Dotée à cet effet, dès l’an 1300, d’une charte, Amsterdam élargit son champ d’action à la Gascogne, à l’Angleterre et surtout aux pays de la Baltique, dont elle importe de la cire, du lin et des céréales, qu’elle redistribue dans les Pays-Bas et les pays rhénans.
Aussi adhère-t-elle à la Confédération
de Cologne, qui, sous l’impulsion de la Hanse, combat le Danemark et la Norvège. Mais dès le début du XVe s., cette petite cité (à peine 5 000 habitants) entre en conflit avec les Hanséates, auxquels elle arrache en 1441 et en 1474, par les traités de Copenhague et d’Utrecht, le droit d’écouler librement dans les pays de la Baltique les produits de sa pêche (harengs) et ceux de ses industries (brasserie et surtout draperie). Née après 1350 de l’importation des laines anglaises, cette dernière activité prend son essor au XVe s., grâce à l’immigration de nombreux tisserands flamands ; en outre, elle stimule l’industrie des constructions navales, dans la mesure même où la Hanse
interdit à ses membres d’acheter des draps hollandais ailleurs qu’à Bruges, alors qu’il leur est loisible, concurremment avec les Hollandais, d’importer à Amsterdam du bois et des céréales en échange du sel, des harengs, des fruits et du vin qui sont redistribués dans le monde baltique : ainsi est-il mis fin au monopole commercial de la Hanse dans les mers du Nord, alors que la prospérité d’Amsterdam est assurée.
Effaçant les traces de l’incendie de 1452, édifiant une nouvelle enceinte dès 1482, accueillant les réfugiés protestants d’Anvers et du Brabant, dont la présence stimule leurs industries, les marchands d’Amsterdam entretiennent néanmoins de profitables rapports avec l’Espagne et le Portugal, qui, par Lisbonne surtout, leur fournissent les épices et les soieries qu’ils redistribuent dans l’Europe du Nord. Aussi attendent-ils que Guillaume le Taci-turne occupe leur ville en 1578 pour se rallier officiellement à la Réforme, qui a pourtant pénétré la bourgeoisie locale dès 1530. La rupture qui en ré-
sulte avec l’Espagne, le fait que cette dernière s’empare de Lisbonne en 1580
et ruine définitivement Anvers en 1585
décident brusquement de la vocation impériale des marchands d’Amsterdam, désormais contraints d’aller chercher eux-mêmes épices et soieries dans les Indes orientales. Leurs navires arrivent au Malabār en 1597, puis gagnent Malacca et les Moluques ; en même temps, ils s’implantent dans les possessions ibériques de l’Atlantique (São Tomé, Petites Antilles, etc.), d’où leurs corsaires partent à la chasse des galions
espagnols chargés des richesses de l’Amérique. Pour exploiter et organiser ce trafic intercontinental, Amsterdam se dote des instruments qui font d’elle la première puissance économique du temps : création de chantiers navals de plus de 1 000 ouvriers, qui construisent une flotte grâce à laquelle les Néerlandais deviennent les rouliers des mers ; fondation des grandes compagnies de commerce colonial à monopole, qui font la fortune des Provinces-Unies au XVIIe et au XVIIIe s., Compagnie des Indes orientales en 1602, Compagnie du Nord et Compagnie du Levant en 1614, Compagnie des Indes occidentales en 1621 ; mise en place, en 1609, de la Banque d’Amsterdam, destinée à remédier à l’anarchie monétaire engendrée par les guerres de Religion ; édification entre 1608 et 1611 de la Bourse, où sont négociés aussi bien les valeurs que les produits alimentaires (vins, harengs, liqueurs, miel, épices, café, thé), miniers (métaux et pierres pré-
cieuses) ou industriels (goudron, poix, cuirs, draps, etc.), seuls les grains, les bois et les toiles étant commercialisés en dehors de ce bâtiment.
