lativement, d’une part, l’intérêt croissant porté à la connaissance des mouvements d’opinion, et, d’autre part, la diversification et la multiplication des moyens de communication à grande diffusion : on applique l’analyse de contenu en l’adaptant aux matériaux fournis par la radio, le cinéma, la télé-
vision, etc.
C’est sans doute B. Berelson qui a le plus réfléchi aux contraintes et aux possibilités de cette technique, et on peut lui emprunter sa définition :
« L’analyse de contenu est une technique de recherche qui a pour objet une description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication. » Il faut toutefois dissiper d’emblée une ambiguïté possible qui tient à l’usage de l’adjectif « manifeste ». En effet l’analyse cherche à ré-
véler, à travers le contenu manifeste et au-delà de celui-ci, un contenu latent ou dissimulé dont la mise au jour donne au document brut sa pleine signification.
La psychanalyse ne fait pas autre chose quand elle traite le discours du patient comme un système des signes dont il s’agit de retrouver le code, afin de donner aux matériaux offerts leur sens vé-
ritable et profond. Par ailleurs, le mot
« communication » dans la définition
de Berelson peut s’appliquer aussi bien aux communications orales (proclamations, entretiens, conversations) qu’à des textes rédigés (archives officielles, articles de journaux, lettres).
Il reste que l’analyse de contenu doit toujours respecter certaines conditions : en premier lieu, elle doit être normalisée. Cela implique une sélection préalable des points de vue selon lesquels l’analyse sera menée. L’analyse doit ensuite être systématique ; elle doit permettre d’ordonner tout le contenu dans les catégories choisies.
On exige la plupart du temps des ré-
sultats quantifiés et le plus souvent on s’astreint à dénombrer les éléments significatifs, à calculer leur fréquence.
La recherche de la signification passe au premier plan : on tend à enrichir le comptage du « nombre de fois » par la recherche des thèmes, en qualifiant leur intérêt, leur nouveauté, etc. Ainsi, l’ap-préciation subjective retrouve sa place dans l’analyse du contenu. L’exemple suivant rend la différence d’optique très claire. Pendant la guerre, un commentateur de la radio allemande, annonçant une victoire de sous-marins, ajoute : « Nous ne sommes pas assez naïfs pour spéculer sur l’avenir à partir de ce succès. » Une telle phrase, isolée dans un contexte délibérément optimiste, n’aurait pas été retenue dans une analyse purement quantitative ; qualitativement, elle était extrêmement inté-
ressante, car elle pouvait indiquer une intention de mise en garde du public allemand contre les mécomptes à venir.
La technique
Il est admis que toute analyse de contenu doit passer par trois phases : chercher les caractéristiques du contenu lui-même ainsi que sa forme ; analyser et caractériser les facteurs de l’émission ; interpréter le message dans ses effets, afin d’envisager l’accueil qui lui est réservé. Les trois démarches fondent une technique de recherche visant à la découverte des liaisons significatives, en dehors du contenu manifeste du message.
Cette explication appelle plusieurs remarques. Toute communication suppose l’existence d’un « émetteur », downloadModeText.vue.download 36 sur 561
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 2
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qui produit un message. Celui-ci est doté d’un contenu et d’une forme ; il véhicule une certaine quantité d’informations destinée à atteindre un certain but ; un message peut s’adresser à un ou plusieurs récepteurs.
Parmi les divers objectifs que se propose l’analyste (B. Berelson a distingué jusqu’à 16 usages possibles), il faut d’abord s’arrêter sur l’étude de l’émetteur. Deux cas peuvent se pré-
senter : ou bien l’on étudie la réaction de l’émetteur au stimulus provoqué par l’observateur, et c’est ce qui se produit lors d’un entretien thérapeutique dirigé par un psychologue ; ou bien (et c’est le cas le plus fréquent) l’analyste ne peut agir sur le responsable du matériel qu’il étudie, et il lui faut alors inférer, à partir d’un contenu inchangeable, certaines caractéristiques de ses auteurs.
Puis on entre dans l’étude du message lui-même. Les recherches dans ce domaine sont nombreuses et, d’une certaine manière, ce sont les plus originales. Ici, l’analyse de contenu peut servir à découvrir les tendances d’une évolution. Ainsi, Jakobson et Lasswell, analysant les slogans du Premier-Mai en Union soviétique, ont découvert que les formules avaient changé de nature au cours d’une certaine période de temps ; les symboles révolutionnaires de portée universelle ont été progressivement remplacés par des mots d’ordre à résonance nationale. Citons encore la recherche de V. Isambert-Jamati, qui met au jour le changement des valeurs sociales exaltées par l’école au cours du dernier siècle, au moyen d’une analyse de contenu des discours de distribution des prix.
À qui parlent les émetteurs du message ? À ceux qu’on appelle les « ré-
cepteurs ». Ces derniers ne sont pas toujours évidents. Au-delà d’interlocuteurs apparents, nombre de discours s’adressent en fait à d’autres, qui, pour n’être pas expressément désignés, n’en sont pas moins visés.
Quand on interroge le contenu d’un message en lui posant la question
« comment ? », on est à la limite de l’analyse quantitative. La plupart du temps, il s’agit d’étudier ici les moyens par lesquels le message cherche à produire, ou produit effectivement, une impression. Les risques de subjectivité, en l’espèce, peuvent être réduits par une analyse quantitative des éléments qui concourent à produire un effet : les effets rhétoriques d’accentuation, de répétition, etc., peuvent se prêter à une telle étude. Si les catégories restent qualitatives, il est toujours possible d’en pondérer les données : l’analyse du matériel de propagande d’un parti totalitaire, par exemple, peut aboutir à la conclusion que la catégorie « appel émotionnel » en rend compte de façon majeure ; mais l’importance relative de ce caractère pourra varier significativement d’un pays à l’autre, le parti restant formellement le même.
Enfin, il faut se demander quel est l’effet du message sur ceux qui le re-
çoivent. On peut étudier les réponses de lecteurs à un article de presse, ou les effets d’un film sur ses spectateurs.
Dans une enquête célèbre, Cantril a analysé en détail les phénomènes déclenchés par un programme radiodiffusé de science fiction qui annon-
çait l’invasion de New York par des Martiens. L’étude peut avoir un but de prévision, quand il s’agit d’envisager le retentissement d’une campagne électorale ou publicitaire. Inversement, on peut, la stratégie générale d’un émetteur étant supposée connue, tenter de déceler ses objectifs, ses buts cachés, à travers le contenu manifeste de ses messages.
Technique relativement récente,
l’analyse de contenu a beaucoup évo-lué lors de la dernière période. Les premiers essais se bornaient à analyser l’acte de communication isolé de son contexte. Ultérieurement, le contenu a été envisagé dans le cadre d’une analyse multidimensionnelle, prenant en considération les facteurs qui affectent aussi bien la production que la réception du message. Ainsi, on se soucie de plus en plus de l’émetteur, on cherche tout ce qui peut avoir trait à la situation sociale de celui-ci (cf. l’étude de