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La vie urbaine

Les invasions turques ont beaucoup moins modifié la charpente urbaine de l’Anatolie que sa vie rurale. Le réseau urbain était presque entièrement établi dès l’époque byzantine en ce qui concerne les villes principales, et les Turcs n’y ont ajouté qu’un nombre

insignifiant de fondations parmi les actuels chefs-lieux de provinces. La permanence des cités à travers les transformations ethniques est soulignée dans la plupart des cas par la continuité toponymique (Sebastia = Sıvas ; Iconium = Konya ; Caesarea = Kayseri ; etc.). Cependant, après une phase de dégradation qui avait entraîné la disparition d’un grand nombre de villes antiques, l’apport des nouveaux venus s’est révélé décisif dans la création, à l’époque contemporaine, d’un grand nombre de petites villes et bourgades secondaires, dont le développement récent exprime la nécessité de marchés locaux dans des campagnes dont la population a rapidement augmenté au cours du dernier siècle. La proportion de noms turcs atteint ainsi les trois quarts du total des noms de chefs-lieux d’arrondissement, alors que la quasi-totalité des noms de chefs-lieux de province sont pré-turcs.

De toute façon, les Turcs ont introduit en Anatolie une conception toute nouvelle de la vie urbaine. Non seulement ils ont substitué à l’organisation précise de la cité antique le désordre des plans islamiques, mais des élé-

ments plus spécifiques sont intervenus. Souhaitant leurs villes comme de vastes camps champêtres et aérés, près d’eaux courantes et de pâturages verdoyants, les Turcs ont fréquemment abandonné les sites perchés antiques pour étaler largement leurs villes à quelques kilomètres parfois, souvent downloadModeText.vue.download 623 sur 631

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sans changer le nom. En même temps se sont développées des migrations estivales de changement d’air, à itinéraires souvent calqués sur ceux du semi-nomadisme rural. Beaucoup de

ces villes des côtes méditerranéennes ou pontiques ont ainsi des yayla citadines dans les montagnes voisines, à

plusieurs dizaines de kilomètres de distance, où migre encore une fraction appréciable de la population. Sur le plateau, il s’agit souvent de quartiers de jardins situés à la même altitude que la ville. On connaît des exemples (Malatya notamment) de villes qui ont fini par se transporter définitivement sur le site de leur yayla.

Cette conception « rurale » de la

vie urbaine se traduit largement dans l’aspect des cités (où dominent des maisons de type villageois) et dans leurs fonctions. En 1960, sur 151 villes de plus de 10 000 habitants, 51 encore avaient l’agriculture comme

première activité. Le pourcentage de population agricole dans la population active atteint fréquemment de 30

à 40 p. 100 jusque dans des villes de 40 000 à 50 000 habitants. L’urbanisation a été tardive, et c’est seulement depuis 1950 que la population urbaine croît plus vite que la population rurale.

Encore ne représentait-elle (agglomé-

rations de plus de 5 000 habitants) que 38,7 p. 100 de la population totale en 1970. Et cet essor est dû exclusivement au développement des grandes villes (Istanbul*, Ankara*, Izmir*, Adana), alors que la part des agglomérations de 5 000 à 20 000 habitants, que les fonctions supérieures n’ont pas encore atteintes, ne cesse de diminuer.

Industrialisation et

développement

Les ressources énergétiques de la

Turquie ne sont pas négligeables. La production pétrolière (3,5 Mt par an au Raman dağı, en Anatolie du Sud-Est) ne couvre cependant pas les

besoins ; le bassin houiller de Zonguldak, sur les côtes de la mer Noire, fournit 5 Mt d’un charbon aisément cokéfiable, et de nombreux gisements de lignite, dispersés surtout en Anatolie occidentale, produisent environ 6 Mt. L’équipement hydro-électrique, entamé sérieusement depuis 1950 avec les barrages de Sarıyar, sur le Sakarya, et de Hirfanlı, sur le Kızıl ırmak, est entré dans une phase décisive depuis 1970 avec la mise en service du barrage du Keban, sur l’Euphrate, dont la production doit atteindre 6 TWh.

D’autre part, la Turquie possède déjà

une infrastructure appréciable, avec un réseau ferroviaire (8 000 km) qui est le plus dense du Moyen-Orient et un réseau routier qui s’est considérablement amélioré récemment, bien que le désenclavement de l’Anatolie orientale reste encore très imparfait. Enfin, les chaînes anatoliennes sont fortement minéralisées, spécialement en métaux non ferreux : chrome surtout (à Güleman, à l’ouest du lac de Van, et dans les régions de Brousse [Bursa] et de Fethiye ; 200 000 t de métal contenu), cuivre, soufre, antimoine.

Il y avait là les bases d’un développement industriel. En fait, la quasi-totalité des métaux non ferreux, exploités directement par des sociétés d’État, sont exportés. Mais l’extraction du fer alimente une sidérurgie nationale.

À partir des gisements de Divriği, en Anatolie orientale, la production atteint 1 100 000 t de fer contenu. C’est cependant à proximité du bassin houiller de Zonguldak que la sidérurgie est née en 1938-39, dès avant la mise en exploitation des gisements nationaux de fer, d’abord à Karabük, à une cinquantaine de kilomètres à l’intérieur, dans un site choisi pour raisons straté-

giques (hors de portée des plus grands canons de marine). À cette première unité (400 000 t d’acier), à capitaux d’État, s’en est ajoutée une deuxième, à capitaux mixtes d’État et privés, sur la côte même cette fois, à Ereğli (capacité de 600 000 t). Une troisième unité a été ouverte en 1972 sur la côte méditerranéenne, à Iskenderun (capacité de 1,2 Mt).

Les industries manufacturières ont connu d’autre part un développement notable avec des capitaux d’État (textile notamment) et privés. Elles sont extrêmement diffuses. Après les centres importants d’Istanbul (un tiers de la production industrielle) et d’Izmir (un sixième), Brousse, Adana, Ankara et beaucoup de villes moyennes (Eskişehir, Kayseri, Malatya, Erzurum, Sıvas) sont des foyers industriels plus ou moins importants. Les industries alimentaires, notamment, sont très dispersées. L’industrie cotonnière est relativement concentrée, pour 40 p. 100

en Cilicie (Adana, Tarsus, Mersin).

Néanmoins, le pays reste essen-

tiellement agricole : 75 p. 100 de la population active demeurent engagés dans l’agriculture. Le commerce extérieur est dominé par l’exportation des produits agricoles. Trois postes, coton, tabac, fruits (noisettes, raisins secs et figues) se situent à peu près à égalité au premier rang, représentant ensemble près du tiers du total. Puis viennent les minerais (10 p. 100) avant les produits de l’élevage (il existe un troupeau de 12,5 millions de bovins et de plus de 35 millions d’ovins) : laine, peaux et viande. La part des produits finis ou semi-finis, parmi lesquels dominent ceux de l’artisanat du tapis, n’atteint pas 10 p. 100. Deux éléments importants comblent partiellement le chronique et lourd déficit de la balance commerciale : le tourisme (900 000 visiteurs en 1972) et le revenu des travailleurs émigrés à l’étranger, essentiellement en République fédérale d’Allemagne. Celle-ci est d’ailleurs aussi (devant les États-Unis) le principal partenaire commercial du pays.

La Turquie reste un peuple de pay-

sans. Le niveau de vie n’augmente que très lentement (indice du revenu national par tête : 160 en 1970 pour 100 en 1938). Le produit intérieur par habitant était estimé à 546 dollars seulement par habitant en 1973. L’extension des surfaces cultivées a permis, jusqu’à pré-