Assurés de toujours trouver à Amsterdam un acheteur immédiatement solvable, les marchands affluent de toutes parts, contribuant à renforcer le cosmopolitisme de cette ville tolérante, dont 25 à 50 p. 100 de la population est encore catholique en 1650, malgré l’arrivée de nombreux réfugiés : immigrants protestants du sud des Pays-Bas et de la Rhénanie ; juifs espagnols et portugais ; plus tard huguenots fran-
çais, marchands hanséates, etc. Aussi sa population croît-elle rapidement, malgré les crises épidémiques de 1617, 1623-1625, 1635-1636, 1655 et 1663-1664 : 30 000 habitants en 1580, 104 000 en 1640, 185 000 en 1685.
Laboratoire des techniques finan-cière et commerciale (assurances) du monde capitaliste et libéral, auquel elle offre, avec la Compagnie des Indes orientales, la première véritable société par actions, champ d’expérimentation des premières spéculations à terme dès 1609-1610, premier marché mondial du XVIIe s. pour les grains, les épices et les métaux précieux, enfin lieu privilé-
gié d’implantation des industries colo-
niales (sucreries, travail du cuir, préparation des colorants, du tabac, taille des diamants) et des industries du bois (papeteries, constructions navales) ou de la brique, Amsterdam devient la première place d’affaires de l’Europe, et donc des Provinces-Unies, auxquelles elle fournit plus de 25 p. 100 de leurs ressources.
Heureusement prémunie contre un
retour offensif d’Anvers grâce aux traités de Westphalie de 1648, qui ont cédé aux Néerlandais les bouches de l’Escaut, cette capitale économique des Provinces-Unies en est aussi la capitale intellectuelle et artistique, grâce à son
« école illustre », à son industrie du livre, que consacre le nom d’Elzévir, à ses artistes, auxquels on doit un hôtel de ville à l’architecture imprégnée de classicisme français et d’innombrables tableaux, dont les plus célèbres sont ceux de Rembrandt.
Mais elle n’en est pas pour autant le seul centre politique, les états géné-
raux résidant à La Haye et la famille d’Orange, qui domine le pays, lui étant extérieure. Entrée d’ailleurs en conflit avec celle-ci, notamment sous l’impulsion du clan des Bicker, régents d’Amsterdam (1627-1650), la ville doit finalement s’incliner une première fois devant la volonté de Guillaume II en 1650. Directement menacée par Louis XIV en 1672, elle ouvre les digues qui la protègent des eaux, et se rallie par là même à Guillaume III d’Orange, dont l’acceptation de la couronne d’Angleterre contribue apparemment à la conservation de ses intérêts, conservation à laquelle est attaché un patriciat qui se réserve le profitable contrôle du pouvoir municipal, qu’assument en particulier les régents d’Amsterdam.
De tels faits, ainsi que la montée de la puissance anglaise, la dégradation des positions hollandaises en Asie et le développement des relations directes entre la Baltique et la France, amorcent au XVIIIe s. un déclin relatif de la place d’Amsterdam, par rapport à celles des autres pays dont les activités croissent à un rythme plus rapide. La diminution du tonnage de sa flotte, la moindre importance de sa fonction d’entrepôt sont heureusement compensées par le
maintien de ses activités financières, en raison des facilités de crédit qu’offre la place, du moins jusqu’aux années 1780. Une nouvelle guerre contre l’Angleterre (1780-1784), l’occupation par les Prussiens en 1787, puis par les forces de Pichegru en 1795 accélèrent son déclin. Capitale de la République batave en 1795, puis du royaume de Hollande en 1806, troisième métropole de l’Empire français après Paris et Rome en 1810, enfin capitale des Pays-Bas depuis 1813, elle sera le siège du sixième congrès de la IIe Internationale ouvrière (1904).
Victime du blocus britannique de 1792 à 1814, puis de l’indépendance de la Belgique, qui lui suscite la concurrence d’Anvers à partir de 1832, coupée de la mer par l’ensablement progressif de l’IJselmeer, enfin blessée gravement par l’occupation allemande, qui provoque de 1940 à 1945 la déportation de la fraction juive de sa population (environ 10 p. 100), Amsterdam ne redevient réellement un grand centre économique que lorsque s’achève sa reconstruction et qu’elle peut assumer de nouveau sa double fonction de port maritime et de port fluvial, grâce à l’élargissement du canal maritime de la mer du Nord, ouvert dès 1876, downloadModeText.vue.download 25 sur 561