas cette décision qui frappe l’un de ses protégés. Soutenue par Maurepas et par le parti de Choiseul, elle veut obtenir une vengeance complète : la réhabilitation du comte de Guines et la chute de Turgot. Pressé par son entourage, le roi se détache de plus en plus de son ministre ; il est surtout impressionné par la poursuite de l’opposition parlementaire aux décisions prises le 12 mars et par la démission de Malesherbes ; ces événements prouvent, à ses yeux, l’échec de la politique du contrô-